Les Confessions : lecture méthodique 1
La première étude de texte se focalise sur le premier préambule aux Confessions. Il figure dans le manuscrit de Genève et n’a été publié qu’en 1850 alors que les lecteurs des premières éditions ont déjà lu, ce que nous appellerons, a posteriori, le second préambule. Le lecteur, qui ne connaît de ce livre que le titre, s’attend à ce que l’auteur débute le récit de sa vie par son enfance ; or, la rédaction de cette œuvre en 1776 s’inscrit dans un projet d’auto-réhabilitation et c’est pourquoi le récit, par l’auteur, qui est aussi le narrateur et le protagoniste, de sa vie et de ses fautes est évoqué d’emblée à travers la difficulté de cette entreprise.
Un premier axe de lecture, qui s’impose, va donc consister à examiner, au sein de ce bref texte, la nature du projet autobiographique de Rousseau à travers la présentation qu’il en fait. D’autre part, le contenu et le ton du texte mettent en relation le projet et le destinataire à qui il s’adresse, qui fera donc l’objet du deuxième axe.
- Les trois dimensions du projet Les choix
lexicaux opérés dans ce préambule
parlent d’eux-mêmes puisqu’ils soulignent les
trois dimensions du
projet. Tout d’abord, nous avons
affaire à une œuvre
unique, puisque nous sommes confrontés
« au seul portrait authentique » car
« peint d’après nature et dans toute sa
vérité », et humaine : il s’agit d’un
« portrait d’homme ». Ces
éléments construisent l’image d’un
projet ne relevant que de lui-même, créé
ex nihilo, soit hors de toute
référence à des ouvrages
antérieures. En outre, ce portrait unique et
original « peut servir de première
pièce de comparaison pour
l’étude des hommes » et l’auteur
n’hésite pas à faire adopter le point de vue de la
postérité à son texte et le futur
employé ( « existera, vivront » )
en est emblématique tout autant que l’expression
« de ne pas ôter à l’honneur de
ma mémoire le seul monument sûr de mon
caractère qui n’ait pas été
défiguré par mes ennemis », qui
atteste de la conscience d’une œuvre
honorable.
- La référence à la Nature La
référence à la
« nature » fonctionne comme un gage
d’authenticité puisque l’on peut voir
dans l’idée de la nature une base de
référence stable reconnue de tous ;
fonctionnant comme un trait d’union entre les hommes,
elle est unificatrice. Le premier
Préambule nous montre Les Confessions comme une
œuvre humaine dans le sens
où elle doit toucher et provoquer des sentiments
humains et ce, même dans les cœurs les plus
hostiles désignés par les termes
« ennemis implacables […] malfaisant et
vindicatif ». C’est le sens de la conclusion
tragique et pathétique de ce préambule.
- Substitution de l’œuvre à l’auteur
Ainsi, la présentation de son projet autobiographique se fait sous des angles divers qui mettent en scène l’œuvre en tant qu’objet et aussi selon une esthétique de la réception très importante qui amène à l’étude du destinataire et des relations que Rousseau entretient avec le lecteur.
- Un membre de l’espèce humaine « Qui
que vous soyez » est la première expression
désignant le lecteur des Confessions : il
s’agit du premier terme générique et le
lecteur est, par là même,
désigné comme un membre de l’espèce
humaine sans être davantage cerné puisqu’il
reste un être indéfini. Si le
lecteur n’est pas plus explicitement désigné
et cerné, il n’en détient pas moins un
pouvoir absolu : il n’est autre que
« l’arbitre du sort de ce cahier » et
peut, s’il le désire, « anéantir
[cet] ouvrage ». Le sort de celui-ci est donc
effectivement entre ses mains et ce d’autant plus que le
lecteur est en position de supériorité puisque
l’auteur le supplie : « je vous
conjure ». Le
destinataire apparaît comme
tout-puissant : c’est
à lui qu’appartient désormais cet
écrit. Rousseau tente cependant d’établir un
lien entre ce lecteur et lui-même comme en atteste la
gradation « par mes malheurs, vos
entrailles, au nom de toute l’espèce
humaine » qui tente d’imbriquer
l’auteur et son lecteur et de les confondre dans
l’humaine nature.
- Tentative d’union avec le lecteur
Sur la base d’une affirmation initiale,
« voici le seul portrait d’homme »,
ce texte présente des objections de plus en plus fortes
et l’enchaînement des trois premières
périodes mime un parcours argumentatif plus
qu’autobiographique contribuant à la
dramatisation du propos.
L’effort
rhétorique très net
dès l’incipit des Confessions
vise la réconciliation de l’auteur avec le genre
humain et le pacte de lecture ainsi
posé ne repose plus seulement sur un pacte univoquement
autobiographique mais aussi dialogique. En effet, ce texte
révèle toute la dimension
dialogique (qui vise à établir un
dialogue) d’un texte autobiographique où un
auteur, qui est aussi le narrateur et le personnage,
élabore une image de lui-même et doit la
construire tout autant que se construire en permanence
en fonction des objections imaginaires
formulées par un lecteur potentiel qu’il faut sans
cesse convaincre, séduire voire tromper ou
intimider.
Plus près de nous, l’écrivain italien
Italo
Calvino dans le registre très
contemporain du Baron Perché
s’adresse à son lecteur en le tutoyant, ce qui est
une façon de le séduire en postulant une
complicité préétablie
avec lui : il est d’emblée le lecteur-ami.

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