Le Procès de Kafka : labsurde
Le sens littéral du mot « absurde » est de désigner ce qui est insensé, contraire à la logique et à la raison, ce qui est dénué de sens.
D’abord utilisé pour désigner certains dramaturges aux techniques de représentation fantaisiste et novatrice, éloignées du théâtre réaliste, la notion d’absurde a été appliqué aux romans.
Ce mot est surtout employé comme concept en littérature et en philosophie. Il qualifie un courant intellectuel et artistique. On parle même de « littérature absurde » (Ionesco, Camus, Sartre, Beckett). Dans cette littérature, les personnages sont pris dans une situation qui échappe à la logique, une situation donc « absurde », et vivent dans un monde dominé par le non-sens. Ils sont incapables d’expliquer cette situation absurde et de cette incapacité résulte leur disparition. Le langage ne suffit alors pas à expliquer cette situation irrationnelle. Les personnages dans la littérature absurde montrent l’incohérence du réel.
Camus, dans le Mythe de Sisyphe (1942), a qualifié le premier la condition humaine d’absurde. Un monde absurde est un monde privé de signification mais aussi de justification. L’absurde est un aspect de la réalité.
Les romans de Kafka sont une illustration de ce concept de littérature absurde. Tous les héros (qu’on peut même qualifier d’anti-héros) de Kafka sont pris dans une situation absurde et sans issue, qu’ils ne peuvent s’expliquer.
Le personnage n’a pas vraiment d’identité, il est la victime d'un système juridique et d’une société incompréhensibles et impénétrables.
Le chemin de K. au cours de son procès reflète l’absurdité dans laquelle le personnage est enfermé. K. doit découvrir par lui-même qui sont les deux personnes qui sont venues l’arrêter – des inspecteurs – et ce qu’ils veulent (« Quels hommes étaient-ce donc là ? De quoi parlaient-ils ? » p. 27).
Il essaie d’abord de comprendre pourquoi il est accusé alors qu’il est innocent, mais au cours de son enquête il n’obtiendra jamais de réponse plausible ni surtout logique. Le personnage ne comprend pas et n’est pas compris. Cette incompréhension rend la situation absurde. Le constat est simple : « On n’a fait d’enquête sur rien ; j’ai été simplement arrêté, mais par toute une commission » (p. 53).
Le monde dans lequel avance K. est dénué de sens. Il est perdu, ne sait pas à qui se fier. Toutes les personnes à qui il s’adresse lui délivreront des conseils plus absurdes les uns que les autres. Block lui annonce que « ce qui est inutile, c’est de se mêler personnellement de son procès » (p. 222)… Leni trouve que l’on n’a « pas d’arme contre cette justice, on est obligé d’avouer. » (p. 145)…
K. est bien obligé de se rendre à l’évidence : il faut répondre par l’absurde à l’absurde. On lui demande de mettre une veste noire et pas d’une autre couleur lors de son arrestation ? Il obtempère sans poser de question. Les inspecteurs admettent n’être que des pions (« Nous ne jouons dans votre affaire qu’un rôle purement accessoire » p. 36). K. se joue d’eux et de l’absurdité de la situation (« Peut-être avait-on reçu l’ordre d’arrêter quelque peintre en bâtiment tout aussi innocent que moi, mais en tout cas c’est moi qu’on choisit pour opérer » dit-il lors du premier interrogatoire p. 81).
« Il fallait éviter à tout prix de se faire remarquer, rester tranquille même si on y éprouvait la plus grande répugnance, tâcher de comprendre que cet immense organisme judiciaire restait en quelque sorte dans les airs » (p. 158).
Le non-sens de la situation va démolir K. Petit à petit, il finira par douter de sa culpabilité et lorsque les deux hommes viennent pour le tuer, il n’offre aucune résistance, abattu par l’absurdité de cette situation, résigné, ne voyant qu’une seule échappatoire : la mort.
L’histoire montre un système judiciaire des plus absurdes. Les gens de la justice exécutent la loi sans se poser de question parce que «la loi est ainsi faite» ; ce ne sont que des exécutants, qui ne sont même pas au courant des charges retenues contre la personne qu’ils viennent arrêter. Et en plus les deux inspecteurs qui viennent arrêter K. lui disent qu’ils sont « sans doute en ce moment les gens qui [lui] veulent le plus grand bien » (p. 29)… K. est arrêté, mais il est libre. Le premier interrogatoire est choisi un dimanche, « pour ne pas déranger K. dans son travail professionnel » (p.68). L’histoire est ainsi parsemée de détails qui révèlent l’absurdité de la situation.
K. à travers l’aide d’un avocat cherche à se disculper, légalement, mais bientôt il s’aperçoit que l’avocat ne lui sert à rien et qu’il devra seul assurer sa défense ! Même les gens de loi ne peuvent l’aider… Bien sûr il ne réussira pas à se défendre seul, la tâche étant trop difficile pour quelqu’un d’extérieur à la machine judiciaire. De cette impossiblité découle la passivité de K., qui, résigné, se laissera abattre.
L’incompréhension domine. Le héros
ne peut maîtriser l’absurdité de la
situation. Entre les hommes de loi et l’accusé,
le dialogue est impossible. L’instruction est
secrète, mais l’arrestation se fait devant des
témoins. Le héros est arrêté, mais
il garde sa liberté. K. en conclut que « la
grande règle devait être pour un accusé de
se trouver toujours prêt à tout, de ne jamais se
laisser surprendre » (p. 207).
Jusqu’aux dernières lignes du texte
l’absurde domine : les deux bourreaux venus
assassiner K. se font « des politesses »
afin de savoir lequel des deux le tuera.
L’écriture de Kafka met en évidence
l’absurde. Le lecteur est aussi
désorienté que le personnage principal !
L’atmosphère qui règne dans le roman est
bien «kafkaïenne».
Kafka dénonce dans son œuvre, par le prisme de
l’absurdité, la suprématie d’un
système judiciaire qui annihile l’homme et lui
ôte toute liberté. L’homme est
dépassé par une situation mystérieuse et
étrange, un monde où le système judiciaire
et social est insondable.
Toutes les références renvoient à
l’édition suivante :
KAFKA F., Le Procès, Folio Gallimard, 1987

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