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L'Atalante : la poétique de l'eau

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Objectif : mettre en évidence l’importance de l’eau dans le film de Jean Vigo et étudier ses différentes fonctions.

L’élément liquide est très présent dans l’ensemble de l’école cinématographique française. De grands artistes comme Renoir, Epstein (notamment pour La belle Nivernaise) et Grémillon (particulièrement dans Remorques) ont manifesté beaucoup d’intérêt pour cette matière capable d’inscrire une œuvre au sein d’un univers proprement naturaliste (où elle trouverait son origine) et surtout de la prolonger dans une dimension poétique (où elle pourrait trouver son accomplissement). Chez Jean Vigo, l’eau, non seulement parce qu’elle s’oppose à d’autres états mais aussi pour ses qualités propres, possède de nombreux enjeux tout aussi intéressants.

1. Des séries d’oppositions

L’eau occupe une place de choix dans l’ensemble de l’œuvre de Jean Vigo, sous des formes extrêmement variées : 

  • Elle sert par exemple d’antithèse au monde bourgeois, exclusivement terrestre, dans A propos de Nice, elle est donc un instrument de base du « point de vue documenté » du cinéaste, elle est un élément essentiel (une étape inaugurale) de son discours.
  • Dans La Natation selon Jean Taris, sa fonction est complètement différente. Elle occupe en effet tous les plans du film dont elle figure le principal lieu (un lieu de performances physiques, d’attitudes et de mouvements nouveaux).
  • Dans Zéro de conduite, elle se manifeste sous forme de pluie et contraint les enfants à se serrer les uns contre les autres pour s’abriter. Très anecdotique, elle est un événement précis au sein du récit, son importance, même relative, est donc dramatique.
  • Dans L’Atalante, Vigo reprend toutes ces modalités de l’élément liquide : en effet l’eau est à la fois l’antithèse du monde terrestre, elle est en ce sens le principal lieu du film et sert de base à sa structure dramatique (puisqu’elle n’est pas qu’un lieu de performances du corps).

Plus largement, l’eau est le pôle récurrent d’une série d’oppositions inépuisables qui fondent la structure de l’œuvre :

  • La composition du deuxième plan du film révèle une telle tension dans l’ordre figuratif : l’eau dans la partie inférieure de l’espace et la terre dans sa partie supérieure se partagent très équitablement l’ensemble de l’image avant qu’une épaisse fumée blanche échappée d’un autre bateau qui traverse le fleuve ne vienne recouvrir la zone aquatique (comme pour souligner son mystère et son intangibilité).
  • Au moment du départ, on retrouve la même distinction entre le terre et l’eau. Elle n’apparaît plus dans la composition du cadre mais grâce à la répartition des mouvements des personnages : sur terre règne une incroyable immobilité tandis que la péniche trouve son rythme et s’éloigne sur le fleuve. La terre et l’eau présentent par ailleurs des qualités très différentes : alors que se succèdent sur la rive des paysages distincts et fixes, l’eau n’a jamais de forme propre, elle n’est qu’une matière informe sujette à d’infinies variations (des sillons la creusent, la lumière la fait scintiller, elle semble vibrer sans arrêt).

Toutes ces oppositions plastiques préfigurent et alimentent celle qui constitue le principal enjeu dramatique du film : l’eau est le milieu dans lequel évolue la péniche, c’est un espace difficile à définir parce qu’il suscite des réactions complètement différentes parmi les personnages, mais il reste dans tous les cas le terme d’une dialectique très importante du point de vue de l’argument du film (Jean l’oppose à une ville sans intérêt, Juliette au contraire à une ville pleine de promesses). Ainsi, en vertu de toutes ces oppositions, l’eau a une importance considérable dans L’Atalante. Elle donne à cette œuvre les bases de son architecture dramatique et plastique.

2. Spécificité de l’eau

Le milieu aquatique dans L’Atalante s’oppose à la terre, à la ville et présente des propriétés singulières. L’eau est toujours scintillante, frissonnante, elle semble propice à toutes les effusions et ne se ménage aucun temps mort. Elle n’offre au regard du spectateur aucun objet particulier, elle transforme toute son expérience de la perception. Ici, c’est l’éblouissement qui prédomine en effet.

L’eau possède par ailleurs, plus généralement, une symbolique très riche. On trouve des échos d’une telle symbolique dans le film de Vigo, notamment en ce qui concerne l’amour. N’oublions pas que Vénus naît de l’écume de la mer et que chez les Romantiques allemands (chez Novalis par exemple), l’eau évoque un amour total, fusionnel que L’Atalante reprend très largement.

Le film présente en outre deux états de l’élément liquide, chacun entretenant un lien très étroit avec l’image. L’eau est d’abord surface miroitante, surface qui reflète donc le monde extérieur de façon trompeuse (précisément parce qu’elle n’est qu’un reflet). Mais l’eau est aussi profondeur, milieu mystérieux qui transforme par exemple les gestes des corps qui s’y meuvent ainsi que leurs états d’âmes. Les mouvements de Jean sont ralentis par la résistance de l’eau, sa tristesse et ses absences précédentes (qui culminent pendant la partie de dames avec le père Jules) sont même remplacées par d’innocents jeux sous-marins (quelques pirouettes, pour commencer).

D’autres images se substituent par ailleurs aux reflets de surface, des images oniriques, des apparitions de Juliette qui, si elles sont aussi intangibles que les précédentes, les dépassent néanmoins largement en intensité. Ce sont des images qui auraient à la fois les qualités éblouissantes des éclats de lumière qui font scintiller les flots (ce dont témoignent les yeux écarquillés de Jean) et les formes identifiables des reflets trompeurs du monde terrestre. Elles semblent illuminées de l’intérieur et irradier tout l’espace. Mais pour jouir de telles apparitions, il ne faut pas de demi-mesures, il faut évacuer toute prudence et se donner entièrement, dans un geste déraisonnable (un plongeon qui mobilise tout l’équipage du bateau), au milieu aquatique lui-même.

L’eau est donc un facteur de transformation décisif dans L’Atalante, elle affecte la perception (du spectateur et des personnages), les mouvements des corps, et les réunit dans un amour fusionnel très intense (que soutient la propre fusion de deux images en surimpression dans un même cadre). De ce point de vue, l’eau substitue à la représentation cinématographique naturaliste un espace beaucoup plus sensoriel (un espace fait d’apparitions, de scintillations, de lumières et de vibrations).  

L’essentiel

L’eau est très présente dans L’Atalante, non seulement comme décor naturel, mais aussi comme instrument plastique et dramatique (elle entre alors dans une série d’oppositions très fructueuses avec la terre ou la ville). Elle a de plus des qualités figuratives propres qui opèrent dans le film un renversement décisif : elle prolonge en effet l’espace naturaliste en monde sensoriel. Le dernier plan s’impose comme l’accomplissement d’un tel renversement. La caméra est aérienne, la péniche traverse entièrement le cadre et nous laisse une image vide, sans motifs identifiables, purement liquide, lumineuse, et très intense. L’eau n’est plus seulement le lieu privilégié d’un drame, elle est pure matière vibrante.

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