L'avant-garde française des années 1920
Il aurait été possible de filmer ce train en plan séquence (les frères Lumière l'avaient déjà fait), mais la vitesse aurait été celle de la machine, pas celle du montage. Gance décide au contraire de fragmenter la scène en plusieurs plans et d'accroître l'impression de discontinuité du découpage en donnant aux plans contigus des compositions différentes (les rails, par exemple, ne traversent jamais le cadre de la même façon, le train ne parcourt pas non plus l'espace dans le même sens).
L'événement filmé est ainsi déréalisé et tous les plans qui le composent deviennent la matière première d'un montage très rapide : le montage accéléré. La vitesse n'est plus vraiment celle du train, mais très nettement celle du montage lui-même. Le cinéma n'imite plus le réel, mais il donne la sensation du réel au spectateur. La frénésie qui envahit le personnage est communiquée par la nouvelle ivresse du montage.
D'autres cinéastes comme Germaine Dulac s'intéressent plus directement à la dimension musicale d'un tel rythme. Elle s'emploie notamment à mettre en scène des partitions musicales en établissant des correspondances entre les mouvements de la musique et ceux de l'image. Mais cette correspondance est encore illustrative. Un morceau intitulé « Arabesque » sera incarné à l'écran par l'image de jets d'eau dessinant une arabesque. La musique investit le cinéma, mais le moment du rythme pur n'est pas encore arrivé.
Le metteur en scène ira encore plus loin dans « L'Inhumaine ». C'est le montage seul qui prend alors en charge la totalité du rythme de plusieurs séquences. Certaines vitesses sont en effet exprimées par un montage rapide de plans complètement abstraits, entièrement noirs et entièrement blancs. On assiste alors au rejet du moindre motif capable de représenter la vitesse.
Il explorera notamment les possibilités de la surimpression : l'écran reçoit jusqu'à 12 images en même temps. Le spectateur se retrouve alors dans l'incapacité d'identifier ce qui se passe précisément dans chaque image, mais il éprouve l'agitation générale qui caractérise la séquence. C'est le montage des surfaces.
Dans ce film, lors de certaines projections, un autre dispositif inédit est mis en place. Trois écrans montrent les points de vue différents d'une même scène (idée de simultanéité). C'est là aussi une forme de montage qui renouvelle le rythme.
Ce courant a néanmoins révélé ou confirmé de nombreux artistes (Gance, Dulac, L'Herbier, Epstein, Grémillon) qui ont su approfondir les objectifs élémentaires de cette avant-garde. On peut retrouver certains échos de leur travail dans certaines des oeuvres expérimentales qui ont jalonné tout le XXe siècle (de Fischinger à Brakhage) et qui partagent pour la plupart un grand sens du rythme et de profondes qualités plastiques.

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