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Être ouvrier au Creusot

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Objectif
  • Connaitre la famille Schneider et leur dynastie industrielle. 
Points clés
  • La famille Schneider crée au Creusot à partir de 1836 un véritable empire du fer et de l’acier qui demeure une grande réussite industrielle.
  • Elle crée aussi une dynastie capitaliste et politique qui tente de limiter les conflits sociaux et renforcer son emprise sur la ville par un des exemples de politique paternaliste les plus développés de l’histoire industrielle de la France.
  • L’entreprise connait une érosion de sa force dans les années 1970 et finit en faillite en 1984.
1. Le premier centre métallurgique de France
a. L'implantation de l'entreprise

Le Creusot est à l’origine une petite ville située dans un bassin houiller proche du Morvan, en Bourgogne.

Bassin houiller : territoire qui recèle en sous-sol d’importantes quantités de houille.

Le charbon y était exploité dès le Moyen Âge. Avec la révolution industrielle, les besoins en charbon explosent : sa combustion lente permet en effet de créer la vapeur nécessaire au fonctionnement des premières machines.

Houille : charbon de qualité supérieure.

En 1780, une manufacture est créée. Mais l’exploitation du charbon prend son véritable essor en 1836 avec le rachat de la manufacture par les frères Adolphe et Eugène Schneider.

Vue de la fonderie et de la cristallerie du Creusot, gravure, vers 1806

b. Les étapes du développement de l'usine

En 1841, les Schneider font installer le premier marteau-pilon à vapeur. Ils procèdent aussi à l’agrandissement et à la modernisation des ateliers. Ils se spécialisent dans la sidérurgie.

Marteau-pilon : machine-outil.
Sidérurgie : industrie qui produit la fonte et l'acier.

C’est Eugène Schneider qui fait du Creusot une usine gigantesque dans les années 1850-1860 : chaque année il produit ainsi 130 000 tonnes de fonte, presque autant de fer et 100 locomotives.
En 1867, le Creusot compte 14 hauts-fourneaux. À une époque où la France crée un réseau ferré dense sur son vaste territoire, les usines du Creusot n’ont aucun mal à vendre leur matériel.

Fonte : alliage produit à base de fer et de charbon.
Haut-fourneau : four de grande taille qui permet de produire de la fonte.

Le grand marteau-pilon à vapeur du Creusot dans les usines de Schneider, gravure, 1878


Ce sont aussi des années de développement international avec la production de ponts métalliques pour l’Algérie, le Brésil, l’Espagne, la Russie et de développement géographique avec le rachat des mines de fer de Saint-Georges (Savoie) en 1873.

À partir des années 1870, Eugène Schneider fait installer dans son usine des convertisseurs Bessemer pour produire de l’acier. La nature de la production de l’usine évolua vers l’armement, avec notamment des canons et des tanks utilisés durant la Première Guerre mondiale.

Convertisseur Bessemer : four permettant de produire de l’acier.

En 1895, les Schneider procèdent à l’électrification de leurs ateliers, ce qui en fait une des usines les plus modernes d’Europe.


« Dans le grand silence de la nuit, on entendait comme des sifflements, des plaintes haletantes, des grondements formidables. Julien était de plus en plus inquiet :
– Mon Dieu, monsieur Gertal, qu'y a-t-il donc ici ?
– Nous sommes en face du Creusot, la plus grande usine de France et peut-être d'Europe. Il y a ici quantité de machines et de fourneaux, et plus de seize mille ouvriers [...]. C'est de ces machines et de ces énormes fourneaux chauffés à blanc continuellement que partent les lueurs et les grondements qui nous arrivent. […]
– Il y a trois grandes usines distinctes dans l'établissement du Creusot, dit le patron […] : fonderie, ateliers de construction et mines ; mais voyez, ajouta-t-il en montrant des voies ferrées sur lesquelles passaient des locomotives et des wagons pleins de houille, chacune des parties de l'usine est reliée à l'autre par des chemins de fer ; c'est un va-et-vient perpétuel. […]
Vois, il y a là des enfants qui ne sont pas beaucoup plus âgés que toi qui travaillent de tout leur cœur ; mais ils sont obligés de faire attention. […]
Eh bien, examine d'abord, en face de toi, ces hautes tours de quinze à vingt mètres : ce sont les hauts-fourneaux […]. Il y en a une quinzaine au Creusot. Une fois allumés, on y entretient jour et nuit sans discontinuer un feu d'enfer. […] C'est pour fondre le minerai de fer. Quand le fer vient d'être retiré de la terre par les mineurs, il renferme de la rouille et une foule de choses, de la pierre, de la terre ; pour séparer tout cela et avoir le fer plus pur, il faut bien faire fondre le minerai. Mais songe quelle chaleur il faut pour le fondre et le rendre fluide comme de l'huile ! Les hauts fourneaux du Creusot produisent ainsi chaque jour plus de 500 000 kilogrammes de fer ou de fonte. […]
Quand on eut bien admiré la fonderie, on passa dans les grandes forges. […] Saisissant de longues tenailles, ils retiraient des fours les masses de fer rouge ; puis, les plaçant dans des chariots qu'ils poussaient devant eux, ils les amenaient en face d'énormes enclumes pour être frappées par le marteau. Mais ce marteau ne ressemblait en rien à un marteau ordinaire […] c'était un lourd bloc de fer qui, soulevé par la vapeur entre deux colonnes, montait jusqu'au plafond, puis retombait droit de tout son poids sur l'enclume.
– Regarde bien, Julien, dit M. Gertal : voici une des merveilles de l'industrie. C'est ce qu'on appelle le marteau-pilon à vapeur qui a été fabriqué et employé pour la première fois dans l'usine du Creusot où nous sommes. On parcourut les ateliers de construction où se font chaque année plus de cent locomotives ; des quantités considérables de rails, des coques de bateaux à vapeur, des ponts en fer, des engins de toute sorte pour les frégates et les vaisseaux de ligne.
– Voyons maintenant les mines de houille, dit M. Gertal.
– Des mines ? dit Julien. Il y a des mines aussi ! [...]
– Est-ce que ce puits est bien profond ? demanda Julien.
– Il a 200 mètres environ [...]. Cette ville souterraine renferme des rues, des places, des rails où roulent des chariots de charbon que les mineurs ont arraché à coups de pic et de pioche. C'est ce charbon qui alimentera les grands fourneaux que tu as vu, c'est lui qui mettra en mouvement ces machines qui sifflent, tournent et travaillent sans repos. Puis, quand à l'aide de ce charbon on aura fabriqué toutes les choses que tu as vues, on les expédiera par le canal du Centre sur tous les points de la France. »

G. BRUNO, Le Tour de France de deux enfants, Belin [1re édition 1877]
2. Une ville sous contrôle d'une dynastie industrielle
a. L'usine Schneider, une véritable dynastie

Dès sa création, l’usine du Creusot est liée aux Schneider, notamment par son nom Usines Schneider et Compagnie.
C’est donc une entreprise familiale, comme les chocolateries Menier à Noisiel ou les magasins de la famille Mulliez dans le Nord.

Une véritable dynastie se crée.
En 1875, à la mort d’Eugène, son fils Henri lui succède.
En 1898, à sa mort, c’est Eugène II, le petit-fils d’Eugène qui prend les rênes de l’entreprise.
En 1942, à la mort d’Eugène II, c’est Charles Schneider qui lui succède.

b. Les maîtres du Creusot

À la fin du XIXe siècle, le Creusot est la plus grande usine de France et peut-être d’Europe. Elle emploie près de 16 000 ouvriers.

La ville se développe en conséquence. Elle compte 6 000 habitants en 1846, 16 000 en 1860 et 25 000 en 1875.

Dès l’origine, les Schneider créent les équipements urbains qui pourront permettre l’installation des ouvriers dans leur ville : les écoles, les églises, la cité ouvrière des pompiers en 1860, le quartier St-Charles à partir de 1862. Une pétition circule même pour que la ville soit rebaptisée Schneiderville.

Eux dominent la ville depuis leur château de la Verrerie.

Monument célébrant Eugène Schneider, 2000

Schneiderville

« Les Schneider ont toujours accordé une importance aux équipements. […] Leurs premiers actes en arrivant en 1836 au Creusot furent de créer une école, une église, de réparer une route. Cette tendance ne fit que s’accentuer et les Creusotins expliquent qu’il y a peu, on naissait dans une maternité Schneider pour être enterré dans un cimetière Schneider, après avoir été à l’école Schneider ; s’être marié dans une mairie offerte (et presque toujours contrôlée) par Schneider, après avoir travaillé à l’usine Schneider, sans parler des parcs, des églises, baptisés au nom des patrons de la firme… De ce point de vue, Le Creusot aurait bien mérité le nom de Schneiderville proposé par une pétition à l’empereur signé par 5 000 habitants en 1856. »

C. Devillers, Le Creusot, Naissance et développement d’une ville


La ville du Creusot est un exemple de ce qu’on appelle le paternalisme : le patron se comporte comme un père pour ses ouvriers. En échange de leur obéissance, il pourvoit à leurs besoins et aux équipements urbains nécessaires au développement de la ville. Cette domination de l’usine et de la famille Schneider dans l’espace urbain se caractérise par des noms de rues, de parcs et d’équipements à leur nom. Dans la vie quotidienne, les ouvriers travaillent chez Schneider, logent dans des maisons qu’ils louent à Schneider, envoient leurs enfants à l’école Schneider, etc. Le but du paternalisme est d’éviter les grèves et de museler les oppositions.

Paternalisme : attitude d’un patron qui se comporte comme un père pour ses ouvriers et réclame en échange de sa générosité leur obéissance.
3. Des rapports sociaux violents
a. La contestation de la méthode Schneider

Au début du XXe siècle, l’emprise de la famille Schneider sur le Creusot est totale.
Elle se renforce même par son pouvoir politique. Ainsi, en 1845, Eugène Schneider est élu député. En 1851, Eugène Schneider devient même ministre de l’Agriculture et du Commerce. De 1832 à la fin de la Première Guerre mondiale, les Schneider tiennent quasiment sans discontinuer la mairie du Creusot, soit directement, soit via des candidats qu’ils soutiennent.

Cette domination est contestée :

  • politiquement par une opposition municipale qui s’organise et prend la mairie en 1925 notamment avec Paul Faure, un socialiste ;
  • syndicalement par une série de grèves très dures en janvier et mars 1870 (10 jours puis 23 jours de grève) qui culminent en 1899 avec une grève générale : en mai 1899, les ouvriers revendiquent de pouvoir se syndiquer. Le 2 juin, Eugène II semble leur concéder ce droit. Le travail reprend mais dans les faits, les ouvriers ne peuvent toujours pas se syndiquer. La grève reprend le 20 septembre. Le 7 octobre 1899, l’État donne raison aux grévistes qui défilent victorieusement dans les rues de la ville.
b. Un patronat brutal

Les Schneider exercent un pouvoir brutal sur la ville-usine du Creusot :

  • ils refusent toute législation sociale (sur le travail des femmes, des enfants ou sur le temps de travail) ;
  • ils renvoient massivement les grévistes, les syndiqués et les adversaires politiques (deux opposants entrés au conseil municipal après les élections de 1931 sont ainsi renvoyés) ;
  • ils ont recours à la répression et à la violence.

En 1870, pour mettre fin à la grève, ils en appellent à l’armée. 4 000 hommes de troupes arrivent au Creusot et font 6 morts parmi les ouvriers.
Face à la grève générale de 1899, Eugène II Schneider fait à son tour appel à l’armée et renvoie en masse les ouvriers grévistes.

Les femmes occupent des postes pénibles, notamment au cœur des hauts-fournaux, où il n'est absolument pas tenu compte de leur condition de femme.

Les femmes dans les usines Schneider

« Sur quatre cent femmes environ occupées dans les chantiers, un dixième à peine font un travail qui n'excède pas leurs forces ; […] C'est le travail des hauts-fourneaux qui en occupe le plus grand nombre. Elles sont employées à rouler le minerai de fer dans des brouettes excessivement lourdes ; il y a une équipe de jour et une équipe de nuit en toute saison. »

J.B. Dumay, Un fief capitaliste, Le Creusot, 1882.

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