Le mythe d'Antigone
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Il est donc très difficile de dater l'apparition d'un mythe. C'est sans doute pour cela que l'anthropologue Levi-Strauss affirme que « les mythes n'ont pas d'auteur ». Les versions écrites qui nous sont accessibles sont donc des versions déjà modifiées, dénaturées du mythe originel.
- certains mythes relatent la naissance de l'univers. On les appelle cosmogoniques (de cosmos, le monde) ;
- certains développent la formation progressive du monde et de ses éléments, en les liant à des interventions divines : ce sont des mythes théogoniques (de théos, dieu et gonos, naissance) ;
- les mythes anthropogoniques (de anthropos, homme) se font l'écho de l'apparition de l'homme sur terre ;
- les mythes dits historiques, enfin, portent sur la fondation d'une ville, d'une nation ; il en est ainsi de L'Enéide de Virgile, ou de L'Iliade d'Homère.
Quelle que soit la nature des mythes, il est à noter que les divinités y ont toujours part.
Les mythes font le lien entre les légendes, le sacré et l'histoire. Mais ils entretiennent toujours un lien évident avec le réel : même si Antigone n'a pas existé, elle incarne à jamais le refus de se soumettre à un pouvoir arbitraire ou injuste ; et cette valeur est bien réelle, à défaut du personnage qui en est l'emblème.
Le mythe se caractérise aussi par la répétition et la pérennité. Il ne peut perdurer que parce qu'il est perpétuellement renouvelé, réécrit.
OEdipe est le fils de Laïos, roi de Thèbes, et de Jocaste. Mais après sa naissance, un oracle annonce que cet enfant tuera son père et épousera sa mère. Le couple demande à un serviteur de le tuer. Le serviteur n'accomplira pas cette funeste mission et livrera l'enfant à un berger qui le donnera à son tour au roi et à la reine de Corinthe, Polybe et Mérope, qui ne pouvaient avoir d'enfant.
Devenu adulte, OEdipe consulte un oracle qui lui livre sa destinée parricide et incestueuse mais OEdipe ignore que ses parents ne sont pas ses vrais parents et qu'ils ne sont donc pas menacés. Il quitte Corinthe pour les épargner. Des circonstances vont le mener à croiser le chemin de Laïos et à le tuer sans savoir qu'il réalise ainsi la prophétie. D'autres encore le mèneront à effectivement épouser sa vraie mère, Jocaste, avec qui il aura 4 enfants dont Antigone. Un jour, Oedipe découvrira la vérité : il ne lui restera plus qu'à quitter Thèbes. C'est sa fille, Antigone, qui conduira son père dans son exil.
Après avoir erré longtemps, OEdipe demande hospitalité aux habitants de Colone, près d'Athènes. C'est là qu'il mourra, dans le repentir le plus sincère. Antigone accompagne son père vers la mort, et on loue son dévouement et son courage. Pendant ce temps, les deux fils d'OEdipe, Etéocle et Polynice, se sont battus pour le pouvoir au point de s'entretuer. C'est donc Créon qui finalement règne et il prononce un décret interdisant d'ensevelir la dépouille de Polynice pour avoir comploté contre la patrie. Sa dépouille est jetée au pied des murailles. A ce moment, Antigone revient et découvre l'ignoble affront fait à la dépouille de son frère. Elle va braver l'interdit mais un garde va la surprendre et l'amener devant Créon.
C'est là qu'Antigone se hisse au statut de mythe : elle brave la mort en affrontant Créon et l'accuse de tyrannie.
Pendant leur affrontement, la soeur d'Antigone aussi est
surprise en train d'ensevelir la dépouille de Polynice.
Créon ordonne que les deux soeurs soient
arrêtées.
Antigone est soupçonnée de comploter contre
Créon. Celui-ci décide de la faire enterrer
vivante. Mais elle se suicidera avant de subir ce terrible
châtiment.
Le mythe, chez Anouilh, perd de son sacré, comme c'est
souvent le cas dans les réécritures de mythe au
XXe siècle : le Choeur disparaît
considérablement et le devin Tirésias n'est
même plus là. Effectivement, ce n'est pas le sens
sacré d'Antigone qui explique son geste. Et lorsque
Créon l'interroge sur ce qui justifie sa
rébellion, elle répond qu'elle ne fait cela que
pour elle. Argument absurde ?
Antigone prend place dans le quotidien d'une période
historique tourmentée, l'après-guerre : elle
devient à elle seule une figure emblématique de
la Résistance, obstinée dans sa rébellion
et décidée dans sa volonté de mourir
plutôt que se soumettre. On est certes loin du noble
personnage de Sophocle ; ici, Antigone parle vrai, les
personnages d'Anouilh font même parfois preuve de
familiarité.
Le mythe transcende l'histoire ; il s'approprie l'époque de la réécriture et y fait naître les analogies qui s'imposent pour permettre à chacun de mener sa propre réflexion par rapport à sa situation historique et à la condition humaine.
Remarque : Antigone apparaît aussi dans La Machine infernale, de Cocteau (1934). Antigone ici guide son père mais ses motivations ne sont pas aussi nobles que le laissait entendre la version de Sophocle : elle l'accompagne dans son exil car elle redoute de rester sous l'emprise de Créon à Thèbes. Antigone est loin de l'héroïne obstinée que mettra à l'honneur Anouilh.
Il faut noter que le théâtre est un lieu d'expression idéal pour le mythe car il dévoile ses mécanismes : Choeur et Prologue sont autant de « ficelles » dramaturgiques qui dévoilent les dessous de l'intrigue et de l'interprétation qu'il convient d'en faire. Le spectateur ne perd pas de temps à se laisser prendre au jeu de la fiction. Il se saisit de la force du mythe qui lui est offert. Et Antigone est parmi les plus poignants.
Le mythe d'Antigone est une source d'inspiration pour les
écrivains (Eschyle, Sophocle, Anouilh, Cocteau, Racine -
entre autres).
Antigone, personnage à la destinée tragique, est
le symbole de la résistance du devoir moral face au
pouvoir arbitraire de l'Etat.
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