1. L’éveil des nationalismes africains
a. L’originalité des mouvements nationalistes
africains
Hormis les possessions françaises d’Afrique noire,
les colonies européennes d’Afrique – quoique
celle-ci ait été dans la dépendance
européenne plus précocement – ne
découvrent les mouvements nationalistes qu’au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à la
différence de l’Asie. Mais surtout, ces mouvements
nationalistes y revêtent des formes très diverses.
Autant que les revendications politiques, ce sont les
revendications culturelles qui animent ces mouvements
nationalistes. On songe notamment à la revendication de la
négritude comme identité culturelle, autour
de Léopold Sédar Senghor,
« inventeur » du concept. Les colonies
africaines ont, par ailleurs, été relativement
tenues à l’écart des métropoles :
rares sont ceux qui ont pu – à l’instar de ce
qui s’est passé avec certaines élites
asiatiques – bénéficier d’une
éducation européenne permettant aux élites
africaines d’acquérir les modes de pensée
européens afin de contester la situation coloniale. Sans
doute la persistance de sociétés traditionnelles
explique-t-elle cette rareté.
b. Le milieu des années 1950 : un
véritable tournant
La révolution égyptienne, les
événements d’Afrique du Nord (notamment
l’émancipation de la Tunisie et du Maroc)
donnent un souffle nouveau aux nationalismes africains. La
conférence de Bandung, en avril 1955, tient une place
majeure dans ce processus : plusieurs pays africains
déjà émancipés de la tutelle
coloniale y participent. C’est le cas, outre l’Egypte
et la Libye, du Soudan, de l’Ethiopie mais aussi du Liberia
et de la Gold Coast.
Les participants associent à chacune de leur
résolution les domaines coloniaux asiatiques – qui
viennent d’accéder à
l’indépendance – et les domaines coloniaux
africains – encore sous domination coloniale. Ce faisant,
ils contribuent ainsi à l’émergence de
l’importance démographique mais également
politique (avec leur participation à l’Organisation
des Nations Unies) des pays émancipés et qui
pourrait être celle des pays désireux
d’accéder à l’émancipation.
En outre, dans un climat de relative détente entre les
deux superpuissances, la conférence de Bandung offre une
alternative diplomatique aux mouvements nationalistes non
désireux de s’aligner sur le communisme.
2. Un processus de décolonisation progressif et
généralement pacifique
a. Des indépendances négociées…
L’importance des colonies durant la Seconde Guerre mondiale
a contraint les métropoles européennes à
consentir des concessions à leur égard. Si dans son
discours de Brazzaville (1944), De Gaulle refuse toute
idée d’indépendance, il ne rejette pas
l’idée d’un certain self-government, ou
du moins, d’une certaine participation des colonisés
à leur propre administration. Cette démarche est
mise en œuvre dans la Constitution de 1946, qui
organise la IVe République. Les colonies
disposent ainsi de députés à
l’Assemblée nationale. Parmi ceux-ci figurent tous
les grands noms de la décolonisation à venir
(Sédar Senghor, Houphouët-Boigny). Le gouvernement
britannique d’Atlee suit la même démarche en
ouvrant la voie de la self-determination. Le tournant des
années 1950 précipite les choses :
en 1956, Senghor et Houphouët-Boigny,
députés à l’Assemblée
nationale, associés à Gaston Defferre,
élaborent la loi-cadre (future loi-cadre Defferre)
qui organise une véritable vie politique autonome dans les
colonies françaises d’Afrique noire. Mais les
événements se précipitent : les
colonies britanniques acquièrent déjà leur
indépendance et si la Constitution de la
Ve République, en 1958, propose aux
colonies françaises de choisir entre le statu quo
dans l’Union française ou
l’indépendance immédiate, seule la
Guinée s’en saisit.
Les autres attendent 1960 pour accéder à
l’indépendance.
b. … qui laissent subsister des difficultés
considérables
Ces indépendances progressives et
généralement pacifiques (hormis la
répression, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
des révoltes malgaches) laissent subsister des
problèmes considérables. Ce sont d’abord ceux
liés au niveau de développement des pays
nouvellement émancipés. L’absence de capitaux
nationaux entretient en fait ces pays dans une dépendance
étroite à l’égard de leurs anciennes
métropoles.
En outre, elle crée un obstacle quasi-insurmontable (en
tout cas insurmonté) pour leur développement
économique. Par ailleurs, se pose le problème de
l’unité nationale de ces nouveaux Etats. Les
métropoles s’étaient partagées
l’Afrique sans tenir compte ni de l’histoire, ni de
la culture, ni des ethnies préexistantes, tant et si bien
que l’accession à l’indépendance
s’est faite dans un cadre non national marqué par
l’éparpillement des ethnies entre plusieurs Etats.
Le tout s’est produit sur fond d’absence de cadres et
de traditions politiques. Ainsi, au gré des
intérêts économiques des anciennes
métropoles et des difficultés d’une relative
« balkanisation » de l’Afrique, on
assiste, au lendemain des indépendances, à des
conflits d’une rare violence.
L’essentiel
Après l’Asie, c’est au tour de
l’Afrique de s’éveiller au nationalisme et
aux revendications indépendantistes. Cela se produit de
façon sensiblement originale par rapport aux exemples
asiatiques, notamment parce que le processus de
décolonisation est progressif et
généralement pacifique. Mais il
révèle aussi nombre de problèmes qui
agitent encore le continent africain.