Les Mots : lecture méthodique 1
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p. 111-112, de « Il y avait une autre vérité. » à « il me jeta sans le vouloir dans une imposture nouvelle qui changea ma vie ».
Ce passage se situe à la fin de la première partie du roman, « Lire ». Sartre présente en quelque sorte la partie qui va suivre, « Ecrire », en évoquant dans la dernière phrase du passage « l’imposture » dans laquelle son grand-père va le pousser : l’écriture.
Sartre termine la première partie en évoquant « la double vie » qu’il mène dans le foyer des grands-parents, à savoir celle de l’enfant modèle et adoré de sa famille, aux lectures d’adulte, et celle de l’enfant qui s’identifie à des lectures d’enfants et s’échappe de la réalité, en voulant croire que la vraie vie se trouve dans les livres.
Sartre relate son enfance dans cette autobiographie, et les livres sont devenus une véritable religion pour lui. Les livres sont ses amis, ses familiers ; l’enfant est incapable de s’intégrer aux autres enfants.
Le passage étudié relate une expérience douloureuse pour l’enfant : une sortie au jardin du Luxembourg, où l’enfant n’arrive pas à jouer avec les autres enfants présents.
Sartre rend cette scène symbolique de l’enfer qu’il a vécu durant sa jeunesse, par la répulsion des autres et son inaptitude à s’intégrer aux autres enfants.
Dans ce passage, la solitude de l’enfant est extrême. Deux entités s’opposent, « je » (Poulou) et « ils » (les enfants du Luxembourg). Poulou recherche l’affection des autres, mais en vain : « je m’approchais d’eux » « je les regardais avec des yeux de pauvres ». Il ne rencontre qu’indifférence et mépris : « ils me frôlaient sans me voir » ; Sartre est « un gringalet qui n’intéressait personne ».
Sartre est ironique sur Poulou. Il se moque du faux enthousiasme de celui-ci (« comme ils étaient forts et rapides ! comme ils étaient beaux ! ») ». La dérision de l’adulte est implacable sur Poulou : les enfants sont présentés comme des « héros de chair et d’os ». L’exagération est omniprésente, le récit est hyperbolique.
L’enfant est exclu. L’échec est flagrant, et l’absence de communication de Poulou irrite l’adulte Sartre (« Même un rôle muet m’eût comblé »). Poulou n’est pas intégré à la bande d’enfant.
Poulou mêle rêve et réalité, comme toujours. Il se prend pour le héros invincible des romans qu’il lit (« Devant ces héros de chair et d’os, je perdais mon intelligence prodigieuse, mon savoir universel, ma musculature athlétique, mon adresse spadassine »). La réalité met l’enfant à nu. La confrontation avec la réalité est brutale : les enfants ne le voient pas et ne l’appellent pas pour jouer avec eux. Cette distance entre l’enfant et les autres montre l’impossibilité pour Poulou de s’intégrer, malgré un grand désir.
Le rôle de la mère dans ce passage est très révélateur de sa personnalité. La mère aussi se voile la face et ne veut pas voir l’isolement de son enfant (« Cette grande et belle femme s’arrangeait fort bien de ma courte taille, […] je tenais de mon père voilà tout »). La disgrâce physique de l’enfant est directement lié à l’impossibilité pour lui de s’intégrer avec les autres enfants. Et la mère n’a que faire de cette disgrâce, pourvu que son fils reste son bébé (« Elle aimait que je fusse, à huit ans, resté portatif et d’un maniement aisé »).
La comédie familiale est soulignée dans ce passage. La mère, aveuglée par son amour pour son fils, ne veut pas que son fils ne « risqu[e] de [se] prendre pour un nain ». Le ton parodique de la scène souligne l’amusement de Sartre (« Veux-tu que je parle à leurs mamans ? »). Vite, la scène tourne à l’échec (« nous allions d’arbre en arbre et de groupe en groupe, toujours implorants, toujours exclus »). La fuite est la seule solution et le retour à l’imposture le délivre de ce calvaire.
La réponse de Sartre à l’indifférence des autres enfants sera la fuite dans la lecture et l’écriture. Isolé du monde, l’enfant rentre dans son « perchoir », l’appartement familial. Il se réfugie dans « l’esprit, mes songes » et encore une fois, l’imaginaire l’emporte sur la réalité.
L’enfant prend sa revanche dans les livres et l’écriture. Le désespoir de l’enfant Poulou et la douleur de l’adulte Sartre cohabitent dans ce passage, malgré un ton volontairement ironique.
Sartre cherche à comprendre et analyser son passé, mais sans aucune plainte. La voix de l’adulte dénonce l’imposture et les illusions d’un enfant victime d’une comédie familiale.
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