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Le sonnet : histoire et évolution d'une forme littéraire

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Objectif

Connaitre la forme du sonnet et son évolution.

Points clés
  • Le sonnet est une des formes les plus courantes en Europe depuis son invention au XIVe siècle par Pétrarque, un des plus célèbres humanistes de la Renaissance. C’est ce qu’on appelle une forme fixe, c’est-à-dire une forme pré-établie que chaque poète peut utiliser pour écrire un poème, comme une recette en cuisine ou un patron en couture.
  • Cependant, en poésie c’est surtout les quantités qui sont fixées (nombre de vers, de strophes, longueur des vers) ainsi que l’organisation du poème, mais pas le thème. Comme toute forme fixe, le sonnet soulève la question de la tradition en art, de son aspect figé ou vivant, et de l’imitation.
  • Les poèmes montrent que tradition et innovation s’unissent. Le sonnet est une forme fixe mais pas figée, et chaque poète qui s’en empare le fait à sa façon et selon son époque. Ainsi, aux façons partagées d’écrire de la poésie, s’ajoute un travail incessant, comme celui que fait le ver de terre dans le poème « Conseils à un jeune poète de douze ans » de J. Roubaud, de revitalisation des traditions pour éviter que les mots, les vers, les procédés stylistiques comme la rime ne deviennent morts. Et à la fois, le poète se nourrit, comme le ver de terre, de cette tradition européenne commune et de ce répertoire de formes.
1. Le sonnet « classique »
a. Pétrarque et le sonnet

La forme que Pétrarque invente comporte 14 vers en décasyllabes. Ces vers sont organisés en 2 strophes de 4 vers (quatrains) et 2 strophes de 3 vers (tercets). Le schéma des rimes joue aussi un rôle. Dans les sonnets de Pétrarque, on trouve le plus souvent l’organisation suivante : les deux premiers quatrains ont un schéma de rimes croisées et identiques en ABBA ABBA. Les deux tercets proposent des variations en rimes croisées, embrassées ou plates comme : CDC DCD ou CDE CDE, etc.
Le recueil de Pétrarque comporte 317 sonnets (et 366 poèmes en tout) dont la composition est difficile à dater précisément (1340-1360). Ses sonnets évoquent l’amour platonique qu’éprouve le poète pour Laure. Ce sont des poèmes lyriques qui célèbrent la femme aimée ainsi que l’amour pur, idéal et constant du poète.

Ce recueil a un tel retentissement que Pétrarque aura de nombreux épigones qui reprendront ses thèmes (idéalisation d’une femme aimée inaccessible ou insensible, douleur amoureuse qui en résulte, exaltation du sentiment amoureux) et la forme du sonnet, au point qu’on parle de « pétrarquisme » pour désigner cette poésie imitée de Pétrarque qui se diffuse d’abord en Italie, puis en France et en Angleterre.

b. D'autres formes de sonnets à la suite de Pétrarque

En France, M. Scève, L. Labbé, puis les poètes de la Pléiade comme Ronsard et Du Bellay reprennent la forme du sonnet cher à Pétrarque. Les auteurs de la Pléiade choisissent de l’écrire en alexandrins plutôt qu’en décasyllabes. De même, il font évoluer le schéma des rimes dans les tercets, en choisissant une rime plate, puis une croisée ou embrassée sur ce modèle : CCD EDE ou CCD EED.

Le sonnet à la française :

« Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose :

La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur :
Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose :

Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.

Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses. »

Pierre de Ronsard, Amours de Marie, 1574

En Angleterre, c’est Shakespeare qui en 1609 publie un recueil de sonnets sous la forme originale de 4 quatrains et 1 distique (strophe de deux vers), devenu lui aussi très célèbre.
Voici la traduction d’un de ses sonnets :

notre désir de plus belles créatures est infini
pour que rose la beauté ne meure jamais
et qu’une fois mûre et tuée par le temps
son fragile héritier porte sa mémoire
mais toi attaché à tes seuls yeux brillants
tu nourris ta flamme de ta propre substance
créant la famine au royaume de l’abondance
ennemi de toi-même trop cruel amour de toi
tu es le vif ornement de ce monde neuf
l’unique hérault du printemps criard
tu es la fossoyeur de ton propre bonheur
tendre chien ta mesquinerie te ruine

si tu n’as pitié du monde toi glouton
et la tombe mangerez ce qui au monde est dû

Shakespeare, Sonnets, 1609

2. Le sonnet romantique

Après une assez longue période d’oubli au XVIIIe et au début du XIXe siècle, le sonnet est une forme remise à la mode par les poètes romantiques comme A. de Musset et G. de Nerval, les poètes du Parnasse comme T. Gautier et L. de Lisle, et les symbolistes comme C. Baudelaire, P. Verlaine et A. Rimbaud. Pour les poètes qui en font le choix à l’époque, la brièveté du sonnet s’oppose à l’épanchement d’un premier romantisme perçu comme grandiloquent et verbeux, et sa forme offre des possibilités à l'exercice de la virtuosité technique recherchée notamment par les poètes du Parnasse et par Baudelaire.
Sa reprise implique l’abandon de certaines contraintes formelles comme la disposition des rimes dans les quatrains et une plus grande variété dans les rimes des tercets. Les rimes dans les quatrains peuvent être alors croisées ou même suivies (comme dans « Nevermore » de Verlaine).
Le sonnet devient aussi un lieu d’amusement et de parodie, comme par exemple celui de Tristan Corbière :

“Sonnet”
avec la manière de s'en servir

Réglons notre papier et formons bien nos lettres :


Vers filés à la main et d'un pied uniforme,
Emboîtant bien le pas, par quatre en peloton ;
Qu'en marquant la césure, un des quatre s'endorme...
Ça peut dormir debout comme soldats de plomb.

Sur le railway du Pinde est la ligne, la forme ;
Aux fils du télégraphe ;: — on en suit quatre, en long ;
À chaque pieu, la rime — exemple : chloroforme,
— Chaque vers est un fil, et la rime un jalon.

— Télégramme sacré — 20 mots. — Vite à mon aide...
(Sonnet — c'est un sonnet —) ô Muse d'Archimède !
— La preuve d'un sonnet est par l'addition :

— Je pose 4 et 4 = 8 ! Alors je procède,
En posant 3 et 3 ! — Tenons Pégase raide :
« Ô lyre ! Ô délire ! Ô.... » — Sonnet — Attention !

Tristan Corbière, Les Amour jaunes, 1873.

Cette forme fixe, héritée du passé, s’adapte donc à la modernité par la variété des thèmes qui sont abordés (fini les recueils qui ne parlent que de l’amour pour une femme) et la liberté accordée vis-à-vis de contraintes métriques.

3. Le sonnet moderne

Au XXe siècle et au XXIe siècle, cette forme continue d’être employée en France et par exemple en Allemagne par R. M. Rilke dans les Sonnets à Orphée (1922), écrits en l’honneur de la mort d’une jeune fille, amie de sa propre fille.
Cette forme survit à l’explosion et la libération formelle du début du XXe siècle (vers libre, abandon de la rime et de la métrique). Même disloqué dans ce poème d’Apollinaire, on en perçoit le squelette (si l’on considère que les vers 2 et 3 de 6 syllabes ne font qu’un alexandrin, on obtient 14 vers et la dernière strophe est un tercet) :

Les colchiques

Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières

Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

Même Éluard, dans sa période surréaliste, en écrivit :

Le jeu de construction

L’homme s’enfuit, le cheval tombe,
La porte ne peut pas s’ouvrir,
L’oiseau se tait, creusez sa tombe,
Le silence le fait mourir.

Un papillon sur une branche
Attend patiemment l’hiver,
Son cœur est lourd, la branche penche,
La branche se plie comme un vers

Pourquoi pleurer la fleur séchée
Et pourquoi pleurer les lilas ?
Pourquoi pleurer la rose d’ambre ?
Pourquoi pleurer la pensée tendre ?

Pourquoi chercher la fleur cachée
Si l’on n’a pas de récompense ?
— Mais pour ça, ça et ça.

Paul Éluard, Capitale de la douleur, 1926

Accompagnant les métamorphoses de la poésie au XXe siècle, le sonnet est tantôt prosaïque ou comique, tantôt tragique, voire lyrique, tantôt sans rimes ou vers précis, ou tantôt rimé de façon plus traditionnelle mais tout en maintenant l’explosion du cadre du vers.

Par exemple, ce sonnet de P. Jaccottet, tout en étant composé de rimes croisées et d'alexandrins, fait complètement exploser les limites en multipliant les rejets et les contre-rejets, y compris entre les strophes.

Sois tranquille, cela viendra !
Tu te rapproches, tu brûles ! Car le mot qui sera à la fin
du poème, plus que le premier sera proche
de ta mort, qui ne s'arrête pas en chemin.

Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches
ou reprendre souffle pendant que tu écris.
Même quand tu bois à la bouche qui étanche
la pire soif, la douce bouche avec ses cris

doux, même quand tu serres avec force le noeud
de vos quatre bras pour être bien immobiles
dans la brûlante obscurité de vos cheveux,

elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux,
de très loin ou déjà tout près, mais sois tranquille,
elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux.

Philippe Jaccottet, L'Effraie, 1953

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