Thomas Hobbes (1588-1679) est
un philosophe anglais dont la longévité a
été exceptionnelle : il est mort à
l'âge de 91 ans. L'Angleterre connaît au
17ème siècle deux guerres civiles
successives ; en 1649, le roi Charles 1er est
décapité. Pendant onze ans (1640-1651),
Hobbes est exilé en
France, pays dans lequel il rédige la part la plus
importante de son oeuvre.
Il est l'auteur d'une œuvre politique majeure : Le
Léviathan, qui paraît à
Londres en 1651. Considéré à la fois comme
le théoricien de l'absolutisme politique, puisqu'il
confère au Souverain un pouvoir absolu, et comme le
fondateur de l'État moderne, démocratique et
libéral, dans la mesure où il théorise
l'idée de "contrat social", il n'est donc pas
facile, d'emblée, de se faire une idée
précise de la véritable contribution de
Hobbes à la philosophie
politique moderne.
1. Mécanisme et rationalisme
a. La science politique est une science
mécanique
L'idée de "mécanisme naturel" est à
la base de la pensée hobbienne. La science de la
politique, que Hobbes
cherche à établir, se base sur une
physique, établie en fonction des mouvements des
corps et des esprits. Il s'agit de construire une
mécanique politique, construite sur le
modèle géométrique. Pour
Hobbes, penser c'est
calculer et compter, c'est-à-dire additionner
et soustraire, ou multiplier et diviser. La philosophie
se réduit à "une connaissance
raisonnée des effets par leurs causes et des
causes par leurs effets".
Le mécanisme naturel est en même temps un
rationalisme : la raison est la marche, le
développement de la science est le chemin, et
l'avantage pour l'humanité est le but,
écrit Hobbes dans
LeLéviathan.
Pourquoi, alors, puisque Hobbes, à l'instar de
Descartes (1596-1650),
son contemporain, s'inscrit dans le courant
mécaniste et rationaliste, s'oppose-t-il
radicalement à ce dernier ?
b. Hobbes contre Descartes
Selon Hobbes, les corps
physiques peuvent être composés et
décomposés ; l'esprit fonctionne de la
même manière que les corps.Il n'y a donc pas
lieu de les distinguer. L'âme et le corps ne
peuvent être véritablement "pensés",
au sein de la philosophie et de la
science, lesquelles représentent pour
Hobbes une seule et
même discipline. Toute pensée
réflexive (Je pense, donc je suis) se
trouve hors du champ de cette science et de cette
philosophie que Hobbes veut instaurer.Hobbes nie, d'une certaine
manière, l'intériorité humaine,
qu'il relègue dans le domaine de la foi, de la
méditation ou de la psychologie. Tous les actes
humains sont soumis à la nécessité,
ou à une "raison suffisante". Même dans
l'action volontaire, la volition elle-même n'est
pas volontaire. Pour Descartes au contraire, la
volonté humaine est infinie, et absolument
libre.
Seules l'intéressent finalement les passions
humaines, dans la mesure où celles-ci engendrent
l'état de fait de la guerre de tous contre
tous. C'est à cet état de fait,
à cet état naturel qu'il s'agit de
remédier, en instaurant un pacte
social. Se substitue au mécanisme naturel un
mécanisme artificiel incarné par
l'État. On pourrait même parler de
"mécanique politique". Le pacte social sera en
quelque sorte l'élément central, l'origine
et le moteur de la machine politique.
2. Le pacte social
a. Une vision pessimiste de la nature humaine
L'état naturel des hommes est celui de la
guerre de tous contre tous (bellum
omnium contra omnes). Rentrent en conflit les
désirs et les aversions des hommes, qui trouvent
une sorte d'équilibre dans une instabilité
essentielle. L'homme est, à l'état de
nature, égoïste, jaloux, vaniteux et
orgueilleux et ambitieux : il recherche la gloire ,
le prestige et les honneurs. C'est pourquoi il est
naturellement violent. Tous animés et mûs
par leurs passions et leurs instincts, les hommes sont en
conflit permanent les uns avec les autres. Si deux
hommes désirent la même chose, sans qu'il
soit possible qu'ils en jouissent tous deux, ils
deviennent ennemis : et dans leur poursuite de cette fin
(...), chacun s'efforce de détruire ou de dominer
l'autre, explique Hobbes dans Le
Léviathan (1, XIII).
Nous trouvons dans De cive (Du citoyen,
1942) la fameuse formule selon laquelle l'homme est
un loup pour l'homme (Homo homini
lupus). La violence et la ruse sont les "deux
vertus cardinales" de l'homme à l'état de
nature, au sein duquel la justice ou l'injustice n'ont
aucun sens. C'est pourquoi, montre Hobbes, l'homme naturel mène
une existence "solitaire, besogneuse, brève et
pénible". C'est pourquoi il faut le sortir de cet
état ; cette sortie de l'état de nature se
fera par le biais du pacte social. Rousseau, au
siècle suivant, affirmera au contraire que
"l'homme naît naturellement bon".
b. L'insécurité qui règne dans
l'état de nature justifie l'instauration d'un
pouvoir absolu
Si le pacte social est rendu nécessaire, c'est
donc pour mettre fin à l'insécurité
essentielle dans laquelle les hommes se trouvent. La
pensée de Hobbes
est novatrice en ce sens que l'idée d'un
contrat passé entre les homme est au
fondement de la constitution de l'État et
donc de l'autorité politique. Cette
autorité n'émane plus de Dieu, ou de
la Nature, et c'est précisément en quoi la
philosophie politique, avec Hobbes, devient véritablement
moderne. Le droit naturel, qui chez Hobbes s'oppose donc au droit
artificiel, institué par le pacte, est
précisément ce droit du plus fort dont
Rousseau n'admettra pas
l'existence : pour Rousseau, la violence ou la
guerre ne peuvent déboucher sur
des "droits". La puissance physique, en
résumé, n'est pas un
droit. À la base de tout droit en effet,
pour Rousseau, il y a la
morale. Or la violence est immorale.
Mais pour Hobbes, la
question n’est pas de savoir si les passions
humaines se situent dans le registre du bien et du mal,
du bon ou du mauvais. Il établit son propre
constat, basé sur un fait : les hommes sont par
nature agressifs, et s’exterminent
mutuellement. Par le moyen du contrat, de ce pacte d'association
passé entre les hommes, les hommes renoncent
à leur puissance naturelle pour la remettre entre
les mains d'un pouvoir politique, le
Léviathan.Hobbes parle également de
"République", de "Civitas" (Cité), ou de
commonweatlh (qui se traduit littéralement
par "richesse commune"). Se substitue à
l'égalité naturelle (des forces
opposées à d'autres forces, toutes
équivalentes) une inégalité
artificielle, dans la mesure où la création
de la République s'accompagne de la soumission des
citoyens au pouvoir absolu du Souverain.
3. Le Léviathan
a. Le Léviathan est garant du maintien de la
sécurité et de la paix
Les hommes renoncent par conséquent
à la liberté naturelle qui est la
leur dans l'état de nature, purement
négative, pour trouver, au sein du
commonwealth, une sécurité
collective, absolument positive. Le but de
Hobbes est
atteint : il s'agissait de substituer la paix à
la guerre. Le pouvoir de ce Souverain qu'incarne le
Léviathan est absolu, indivisible et
illimité. La question de savoir quel meilleur
régime politique pouvait convenir, de
l'aristocratie, de la monarchie ou de la
démocratie ne se pose pas. C'est une question
secondaire. Le Léviathan est principalement
un État autoritaire. Cet autoritarisme se
justifie toujours par les mêmes arguments : le
rôle du Souverain est de garantir la paix et la
sécurité.
b. Un État autoritaire
La question primordiale est celle de
l'obéissance des citoyens à
l'État, ce qui va évidemment choquer les
théoriciens politiques du Siècle des
Lumières, qui vont estimer que les hommes, au sein
de l'État ainsi conçu, sont privés
de leur liberté. Le Léviathan n'est pas
"démocratique", au sens où nous comprenons
ce terme aujourd'hui, puisqu'ils vivent sous la
domination d'une République qui possède un
pouvoir absolu. C'est oublier, diront ceux qui
défendent la conception de Hobbes, qu'au fondement de
l'État se trouve le consentement de chacun : c'est
pourquoi il n'existe pas, finalement, de contradiction
entre les États de droit, qu'incarnent les
démocraties, et les États autoritaires.
La souveraineté de l'État étant
établie sur l'adhésion de tous les citoyens,
qui renoncent à faire usage de leurs forces
naturellles, le Léviathan ne peut être
considéré, aux yeux de certains auteurs, comme
un État tyrannique. Les pouvoirs illimités du
Léviathan sont en quelque sorte extérieurs aux
individus eux-mêmes : ceux-ci conservent la jouissance
d'une liberté privée, qui s'exprimera en dehors
des passions néfastes qui les animaient à
l'état de nature. Le Léviathan tire sa
légitimité du dessein en vertu duquel il a
été établi : la garantie, pour les
hommes, d'une coexistence pacifique.
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