Lettres Persanes de Montesquieu - Maxicours

Lettres Persanes de Montesquieu

1. Lettres persanes, une oeuvre de 1721
a. Les circonstances de sa publication
Les Lettres persanes sont publiées en 1721, à Amsterdam, loin de la censure du pouvoir royal. L'auteur, anonyme, se présente comme le simple traducteur d'une correspondance de 161 lettres qu'il prétend tenir d'authentiques persans.
Mais son auteur est vite démasqué. Il s'agit de Montesquieu (1689-1755), brillant aristocrate, alors président du parlement de Bordeaux, partageant son temps entre ses terres bordelaises et les salons parisiens. Si l'audace du roman, largement satirique, compromet un temps l'élection de son auteur à l'Académie française, le succès de son roman est immédiat, puisque l'oeuvre allie magistralement intrigue romanesque et réflexion philosophique.
b. L'inspiration des Lettres persanes
Montesquieu en 1721 suit en quelque sorte la mode qui sévit à Paris. La tendance est au cosmopolitisme et la curiosité s'ouvre aux civilisations exotiques, à l'Orient, grâce notamment à la traduction française en 1704 des Mille et une nuits.
Montesquieu a été en particulier inspiré par une oeuvre de 1684, L'Espion dans les cours des princes chrétiens ou L'Espion turc de l'italien Jean-Paul Marana. Dans ce roman que Montesquieu possédait depuis 1717, Méhémet, l'espion turc ou « mahométan » relate et analyse les événements politiques de l'Europe des années 1637 à 1682, et en fait part à des correspondants de divers pays. La figure de Méhémet, le correspondant oriental et observateur critique, se retrouve chez Montesquieu, à travers les personnages d'Usbek et de Rica.
2. Des lettres orientales
a. Un roman épistolaire
Les Lettres persanes est un roman épistolaire, un roman par lettres.
Poussés par la curiosité et la soif de connaissances et de sagesse, deux Persans, Usbek et Rica, quittent Ispahan et leur harem pour rejoindre la France et sa capitale.
Pendant leurs huit années de séjour, ils décrivent à leurs amis (Ibben, Rhédi, Hassein) les coutumes et le mode de vie français et écrivent les réflexions que ces moeurs leur inspirent.

Mais l'intérêt de l'oeuvre de Montesquieu naît aussi de ce qu'elle est une véritable correspondance.
Usbek et Rica en retour reçoivent des nouvelles d'Orient. Dans des lettres destinées à Usbek, Roxane, sa favorite qui finit par se suicider de désespoir, évoque la vie et les tumultes du sérail et l'eunuque fait part des révoltes et tensions qui règnent en son absence.

b. Un roman oriental
Les lettres qu'échangent les Persans plongent le lecteur dans la réalité orientale.
Montesquieu donne de nombreux détails sur les moeurs persanes : Usbek et Rica utilisent dans chacune de leurs lettres le calendrier musulman et des termes propres à leur langue qui donnent l'authenticité de la couleur locale.
De même la peinture du harem et la présence des personnages des eunuques, tout comme l'évocation du despotisme oriental et de l'islam, permettent au public français d'imaginer cet Orient si lointain.
c. Une esthétique de la diversité
La forme épistolaire est une raison du succès de l'oeuvre.

En effet la multiplicité des correspondants permet de faire alterner descriptions de la France, récits des intrigues du harem d'Ispahan, ou épisodes romanesques et réflexions philosophiques.
Les ruptures de tons, de sujets suscitent aussi la curiosité du lecteur et ménagent surprises et rapprochements inattendus voire confrontations éclairantes entre deux civilisations, l'occidentale et l'orientale.

Montesquieu dans Quelques réflexions sur les Lettres persanes, disait lui-même que la forme épistolaire avait « l'avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de la politique et de la morale à un roman, et de lier le tout par une chaîne secrète et, en quelque façon, inconnue ».

3. Un roman satirique
a. Le regard étranger
Montesquieu introduit Usbek et Rica, deux persans, dans la société française. C'est donc un regard étranger, qui s'étonne, qui ne comprend pas, qui s'amuse, qui est porté sur les moeurs et les institutions françaises.
Ce regard inverse notre rapport habituel au monde : le fait le plus banal devient surprenant quand il est vu par un étranger. Cette distance ainsi créée permet de remettre en cause le bien-fondé des coutumes, des usages et ainsi d'ébranler les certitudes.
Ce regard étranger donne une tonalité parfois comique, en tout cas ironique, aux lettres.
Par exemple à la lettre 24, Rica écrit à Ibben que le roi, Louis XIV, est « un grand magicien » mais qu'« il y a un autre magicien, plus fort que lui [...]. Ce magicien s'appelle le Pape. Tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce ». L'auteur s'amuse ici à décrire la vision d'un musulman devant le dogme de la trinité, s'étonnant de la toute puissance du roi et du pape.
b. Les cibles de la critique
Montesquieu, à travers Usbek et Rica, émet donc un certain nombre de critiques.

Se protégeant ainsi de la censure royale, il fait une satire mordante de la fin du règne de Louis XIV - représentant de la monarchie absolue de droit divin - et de la Régence (1715-1723) de Philippe d'Orléans. Il stigmatise les milieux parisiens, la comédie du monde dominé par les caprices d'une mode ridicule (lettre 99 par exemple) et Paris qui est « dans un mouvement continuel » (lettre 24).
La critique des moeurs est efficace et présente un occident inconstant portant une grande attention à l'apparence.

Mais la critique est aussi religieuse. La confrontation entre l'islam des Persans et le christianisme que Rica et Usbek découvrent en France permet à Montesquieu de se moquer cruellement des rites et des cérémonies ridicules, des dogmes et du clergé.
Montesquieu ne prône pas, à travers les lettres de ses deux Persans, l'athéisme : il fait l'éloge d'une religion naturelle faite d'humanité, comme dans la lettre 46 où Usbek dit à Rhédi que « dans quelque religion qu'on vive, l'observation des lois, l'amour pour les hommes, la piété envers les parents, sont toujours les premiers actes de religion ».

La politique n'est pas épargnée. Montesquieu critique l'absolutisme de la fin du règne d'un roi despotique, dépensier et inconstant.
Il s'interroge, toujours à travers ses deux persans, sur les rouages des institutions, notamment la justice, et sur les principes de la nature humaine, thèmes qui annoncent la réflexion que Montesquieu mènera dans son essai de 1748, De l'Esprit des Lois.
La réflexion politique et philosophique de Montesquieu s'exprime aussi dans l'histoire du peuple imaginaire des Troglodytes narrée par Usbek à Mirza. Cette fable morale ou apologue, vient illustrer la nécessité de la vertu comme fondement de la vie sociale et ressort du meilleur gouvernement.

L'essentiel

Les Lettres persanes est une oeuvre qui exprime les principales revendications du combat des Lumières.
A travers les lettres qui offrent aussi la description d'une réalité orientale pittoresque, Montesquieu porte un regard critique sur la société française ; l'absolutisme, l'intolérance, les faux-semblants sont dénoncés.
OEuvre philosophique et éclairée, les Lettres persanes, n'en demeurent pas moins une oeuvre romanesque divertissante à la forme originale.

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