1. Des personnages stylisés ?
Le conte voltairien est
riche en personnages :
nombreuses sont, dans les trente chapitres, les rencontres faites
par Candide. Mais si certains n’apparaissent que dans un ou
deux chapitres, par exemple le nègre de Surinam ou Jacques
l’anabaptiste, d’autres sont présents au
début et à la fin du conte et évoluent.
On a souvent reproché à Voltaire d’avoir
stylisé ses personnages au point d’en faire des
sortes de marionnettes, incarnation d’une
idée ou d’un caractère, d’une fonction
ou d’un statut. L’écrivain a en effet
réduit au minimum la psychologie de ses personnages
et fait aussi l’économie de (presque) toute
description physique.
Il a cependant soigné le nom des personnages, ce qui
permet d’emblée de saisir leur
personnalité : le marchand d’esclave
Vanderdendur a en effet la dent bien dure, et Pococuranté,
le riche vénitien, est manifestement blasé :
il ne s’intéresse plus à rien !
On trouve aussi des personnages typiques, sorte de
clichés littéraires : le valet malin
est incarné par Cacambo et la précieuse servante
qui protège les amours des jeunes gens apparaît sous
les traits de la Vieille.
La forme brève du conte empêche Voltaire de
s’étendre sur les personnages : par cette
stylisation, l’auteur souligne l’impuissance des
personnages à être autre chose que les jouets
d’un destin souvent cruel et empêche le lecteur de
s’identifier aux personnages ce qui pourrait faire
écran à la réflexion !
2. Les personnages principaux
Candide
Personnage
éponyme - c’est-à-dire qui
donne son nom au titre de l’œuvre – il est le
personnage principal du conte : on suit à travers les
trente chapitres ses aventures, ses joies et ses malheurs.
Voltaire ne nous le décrit pas physiquement ; on
sait seulement qu’il « avait le jugement assez
droit, avec l’esprit le plus simple, c’est, je
crois, pour cette raison qu’on le nommait
Candide » (chapitre 1).
Son nom suggère son innocence, sa candeur
et la pureté d’une attitude sans
défiance : il est donc juste qu’au sortir du
paradis de Thunder-Ten-Tronck, il découvre le monde en
s’étonnant de tout !
Mais Candide est un personnage qui est voué par nature
à évoluer. Son voyage va lui permettre de
découvrir les réalités les plus
cruelles du monde, mais aussi de conquérir son
autonomie, son indépendance : en un mot de
prendre en main son destin.
De crédule et naïf – Candide croyait
aveuglément en Pangloss et en sa théorie –
il devient, dans les derniers chapitres du conte, le personnage
le plus lucide en abandonnant la métaphysique et ses
discours stériles, et en faisant taire Pangloss.
Pangloss
Pangloss est présenté dès le chapitre 1
comme « l’oracle de la maison » de
Westphalie. Il est pour Voltaire l’incarnation la plus
ridicule de tous les professeurs. Comme le suggère
l’étymologie grecque de son nom – pan
signifie tout et glossa, la langue –
Pangloss, tout en langue, ne cesse de parler. Il enseigne la
métaphysico-théologo-cosmolonigologie :
cette discipline dont le titre prétentieux laisse pourtant
entendre le terme « nigaud » tend à
démontrer que tout est le mieux dans le meilleur des
mondes ! Mais l’optimisme de Pangloss –
double du philosophe allemand Leibniz - est vite démenti
par la litanie des malheurs qui s’abattent sur le monde et
sur le philosophe lui-même : ni la vérole, ni
la pendaison, ni l’esclavage ne pourront le faire taire, ni
lui enlever sa foi en l’optimisme.
3. Les personnages secondaires
Martin
Martin est le contraire de Pangloss. Il apparaît dans le
récit au chapitre XIX, lorsque sur le point de revenir en
France, Candide se met en quête de l’homme
« le plus dégoûté de son
état et le plus malheureux de la
province » : Martin « volé
par sa femme, battu par son fils, et abandonné de sa
fille… » porte sur le monde, contrairement
à Pangloss, un regard sans espoir, ni illusion. Il est en
un mot pessimiste, puisqu’il pense que le Mal
s’impose sur le Bien. Mais Martin évolue :
son pessimisme radical se transforme, au contact de
Candide, qu’il va suivre fidèlement jusqu’en
Propontide, en un scepticisme pragmatique :
n’affirme-t-il pas au chapitre XXX :
« Travaillons sans raisonner, […], c’est
le seul moyen de rendre la vie supportable ».
Cacambo
Cacambo est
le valet de Candide : celui-ci l’a
rencontré à
Cadix (« C’était un quart
d’Espagnol, né d’un métis dans le
Tucuman ; il avait été enfant de chœur,
sacristain, matelot, moine, facteur, soldat,
laquais »).
Personnage énergique, malin, pragmatique, il
sauve son maître plus d’une fois et lui apprend
à se méfier des apparences. Il incarne le type du
valet malicieux et intelligent, adjuvant de son
maître.
Cunégonde
Elle est avec la Vieille
le seul personnage féminin du
conte.
La destinée de cette fille de baron est
dramatique : violée par les Bulgares, vendue
à un juif qui la partage avec un grand inquisiteur,
séduite par le gouverneur de Buenos Aires, esclave
d’un prince… elle semble être victime de
sa sensualité, vouée à la seule
satisfaction du désir masculin.
Elle est pour Candide, la femme idéale,
qu’il ira chercher au bout du monde. Mais cette
perfection est fragile. Le héros retrouve au chapitre
XXIX une Cunégonde laide, vieillie en un mot
repoussante. Cette déchéance physique se
double d’une dégradation sociale et
morale : la fille du baron
« acariâtre et insupportable »
devient cependant une bonne pâtissière !
La Vieille
Elle est en quelque sorte le double de
Cunégonde : fille d’un pape et d’une
princesse, elle aussi a connu tous les malheurs possibles
qu’elle raconte aux chapitres 11 et 12. Violée,
vendue, réduite en esclavage, elle est recueillie par
Candide dans la métairie de Propontide et a
« soin du linge ».
Paquette et le frère Giroflée
Ces deux personnages sont eux aussi victimes de la
cruauté du monde. Paquette, jeune maîtresse de
Pangloss en Westphalie est devenue prostituée.
Frère Giroflée, forcé d’entrer dans
les ordres pour laisser tout l’héritage à son
frère aîné, est malheureux au couvent et se
console dans les bras de Paquette. Ils ont droit à leur
lopin de bonheur en Propontide : Paquette y brode et
frère Giroflée y rend service en devenant
même « très bon menuisier ».
Le fils du baron de Thunder-Ten-Tronck
Le frère de Cunégonde, après la destruction
par les Bulgares du château de Thunder-Ten-Tronckh, devient
jésuite et est recueilli par Candide qui le retrouve dans
une galère. Il refuse que Candide épouse sa
sœur malgré la dégradation finale de
celle-ci. Candide, excédé, le chasse et le renvoie
aux galères. Vaniteux et ingrat, il incarne, avec
son père, la noblesse que dénonce Voltaire !