Le Joueur d'échecs : les personnages principaux
Toutes les références renvoient à l'édition du Livre de Poche n° 7309.
Présenté par le compagnon de voyage du narrateur,
le portrait du champion du monde des échecs est
lacunaire et subjectif puisqu’il insiste sur les
aspects les moins flatteurs du jeune homme.
Le lecteur ne dispose pas réellement d’une
description physique de Czentovic ; il sait juste que le
personnage est blond, doté de joues rouges et qu’il
est mal habillé. L’essentiel du personnage
réside donc ailleurs, notamment dans ses
caractéristiques intellectuelles et
morales ainsi que dans son rapport aux
échecs.
Mirko Czentovic est orphelin ; il est élevé par le curé de son village depuis l’âge de douze ans. Celui-ci tente de l’instruire, mais en pure perte puisqu’il demeure illettré, rechignant à toute activité de réflexion. Rien ne semble pouvoir le sortir d’une sorte de prostration mentale ; il est considéré par tous comme vaguement débile. Cet état perdure jusqu’à l’âge relativement avancé de quinze ans.
Il faut l’intervention du hasard pour
que Mirko révèle son don pour le jeu
d’échecs ; il est alors
assimilé à l’âne
de Balaam (p. 14), c’est-à-dire
à un animal considéré comme stupide,
à qui Dieu accorda la capacité de
s’exprimer.
Sa progression au sein du monde des joueurs
d’échecs est fulgurante puisque six mois de
formation (p. 17) à Vienne lui suffisent pour
maîtriser l’ensemble des différentes
techniques. Cependant, les échecs mis à part, il
demeure l’ignorant qu’il était au
départ : « pour la première fois
un personnage étranger au monde de l’esprit y
figura désormais sous les traits de ce rustre lourdaud
et taciturne » (p. 18).
Il y a donc un contraste saisissant entre la capacité formidable pour les échecs et la bêtise du personnage. Cette opposition pose au lecteur la question de la nature de ce don prodigieux.
Czentovic ne paraît posséder que des défauts. Seul l’appât du gain semble l’animer et le conduit même à accepter n’importe quel contrat ou activité, y compris les plus dégradants, pourvu qu’ils lui rapportent de quoi satisfaire son goût pour l’argent. Le lecteur apprend ainsi qu’il « descendait toujours dans les hôtels de troisième ordre et acceptait de jouer dans les clubs les plus ignorés » (p. 19).
L’absence d’honnêteté intellectuelle contraste aussi avec son statut de champion du monde d’échecs, puisqu’on apprend que, « incapable d’écrire trois phrases correctement, il vendit sa signature à un éditeur qui publiait une "philosophie du jeu d’échecs" » (p. 19). Rien de positif ne semble donc caractériser ce personnage.
Le docteur B… est décrit après le personnage de Mirko Czentovic ; on peut donc logiquement penser que, dans une certaine mesure, les caractéristiques du premier s’opposent en tous points à celles du second joueur d’échecs et qu’à ce titre Czentovic est le négatif de M. B… Celui-ci est un riche bourgeois viennois, âgé de quarante-cinq ans, au « visage anguleux » doté d’une « pâleur étrange » (p. 43), son aspect s’oppose donc totalement à celui du jeune champion et l’examen des trois points suivants le confirme.
Le docteur B… est un avocat viennois réputé, dont la famille conseille les grands couvents sur les plans juridique et administratif (p. 45). Ayant fait de brillantes études, il est habitué à fréquenter l’élite sociale de la capitale autrichienne. Tout révèle en lui le raffinement et la culture.
Il est aussi capable de prouesses impressionnantes : sa patience lors des premiers mois de séquestration, sa mémoire après qu’il s’est emparé du manuel d’échecs, le contrôle de sa pensée lorsqu’il parvient à dédoubler sa conscience pour faire s’affronter les pièces noires et les blanches alors qu’il est seul. Tout prouve qu’il s’agit d’un personnage d’une intelligence impressionnante, protéiforme et sans limites.
Le docteur B… se dit lui-même piètre joueur avant son incarcération ; sa formation est donc aussi intensive que récente puisqu’elle se déroule sur une année. Contrairement à Czentovic, le docteur B… pratique les échecs comme un art, de manière extrêmement rapide et totalement abstraite : il n’a besoin ni d’un échiquier ni de pièces pour disputer une partie complète.
Mais rapidement cette activité s’avère plus dangereuse que distrayante. En effet, à force de pratiquer de manière très intensive les échecs, M. B… perd la conscience de lui-même et ne se maîtrise plus. Il va même jusqu’à mettre sa vie en danger. Il explique qu’il « était possédé » (p. 73), qu’il « maigrit, que son sommeil devient agité, intermittent » (p. 75) et que son état mental se dégrade jusqu’à la fameuse crise qui le conduit à l’hôpital.
Les personnages principaux incarnent deux figures humaines totalement opposées. D’un côté, un personnage grossier, que son statut de champion du monde ne parvient pas à bonifier et qui se complait dans son ignorance initiale. De l’autre, un intellectuel opprimé par une dictature, qui pourtant ne se départit pas de son savoir-vivre ni de sa culture.

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