Mitry, Metz
Ancien professeur à l'IDHEC, directeur d'une collection
consacrée au cinéma
(Classiques du
cinéma) et réalisateur
de courts-métrages, Jean Mitry est considéré
comme le premier véritable historien
généraliste du cinéma. Loin de
considérer le cinéma comme un simple
divertissement, il l'appréhende en dehors de tout
paramètre extérieur ou accessoire (sociologique,
idéologique, générique, etc.) avec une
démarche rigoureuse et scientifique.
Il entreprend ainsi de retracer son histoire (de ses premiers
balbutiements aux oeuvres modernes des années 1960), non
pas en se contentant de dresser l'inventaire des principaux
films, mais en reconstituant les grandes étapes, les
pratiques générales qui ont présidé
à leur production : il regroupe ainsi certains de ces
films parce qu'ils reposent par exemple sur un même usage
de la lumière ou bien d'autres parce qu'ils sont le
produit d'un même montage. Son Histoire du cinéma
est une oeuvre monumentale...
Mitry interroge par ailleurs la forme cinématographique
du point de vue de ses
articulations internes (dans une
perspective théorique, comme l'ont fait
d'autres avant lui, et notamment de nombreux cinéastes qui
ont cherché à définir les
propriétés de leur art) mais aussi comme fait
nouveau en examinant son rôle social, ses effets
psychologiques, physiologiques et ses propriétés
esthétiques (cherchant ainsi à le définir
à partir de disciplines préexistantes telles que la
sociologie, la psychologie ou la philosophie de l'art).
Il réalise ce double projet dans un texte
incontournable, Esthétique et psychologie
du cinéma (1963). Il a par
ailleurs réussi à réconcilier deux
conceptions diamétralement opposées du
cinéma, l'une qui considère que cet art est
exclusivement reproduction du réel et
l'autre qui l'envisage uniquement comme un producteur de
discours. Pour lui, l'image n'est pas l'aboutissement du
cinéma, mais son
commencement : le cinéma est
donc une espèce de langage au second
degré. Le réel qu'il reproduit (le
cinéma est ainsi composé d'images, ce qui lui donne
son caractère esthétique : le cinéma
est un art) sert de base, de matière première
à des effets de sens (le cinéma devient langage).
Ainsi, dans Le
Cuirassé Potemkine,
l'image du lorgnon du médecin resté accroché
aux cordages du bateau désigne ce lorgnon
(reproduction du réel), mais signifie
aussi très clairement que le médecin a
été jeté par dessus-bord (l'image
signifie...).
Dans M le
Maudit, l'image du ballon de baudruche
qui s'envole montre ce ballon (toujours en vertu
du rapport direct que l'image entretient avec ce qu'elle montre,
ce qu'elle reproduit) mais signifie en
même temps la mort de la fillette qui le tenait un peu
avant.
Selon Mitry, la vocation du cinéma est donc de photographier le réel et de lui donner de nouvelles significations. Le montage est évidemment le facteur essentiel de cette production de significations. Il permet de faire entrer les plans, coupés de leur contexte réel, dans de nouveaux rapports qui leur donnent de nouveaux sens (en effet, dans le réel, un lorgnon ne signifie pas la mort d'un médecin ni un ballon celle d'une fillette). Mais Mitry refuse l'idée de la toute puissance du montage, la reproduction du réel et le contenu de chaque image comptent tout autant.
Il dénonce d'ailleurs les illusions de l'effet-Koulechov. Il dénonce aussi les abus du cinéma pur fondé sur le seul rythme (musical et abstrait) du montage. Il recense quatre grands types de montage : le montage narratif (ou ordinaire), le montage lyrique (qui consiste à décomposer le réel en plusieurs plans non pas pour accélérer le rythme de la description, mais au contraire pour procéder à une sorte d'exploration poétique du monde qui permet de le transfigurer, ce que fait très bien Poudovkine), le montage constructif (ou montage d'idées, équivalent du montage discursif, dont Vertov est le plus célèbre représentant) et le montage intellectuel (d'Eisenstein).
Christian Metz s'est intéressé de plus près encore à la question des productions de significations au cinéma. Sans jamais avoir considéré le cinéma comme une langue, il a voulu montrer que l'on pouvait repérer dans la plupart des films (ou fragments de films) certaines structures récurrentes capables d'exprimer une idée précise (sur le traitement de l'espace et du temps). Il a donc entrepris de relever ces codes afin d'analyser leur comportement dans les oeuvres (le montage alterné est par exemple une structure identifiable, un code, pour exprimer la simultanéité).
Il a du définir un premier corpus (choisir un groupe de films, d'extraits, une époque, un genre, peu importe) pour réaliser son projet : il a choisi d'interroger les images du cinéma classique (forme assez bien neutralisée). Il a alors relevé l'ensemble des structures qui pouvaient rendre compte de toutes les séquences de ce cinéma classique : il a donné à ces modèles le nom de grande syntagmatique. Cette démarche qui consiste à faire apparaître les codes grâce auxquels fonctionne une forme qui diffuse du sens est d'ordre sémiologique (c'est l'étude des signes qui articulent un message, l'équivalent de ce qu'est la linguistique pour la langue proprement dite mais appliqué aux autres types de messages). Ces codes n'ont pas la rigidité, la limpidité de ceux qui organisent la langue. Ce ne sont pas des règles (de type grammatical). Si le cinéma permet de construire des significations à partir de certains codes et peut être considéré alors comme un langage, il n'est en aucun cas une langue.
Metz s'est largement penché sur la question du
montage au cinéma comme producteur de
sens. Dans un article de 1967,
Montage et discours dans le
film, il commence par
réfléchir sur lepassage du cinématographe, moyen de
reproduction du réel, au cinéma
considéré comme un véritable moyen
d'expression. Selon lui, ce passage
correspond à la mobilisation de la caméra
qui a abandonné la position fixe et frontale du
« monsieur de l'orchestre » (on se
contentait d'enregistrer un spectacle) pour donner au spectacle
un caractère proprement cinématographique. Il
signale que cette mobilisation de la caméra a
été dans un premier temps le fruit non pas de
mouvements divers (panoramique,
travelling) mais du
montage (dès qu'on a découvert son
caractère expressif).
Très vite en effet, le montage
alterné, le montage
parallèle, les gros
plans trouvent leur fonction. Puis dans les années
1920, le montage veut revendiquer l'essentiel du cinéma,
c'est la décennie du montage-roi. Le
montage organise les plans d'un film en vue de produire
un certain sens (ce qui est le cas aussi bien dans le
montage narratif que dans le montage discursif). Ensuite le
cinéma trouve sa forme classique et le montage vise la
transparence (il épouse comme découpage les
articulations d'un récit).
Enfin, c'est l'époque moderne du plan-séquence et de la grande profondeur de champ. Metz parcourt cette histoire du montage
pour indiquer finalement que la spécificité du
cinéma (par-delà toute querelle entre les partisans
du montage-roi et ceux du plan-séquence ou du
non-montage), c'est de mettre
en relation, dans l'espace et la durée, divers
motifs quels qu'ils soient (personnages,
objets, décors, etc.). Ce qui compte, c'est donc la
mobilisation de la caméra (puisqu'elle
permet de mettre en relation divers plans, ou cadrages, ou
champs), celle-là même qui a donné au
cinéma sa dimension expressive. Et si cette mobilisation a
d'abord été le fruit du montage, c'est parce que
les premiers cinéastes ont voulu mettre en évidence
de la façon la plus nette possible les possibilités
expressives du cinéma (en limitant, par la
fragmentation, sa fonction de reproduction du
réel qui n'en faisait d'abord qu'un vulgaire
spectacle de foire).
Dès lors, si l'essence du cinéma est de mettre en relation des motifs dans l'espace et le temps, le montage et le plan-séquence n'ont qu'une différence pratique (l'opération qui consiste à couper et à coller la pellicule). Voilà Eisenstein et Bazin presque réconciliés.
Jean Mitry et Christian Metz comptent parmi les théoriciens du cinéma les plus importants. Le premier a mené des études beaucoup plus synthétiques que le second qui a abordé le cinéma dans des perspectives très ciblées, essentiellement sémiologiques, très en vogue dans les années 1960-1970 (cherchant non pas à appliquer des codes ayant déjà fait leurs preuves dans d'autres domaines, mais à révéler les propres structures du cinéma).

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