1. Le non-alignement, une tentative avortée
a. La conférence de Bandung
En avril 1955 s’ouvre, à l’initiative
notamment de l’Egyptien Nasser et de l’Indien Nehru,
la conférence de Bandung (Indonésie). Vingt-neuf
pays issus de la décolonisation récente y
participent, représentant 50 % de la population
mondiale mais seulement 8 % des richesses mondiales. Durant
les débats, apparaît nettement la volonté,
chez certains des participants, de se situer en marge des deux
blocs. La résolution finale de la conférence fait
finalement surgir l’idée d’une
« troisième voie », neutraliste dans
les confrontations des deux blocs. C’est la naissance de ce
que l’on va appeler le Tiers Monde, par
référence au tiers-état de la France
d’Ancien Régime (c’est-à-dire ceux qui
représentent le plus grand nombre mais sont
dépourvus de droit politique et ne possèdent
qu’une partie des richesses nationales) et à cette
volonté de se situer dans une troisième voie.
b. Les ambiguïtés du non-alignement
Nasser, Nehru et Tito deviennent très vite les chefs de
file de ce non-alignement et s’appliquent à lui
donner à la fois vitalité et cohérence. A
partir de 1956 se tiennent des conférences des pays
non alignés qui sont l’occasion à chaque fois
de faire entendre la voix de ces peuples. Toutefois, les non
alignés, s’ils sont d’accord sur les grands
principes, se divisent sur leur application. Ainsi, leur attitude
vis-à-vis du communisme est-elle ambiguë. Si Nasser
entend ne pas laisser à l’Union soviétique
les mains libres sur le continent africain, il est malgré
tout amené à se rapprocher d’elle pour
assurer le développement de son pays. L’Inde refuse
tout rapprochement avec l’Union soviétique mais
choisit une voie socialiste de développement. C’est
d’ailleurs le cas de nombreux pays non alignés comme
Cuba par exemple. De fait, à partir de la fin des
années 1970, pour ces pays – à commencer
par Cuba –, le non-alignement se confond avec un soutien
appuyé à l’Union soviétique au nom de
la défense des intérêts socialistes.
2. Le Tiers Monde, enjeu des grandes puissances
a. Un terrain d’affrontement privilégié de la
Guerre froide
Malgré l’établissement, au tournant des
années 1950, de la coexistence pacifique et
d’une réelle volonté de détente entre
les deux blocs, la rivalité entre les deux superpuissances
ne cesse pas. Au contraire, d’Europe, elle tend à se
déplacer vers le Tiers Monde où elle prend des
formes diverses. En particulier, les anciennes métropoles
européennes s’appliquent à maintenir des
liens de dépendance avec leurs anciennes colonies afin de
défendre leurs intérêts économiques.
Ces pays, comme la Belgique, le Royaume-Uni mais aussi la France,
utilisent ainsi les rivalités ethniques. Dans le
même temps, l’Union soviétique ou ses
satellites, notamment Cuba, s’attachent à soutenir
les mouvements marxistes qui tentent de renverser l’ordre
politique instauré au moment de la décolonisation.
Ainsi, dans les années 1970, l’Afrique –
après l’Asie dans les années 1950-1960
– sombre dans la guerre. Que ce soit en Angola, en Somalie,
en Erythrée, au Tchad, au Zaïre, en Rhodésie
du Sud ou plus tard dans l’Afrique des Grands Lacs, le
continent africain devient un terrain d’affrontement des
grandes puissances.
b. Les tentatives d’organisation autonome
Pour résister aux interventions des grandes puissances et
des anciennes puissances coloniales, les pays du Tiers Monde
tentent de s’organiser de façon autonome.
En 1963, est ainsi fondée l’OUA (Organisation
de l’Unité Africaine) qui rassemble une cinquantaine
d’Etats africains. Destinée à faire valoir
les intérêts africains dans le monde et à
servir d’instance de médiation dans les conflits qui
peuvent survenir entre ses membres, l’OUA ne connaît
pas véritablement le succès.
L’ASEAN, Association des Nations d’Asie du Sud-Est,
dont le but est de promouvoir le progrès économique
et le bien-être rencontre également un relatif
échec.
Certes, les pays de l’ASEAN ont connu la croissance
économique, au point que certains font figure de NPI, mais
cette réussite reste précaire et surtout ne
s’étend pas au domaine politique. Dans ce domaine,
seule la Ligue arabe, créée dès 1945, a
su s’imposer dans le concert des nations, à la
faveur des conflits israélo-arabes.
L’essentiel
Le milieu des années 1950 est, avec la
conférence de Bandung, marqué par la
volonté de prise de parole des pays du Tiers Monde.
Ceux-ci souhaitent opter pour une voie économique et
politique à l’écart de celles
proposées par les deux Grands. C’est le
non-alignement, une position finalement difficile à
tenir lorsque le Tiers Monde devient le
théâtre de l’antagonisme des deux
superpuissances.