Objectif : pouvoir situer l'œuvre dans son
contexte ainsi que dans l'ensemble de l'œuvre de l'auteur
et en connaître les principales caractéristiques.
L'épigraphe de Platon, tirée du
Théétète, « onar anti
oneiratos », « rêve pour
rêve » ou « songe pour un autre
songe », place d'emblée le roman dans la
problématique du rêve. Quelles sont les
principales fonctions du rêve dans Les Fleurs
bleues ?
1. Une remise en cause de la réalité
Dans l'avant-texte qui ouvre le roman, Queneau instaure un
flou entre rêve et réalité :
« est-ce le duc d'Auge qui rêve qu'il est
Cidrolin ou Cidrolin qui rêve qu'il est le duc
d'Auge ? » On ne sait jamais, à la lecture
du roman, lequel des deux récits représente le
monde du sommeil ou celui de la veille.
Auge « rêve souvent qu'[il est] sur une
péniche », Cidrolin explique au gardien de
camping ses rêves historiques. Ce brouillage relativise
la sûreté du jugement, remet en cause la
capacité de l'homme à saisir le réel. La
vie n'est peut-être qu'un songe (c'est ce qu'affirme le
personnage de Gabriel dans Zazie dans le métro),
et nous serions le jouet de perpétuelles illusions.
Queneau se rattache ainsi à la tradition
sceptique du doute absolu.
2. Une activité compensatoire
Queneau, qui fut longtemps en psychanalyse, s'intéresse
aux travaux de Freud. Le rêve est, peut-être, dans le
roman aussi, le
lieu qui révèle
l'inconscient. Biroton est ainsi chargé d'analyser les
rêves d'Auge. Cidrolin essaie de convaincre Lalix de
raconter les siens et de s'en remettre aux psychanalystes.
La critique quenienne a pu déceler, dans les
époques traversées, les étapes des
épreuves contre le père (saint Louis,
Louis XI, les tiraillements de la personnalité avec
la référence à Don Quichotte, les tabous
avec Gilles de Rais, la sublimation artistique par la
peinture). La fin du récit, où Auge et Cidrolin
se rencontrent et cessent tous deux de rêver,
correspondrait à la réunification du moi.
3. Une métaphore de la littérature
« Mes rêves, dit Cidrolin, si je les
écrivais, ça serait un vrai roman. » Or
Queneau fait-il autre chose en écrivant
Les Fleurs
bleues ? On peut donc déceler dans la
thématique du rêve une forme de
mise en abyme du
roman. L'écriture de Queneau se commente
elle-même : les rêves ne sont peut-être
que des mensonges comme l'écriture romanesque. Mais tous
deux ont la même vertu, celle de
révéler : « rêver ou
révéler, c'est peut-être le même
mot » explique Cidrolin à Lalix.
L'écriture est donc un mensonge qui dit la
vérité, un univers faux qui nous éclaire
sur le réel, alors que le réel, lui, n'est
peut-être qu'un songe.
L'essentiel
Le rêve a une fonction symbolique. Il exprime le
scepticisme quenien et peut être l'objet d'une lecture
psychanalytique ; le rêve met en abyme
l'écriture romanesque.