La représentation

La représentation théâtrale est ce qui fait la spécificité du théâtre par rapport à d’autres genres littéraires. C’est un genre très ancien qui date de la Grèce antique et dont la spécificité est l’aspect spectaculaire, le fait que les citoyens se rassemblent pour regarder une imitation d’action par des acteurs sur une scène.
Le théâtre est défini à cette époque par Aristote comme une imitation d’action (mimesis) c’est-à-dire qu’il s’agit de reproduire, re-présenter devant les yeux des spectateurs, des actions. L'autre aspect spécifique à la représentation théâtrale est la catharsis (purgation). Toujours selon Aristote, c'est le processus par lequel la comédie ou la tragédie soignent l’âme des spectateurs. La représentation a un effet psychologique bénéfique.

Selon Platon, la mimesis, qu’il entend davantage comme une reproduction, est à bannir car elle éloigne de la vérité en tant que simulacre de la réalité. Pire, elle reproduit des objets qui ne sont eux-mêmes que des images d’un concept, seule source de vérité. Ainsi un peintre, en peignant un lit, reproduit une manifestation sensible et concrète d’un lit, et cette manifestation sensible est elle-même la copie d’une idée vraie, le concept de « lit ». La représentation par l’art, la poésie ou le théâtre est donc deux fois éloignée de la vérité. À l’inverse pour Aristote, la mimesis est naturelle à l’homme et c’est une tendance positive.
Cette tendance à imiter est à l’origine du théâtre, de la tragédie et de la comédie. À travers ces représentations, les hommes explorent la réalité et la comprennent mieux. Le fait de représenter est, pour Aristote, une source de connaissance.

Ce détour concerne en premier lieu le récit. Dans ce cas le récit, comme la fable par exemple, a deux sens : un sens littéral ou premier qui est le récit lui-même, et un sens second, figuré ou allégorique qui est ce qui est représenté à travers ce récit.. Par exemple, une allégorie célèbre est le récit que fait Baudelaire de ce qui arrive aux albatros lorsqu’ils sont capturés par les marins. À partir de ce récit, Baudelaire propose une allégorie : l’albatros, c’est le poète. Il nous invite à relire le récit des malheurs de l’albatros d’une autre façon, en leur donnant un autre sens, celui de la description des conditions de création des poètes.

Un autre très célèbre récit est celui de l’allégorie de la Caverne de Platon. Dans cette allégorie, Platon met en scène les hommes confrontés aux simulacres de ce qu’ils croient être la réalité, mais n’en est que la copie imparfaite. En imaginant un homme sortir de la caverne, se défaire de ses liens et voir enfin le vrai soleil, il décrit le philosophe qui se libère de l’illusion et contemple les idées qui l’éblouissent.

L’allégorie peut cependant prendre aussi la forme d’une peinture, d’une sculpture ou d’une illustration. Dans ce cas, c’est souvent une idée qui est représentée sous la forme d’une personne ou d’un tableau complet composé de façon symbolique. Une sculpture d’une jeune femme peut incarner allégoriquement la liberté, la justice ou la beauté, selon les attributs qu’elle porte (une balance pour la justice, un flambeau lumineux pour la liberté à New York). Un exemple pictural d’allégorie se trouve dans le tableau Embarquement pour l’île de Cythère d’A. Watteau : l’ensemble du tableau dans son sens premier représente des jeunes gens qui se sont regroupés sur une rive, avant de s’embarquer pour une promenade sur un lac où au loin on devine une île. Cependant tout en prenant en compte que l’île de Cythère est l’île d’Aphrodite/Vénus, on peut voir dans tous les couples représentés une représentation de l’amour.

Dans tous les cas, l’allégorie est une représentation qui est source de connaissance, car elle apprend à distinguer le sens premier ou littéral du sens second, plus secret et caché, à les mettre en lien et à en tirer un enseignement. L’image du poète albatros ou de l’amour voyage permet de développer la réflexion par analogie.

La représentation du monde est une entreprise ambitieuse et complexe qui évolue selon les époques, les techniques et les savoirs disponibles. Il faut nécessairement distinguer le territoire réel de la représentation graphique qui est censée le représenter (la carte).
« La carte n’est pas le territoire » selon la maxime proposée par A. Korzybski. Il ne peut pas exister de représentation à l’identique d’un territoire. Seule une carte d’une échelle 1/1 qui reprendrait chacun des éléments du monde un par un pourrait être totalement conforme au réel, et dans ce cas elle serait confondue avec le réel.

La représentation géographique commence donc par la sélection subjective d’éléments, en fonction des objectifs du cartographe : aider à la navigation, au voyage terrestre, à l'exploitation économique ou à la guerre. En fonction de ces objectifs, certains éléments sont jugés pertinents tandis que d’autres sont laissés dans l’ombre. Ainsi, il n’y a pas une seule façon de représenter un territoire (un océan, une ville, une région, une zone montagneuse ou le monde entier). La carte est source de connaissance en tant qu’elle sélectionne, simplifie, schématise la réalité et lui apporte des informations complémentaires.