Le couronnement d'une vie
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Objectif
Retracer les vingt dernières années de la vie
de Matisse, depuis l'achèvement de La Danse
de la fondation Barnes, en 1933, jusqu'à sa mort en
1954 ; années très riches, pendant
lesquelles Matisse affirme et conclut son oeuvre.
Après avoir achevé La Danse de la
fondation Barnes en 1933, Matisse sait avoir franchi une
nouvelle étape dans la progression de son art. Il va
désormais accepter des commandes pour des travaux de
natures très diverses : des illustrations pour
des livres, dont le premier sera Poésies de
Mallarmé, en 1930 ; des cartons de
tapisserie (Papeete en 1935, La nymphe dans la
forêt en 1936-38) ; des
décorations (Le Chant, une cheminée
pour Nelson Rockfeller, en 1938) ; décors et
costumes pour L'étrange farandole, un ballet
chorégraphié par Leonide Massine sur une musique
de Chostakovitch, en 1937 ; enfin, les années 40 et
50, sans doute les plus riches de sa vie, verront tout à
la fois l'épanouissement des gouaches
découpées et la réalisation de la
chapelle du Rosaire à Vence. Quant à la
peinture, les toiles qu'il produira entre 1934 et 1940
reprennent certains traits distinctifs de La Danse. Mais
Matisse est alors également influencé par la
présence de Lydia Delectorskaya, une jeune femme russe
qui d'assistante deviendra modèle et compagne des
dernières années de sa vie.
1. Autour de Lydia
Matisse rencontre Lydia
Delectorskaya en 1932. Elle
l'assiste alors à la réalisation des grands
panneaux de La Danse. Mais c'est à partir
de 1933 que Lydia rentre définitivement dans la vie
de Matisse, devenant son assistante, sa secrétaire,
son modèle privilégié
et sa confidente. C'est surtout en tant que modèle
que Lydia a marqué de son empreinte la
carrière de Matisse. Elle semble avoir
apporté à ce dernier une inspiration
nouvelle, inspiration portée par l'élan du
travail colossal et réussi de La Danse.
La plupart des toiles peinte entre 1935 et 1939 sont en effet des portraits de Lydia, mais des portraits montrant une évolution sensible par rapport aux nombreux portraits de femmes qu'a produit Matisse jusque là, dont les Odalisques des années 20. Tout d'abord, Matisse a gardé de La Danse une tendance à la simplification des formes, mais aussi à la déformation pour atteindre à un maximum d'expressivité. Le dessin, souvent littéral, c'est-à-dire directement inscrit sur la toile en complément de la peinture, vient appuyer cette recherche. La couleur est à nouveau traitée en aplats mats, avec une liberté chromatique qui a fait dire de ces oeuvres des années 1935-39 qu'elles appartenaient à « un second fauvisme ». Matisse lui-même reconnaît vouloir revenir à la « pureté des moyens ».
Les toiles inspirées par Lydia présentent pourtant un caractère pour ainsi dire inédit dans toute l'oeuvre de Matisse, caractère inauguré à grande échelle avec La Danse : il s'agit de l'artifice qui consiste à faire déborder le sujet hors du cadre, pour donner à un espace limité, selon Matisse, les apparences de l'immensité. Le sujet n'est donc plus le modèle en tant que tel, sur lequel la composition n'est plus centrée, mais l'espace suggéré par le débordement hors du cadre.
Cette liberté dans le cadrage que s'octroie Matisse lui permet également de disposer sur la toile - à partir de son modèle mais comme il l'entend - des formes, des plans, des lignes, dont l'agencement est souvent préparé avec des gouaches découpées. Parmi les toiles emblématiques de cette période se trouvent Le Rêve de 1935 (Musée national d'art moderne, Paris), le Grand nu couché (Musée de Baltimore), aussi de 1935, où encore Le Bras (collection particulière), de 1938 ; toutes les trois ont eu Lydia pour modèle.
Dans Le Rêve, le cadrage est resserré sur le haut du corps et le visage d'une femme endormie, couchée sur le ventre. Bras droit et avant-bras gauche, sur lesquels la tête repose, occupent toute la moitié inférieure de la toile, du fait d'une déformation volontaire qui les fait apparaître au premier plan ; tout le reste du corps est hors-champ. Matisse met ainsi en avant la construction de sa toile à l'aide de formes nettement découpées, plutôt que le modèle lui-même.
Dans Le Bras, seuls apparaissent le bras et le triangle rose du décolleté de Lydia, selon une composition qui, comme celles du Rêve ou du Grand nu couché, aura été élaborée au fil de nombreuses études et esquisses, autant d'étapes dont Lydia gardera des photographies. La Blouse roumaine (Musée national d'art moderne, Paris), autre oeuvre représentative de cette période, sera achevé en 1940, après être passée par toute une suite d'états, progressant vers une simplification, une épuration toujours plus grande, jusqu'à la synthèse finale.
La plupart des toiles peinte entre 1935 et 1939 sont en effet des portraits de Lydia, mais des portraits montrant une évolution sensible par rapport aux nombreux portraits de femmes qu'a produit Matisse jusque là, dont les Odalisques des années 20. Tout d'abord, Matisse a gardé de La Danse une tendance à la simplification des formes, mais aussi à la déformation pour atteindre à un maximum d'expressivité. Le dessin, souvent littéral, c'est-à-dire directement inscrit sur la toile en complément de la peinture, vient appuyer cette recherche. La couleur est à nouveau traitée en aplats mats, avec une liberté chromatique qui a fait dire de ces oeuvres des années 1935-39 qu'elles appartenaient à « un second fauvisme ». Matisse lui-même reconnaît vouloir revenir à la « pureté des moyens ».
Les toiles inspirées par Lydia présentent pourtant un caractère pour ainsi dire inédit dans toute l'oeuvre de Matisse, caractère inauguré à grande échelle avec La Danse : il s'agit de l'artifice qui consiste à faire déborder le sujet hors du cadre, pour donner à un espace limité, selon Matisse, les apparences de l'immensité. Le sujet n'est donc plus le modèle en tant que tel, sur lequel la composition n'est plus centrée, mais l'espace suggéré par le débordement hors du cadre.
Cette liberté dans le cadrage que s'octroie Matisse lui permet également de disposer sur la toile - à partir de son modèle mais comme il l'entend - des formes, des plans, des lignes, dont l'agencement est souvent préparé avec des gouaches découpées. Parmi les toiles emblématiques de cette période se trouvent Le Rêve de 1935 (Musée national d'art moderne, Paris), le Grand nu couché (Musée de Baltimore), aussi de 1935, où encore Le Bras (collection particulière), de 1938 ; toutes les trois ont eu Lydia pour modèle.
Dans Le Rêve, le cadrage est resserré sur le haut du corps et le visage d'une femme endormie, couchée sur le ventre. Bras droit et avant-bras gauche, sur lesquels la tête repose, occupent toute la moitié inférieure de la toile, du fait d'une déformation volontaire qui les fait apparaître au premier plan ; tout le reste du corps est hors-champ. Matisse met ainsi en avant la construction de sa toile à l'aide de formes nettement découpées, plutôt que le modèle lui-même.
Dans Le Bras, seuls apparaissent le bras et le triangle rose du décolleté de Lydia, selon une composition qui, comme celles du Rêve ou du Grand nu couché, aura été élaborée au fil de nombreuses études et esquisses, autant d'étapes dont Lydia gardera des photographies. La Blouse roumaine (Musée national d'art moderne, Paris), autre oeuvre représentative de cette période, sera achevé en 1940, après être passée par toute une suite d'états, progressant vers une simplification, une épuration toujours plus grande, jusqu'à la synthèse finale.
2. Les dernières années
Les quinze dernières années de la vie de
Matisse seront marquées par la grave intervention
chirurgicale qu'il subit à Lyon en 1941. Elle le
laisse aussi diminué physiquement que ragaillardi
moralement et spirituellement. Passé à deux
doigts de la mort, il se sent bénéficier
d'une seconde vie dans laquelle il se permettra toutes les
aventures artistiques : les gouaches
découpées, la chapelle du Rosaire de
Vence, mais aussi une poignée de toiles
dont l'exécution lui est rendue très
difficile par son fragile état de santé. Ces
rares toiles manifestent pourtant, par la lumière
qu'elles diffusent, une réelle joie de vivre.
Dès juin 1941, soit six mois seulement après
son opération, Matisse entreprend Jeune fille
à la robe blanche, puis Amaryllis et
fruits, Nature morte à la table de
marbre, etc. Nature morte à la table de
marbre (Musée national d'art moderne, Paris) est
un florilège de couleurs adoucies (jaunes,
verts, bleus, roses, rouges), d'accords chatoyants
posés en touches libres cernées de
quelques traits de crayons apparents, disposés dans
un espace qui quoique frontal reste ouvert, par
l'aménagement de points de fuite qui mènent
hors du cadre.
L'été suivant, Matisse creuse la même veine, avec notamment une série sur les Danseuses ; La porte noire (Zurich) rappelle de loin certaines Odalisques, mais qui auraient subi une synthèse expressive radicale, une simplification des traits en même temps qu'une libération définitive des couleurs. En 1943, Tabac royal affirme ce parti pris. Ainsi, en même temps qu'il commence à développer sa maîtrise des papiers découpés et prend du recul par rapport à la peinture, Matisse fait dans celle-ci des avancées qu'il juge décisives, tant dans le dessin que dans la couleur. Ses dernières toiles seront celles dites des Intérieurs de Vence, en 1947-1948, parmi lesquelles Le silence habité des maisons de 1947, Le rideau égyptien, La branche de prunier, Intérieur à la fougère noire, tous de 1948, dans lesquelles il résume les recherches de toute une vie. En 1950, Matisse reçoit le grand prix de la XXVe Biennale de Venise, qu'il souhaite partager avec le sculpteur Henri Laurens. Les toutes dernières années d'activité, de 1948 à 1951, seront en grande partie consacrées à la chapelle du Rosaire, à l'inauguration de laquelle il ne pourra assister, mais dont il dira qu'elle est l'oeuvre et la consécration de sa vie. Matisse mourra d'une crise cardiaque le 3 novembre 1954, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans.
L'été suivant, Matisse creuse la même veine, avec notamment une série sur les Danseuses ; La porte noire (Zurich) rappelle de loin certaines Odalisques, mais qui auraient subi une synthèse expressive radicale, une simplification des traits en même temps qu'une libération définitive des couleurs. En 1943, Tabac royal affirme ce parti pris. Ainsi, en même temps qu'il commence à développer sa maîtrise des papiers découpés et prend du recul par rapport à la peinture, Matisse fait dans celle-ci des avancées qu'il juge décisives, tant dans le dessin que dans la couleur. Ses dernières toiles seront celles dites des Intérieurs de Vence, en 1947-1948, parmi lesquelles Le silence habité des maisons de 1947, Le rideau égyptien, La branche de prunier, Intérieur à la fougère noire, tous de 1948, dans lesquelles il résume les recherches de toute une vie. En 1950, Matisse reçoit le grand prix de la XXVe Biennale de Venise, qu'il souhaite partager avec le sculpteur Henri Laurens. Les toutes dernières années d'activité, de 1948 à 1951, seront en grande partie consacrées à la chapelle du Rosaire, à l'inauguration de laquelle il ne pourra assister, mais dont il dira qu'elle est l'oeuvre et la consécration de sa vie. Matisse mourra d'une crise cardiaque le 3 novembre 1954, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans.
L'essentiel
La vie de Matisse aura été un long
processus de maturation dont il a
récolté les fruits durant les vingt
dernières années de sa vie. La Danse
de Barnes a libéré son inspiration,
liberté qui l'amène à peindre, entre
1934 et 1940, les magnifiques portraits de son
nouveau modèle Lydia.
En 1941, survivant miraculeux d'un cancer, Matisse entame sa « seconde vie ». Bien que très diminué physiquement, il se lance avec joie et détermination dans ses dernières oeuvres, qui comptent parmi les plus belles et les plus pures de toute sa vie : les gouaches découpées et la chapelle du Rosaire. Malgré les efforts physiques particuliers que cela lui demande, il peindra aussi quelques toiles, qui traduiront également le bonheur de celui qui sait être sur le point d'atteindre à une vérité. C'est donc dans l'apaisement du travail accompli que Matisse finira sa vie, en 1954.
En 1941, survivant miraculeux d'un cancer, Matisse entame sa « seconde vie ». Bien que très diminué physiquement, il se lance avec joie et détermination dans ses dernières oeuvres, qui comptent parmi les plus belles et les plus pures de toute sa vie : les gouaches découpées et la chapelle du Rosaire. Malgré les efforts physiques particuliers que cela lui demande, il peindra aussi quelques toiles, qui traduiront également le bonheur de celui qui sait être sur le point d'atteindre à une vérité. C'est donc dans l'apaisement du travail accompli que Matisse finira sa vie, en 1954.
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