Humanisme et humanistes

Les termes « humanisme » et « humaniste » qui viennent de « humanité » et « humain » sont difficiles à définir, tant leur sens est varié et a une longue histoire. Le radical de ces termes est « humain », mot qui désigne « ce qui est propre à l’homme », et par extension (et optimisme) « cultivé, bienveillant ». Ainsi le latin humanitas, qui a donné « humanité », désigne « l’ensemble des caractères qui définissent la nature humaine » et signifie à la fois douceur, urbanité, compassion, clémence, fragilité physique et morale et parfaite maitrise de la connaissance (culture, érudition).

C’est dans le sens de culture, d'érudition que le mot « humanités » au pluriel va donner naissance à « humaniste » qui vient du latin moderne (XIV^e siècle) humanista, et désigne « un lettré qui a une connaissance approfondie de la langue et de la littérature antiques », qui à l’époque formait l’essentiel de la culture.

Le mot « humanisme » est plus tardif et apparait dans le sens de mouvement de pensée de la Renaissance au XIX^e siècle sous la plume d’historiens.

L’humanisme est donc assez étroitement lié à la connaissance de la culture, de la langue et de la philosophie antiques, mais au sens large il est synonyme de philanthropie, conformément à son étymologie latine. L’humanisme dans ce sens est une pensée qui cherche à valoriser la dignité humaine et à proposer un idéal de perfection éthique, sociale, politique, qu’on retrouve aussi bien chez Cicéron que des philosophes du XX^e siècle comme J.-P. Sartre. La question de l’éducation, la formation et des études pour mener à cet idéal humain est une des questions centrales de l’humanisme.

On confond souvent humanisme et Renaissance, mais ce sont deux idées bien distinctes.
La Renaissance est une période historique. Comme toute période, ses frontières précises sont difficiles à délimiter, et elles sont objet de débats entre spécialistes.
On commence à parler en France de Renaissance à partir du moment où débute le XVI^e siècle, notamment sous le règne de François I^er et les guerres d'Italie qui font connaitre la Renaissance italienne, avec un siècle de retard.
Cette période avait en effet débuté en Italie dès le XIV^e siècle. Fin XIV^e siècle, des dates importantes marquent le début de la Renaissance, comme l’invention de l’imprimerie (1454), la chute de Constantinople (1453) ou encore en 1492 la découverte de l’Amérique par C. Colomb.
La période de la Renaissance se fonde sur une rupture nette avec le Moyen Âge qui est perçue comme une période d’obscurité et d’ignorance. Le terme de Renaissance a une connotation extrêmement positive et désigne un renouveau dans la culture et les arts. La découverte de l’imprimerie permet de diffuser cette nouvelle culture, imprégnée par la pensée antique.
À cette époque, ceux qu’on nomme les « humanistes » étudient la langue, la grammaire, la civilisation des Grecs et des Romains. Ce mot humanista (humaniste) apparait dès le XV^e siècle pour désigner un professeur de grammaire et de rhétorique qui enseigne les langues, les littératures et les cultures latine et grecque. Les humanistes s’efforcent de retrouver l’authenticité de la pensée antique à travers de nouvelles traductions de grands auteurs connus (Platon et Aristote par exemple) ou en découvrant des auteurs antiques oubliés.

Pétrarque (1304-1374). Poète italien très célèbre, mais aussi érudit maitrisant parfaitement le latin. Il dédie à une certaine Laure - femme réelle, mais restée anonyme - un recueil (intitulé Canzoniere) de 366 sonnets dont il invente la forme et qui sera imitée et reprise par de nombreux autres poètes en Italie et dans toute l’Europe. Il occupe dans l’histoire de la poésie et de la culture européennes une place exceptionnelle.

Pic de la Mirandole (1463-1494). Grand érudit, philosophe, théologien italien auteur du Discours sur la dignité de l’homme. Dans cet ouvrage, il présente la dignité de l’homme comme la capacité de chaque être humain à adopter sa propre forme de vie, soit supérieure, soit inférieure dans le règne des êtres vivants puisqu’il peut se métamorphoser soit en bête, soit en plante ou devenir l’égal des anges.

Érasme (1467 env.-1536), éditeur, traducteur, prosateur lui-même, né en Hollande. Son œuvre a marqué la Renaissance par son esprit d’ouverture et de tolérance à l’époque où la chrétienté commençait à se déchirer lors de la Réforme. Il a séjourné à Bâle, en Angleterre, en France, en Belgique, en Italie, et a édité de nombreux auteurs latins et grecs. Son ouvrage le plus célèbre est l'Éloge de la folie.

Guillaume Budé (1468-1540). Érudit français qui maitrisa parfaitement le grec ancien et le latin, il est unanimement salué comme un des plus grands humanistes de la Renaissance. Il tombe relativement dans l’oubli par la suite. Il a fondé le Collège de France.

Thomas More (1477 ou 1478-1535). Humaniste anglais, homme politique, érudit, il participe au renouveau intellectuel de l’époque et correspond avec Érasme et G. Budé entre autres. Il publie l’Utopie, une œuvre célèbre où il évoque le mythe d’une cité idéale qui n’existe nulle part, où règne la paix, la sagesse et la tolérance. Fidèle à sa foi catholique, il sera emprisonné par Henri VIII puis condamné à mort pour avoir défendu jusqu’au bout l’Église dans la tempête de la Réforme.

Rabelais (1483 env.-1553). Écrivain français, moine défroqué, médecin, il est célèbre pour ses romans inclassables que sont Pantagruel et Gargantua. Ses œuvres seront condamnées pour leur liberté de ton et leur aspect polémique. En effet, ses romans, en plus d’être fantaisistes et de pratiquer un humour grotesque et parodique, proposent de nombreux sujets de réflexion et débats, et pourfendent l’hypocrisie et l’usage superstitieux de la religion.

Montaigne (1533-1592). Magistrat, écrivain, philosophe français, moraliste, il se consacre à partir des années 1570 à son unique œuvre Les Essais, où il expose ses pensées de façon vivante, libre en s’appuyant sur son expérience personnelle et ses lectures très nombreuses. Il souligne l’inconstance du monde, la fugacité et l’instabilité, sa difficulté à se cerner lui-même. Il aborde des thèmes très variés comme la mort, la politique, la pédagogie, l’examen de soi, l’amitié, la découverte du nouveau monde, l’art de vivre selon un idéal de sagesse, etc.

Les humanistes sont des érudits qui ont marqué l’époque de la Renaissance par leur soif de connaissances issues des textes antiques. Ce mouvement prend fin au tournant du XVI^e siècle et du XVII^e siècle, sous l’impulsion de F. Bacon (1560 ou 1561-1626), qui invite à se détourner du savoir contenu dans les livres anciens pour se tourner vers la nature pour fonder la science moderne que nous connaissons actuellement.
Malgré tout, l’optimisme des humanistes, leur foi en l’humain et les connaissances qui peuvent le nourrir et le faire grandir continueront d’irriguer la culture européenne jusqu’au XX^e siècle.