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De L'Atalante au Chaland qui passe

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Objectif : rendre compte des modifications qui ont affecté le dernier film de Jean Vigo et qui ont été à l’origine de chacune de ses différentes versions de 1934 à 2001. Préciser les motivations qui ont présidé à de telles décisions.
1. De Jean Guinée à Jean Vigo

Malgré le terrible échec commercial de Zéro de conduite, interdit par la censure, Jacques Louis-Nounez n’abandonne pas Vigo. La Gaumont-Franco-Film-Aubert accepte aussi de soutenir un nouveau projet si celui-ci offre des garanties commerciales suffisantes. On décide donc d’imposer un sujet précis au cinéaste afin de limiter ses précédentes audaces formelles et politiques.

C’est un scénario de Jean Guinée qui est retenu, un scénario tout à fait conventionnel que le cinéaste refuse dans un premier temps. Le texte, appelé L’Atalante, raconte l’ennui d’une fille de campagne sur le bateau du marinier qu’elle vient d’épouser. Celle-ci cède aux tentations d’une ville séductrice et quitte la péniche avant d’être retrouvée, repentie, en train de prier dans une petite chapelle, par le second du marinier qui la ramène sur le bateau… Finalement Vigo accepte le projet parce qu’une telle opportunité ne se refuse pas en des temps aussi difficiles mais aussi parce qu’il pense pouvoir imposer son propre style dans cette création.

Par ailleurs, parmi les contraintes qui lui sont imposées, certaines lui donnent pleine satisfaction. Ainsi, s’il n’a pas décidé lui-même de faire jouer Michel Simon et Dita Parlo, ce choix de la production (choix opéré d’abord pour des raisons commerciales) ne l’a pas gêné, il a même su tirer profit des caractéristiques de ces acteurs (et notamment de la mauvaise élocution de Simon qui a donné davantage d’épaisseur au père Jules bourru qu’il incarne).

Vigo n’hésite pas à prendre ses distances avec le scénario original, mais il le fait de façon subtile pour ne pas inquiéter les producteurs. Il supprime les scènes inacceptables de son point de vue (la scène de Juliette retrouvée en train de prier, à la moralité trop évidente), il modifie certains dialogues (il remplace le laïus tout à fait banal du camelot de Guinée par une chanson pleine de séduction insolente), il tourne des séquences écrites en les enveloppant d’une atmosphère si étrange qu’elles prennent une dimension complètement différente de celle qui était prévue (Vigo a ainsi donné à la scène de la séparation du couple et du cortège qui inaugure le film une aura très étonnante en abandonnant les clichés du texte, en creusant une distance surprenante entre les mariés et des proches peu concernés, immobiles et incroyablement silencieux au moment du départ). Vigo réalise ainsi son Atalante, avec beaucoup de malice et d’intelligence…

2. De L’Atalante au Chaland qui passe

Le tournage de L’Atalante est perturbé par l’état de santé de Vigo. Kaufman tourne les derniers plans aériens et Chavance se charge du montage final en l’absence du réalisateur (parti pour la haute-montagne) qui avait néanmoins déjà supervisé un pré-montage et laissé de nombreuses consignes à son monteur. Vigo approuve d’ailleurs le montage final, malgré quelques corrections qu’il juge nécessaires. Nounez est lui-même très satisfait, mais ce n’est pas le cas des associés de la Gaumont-Franco-Film-Aubert qui préconisent des coupes importantes. Vigo refuse d’abord, puis accepte finalement de procéder à quelques ajustements conseillés aussi par Chavance.

D’autres coupes sont demandées, mais Vigo, soutenu par Nounez, tient bon et refuse. La première projection privée (au palais Rochechouart le 25 avril 1934) va pourtant faire plier les deux hommes. Les propriétaires de salle et autres distributeurs ne sont pas enthousiastes, ce qui finit de convaincre les producteurs du manque d’avenir commercial du film. Nounez qui a perdu beaucoup d’argent avec Zéro de conduite est le premier à céder à cette pression tandis que Vigo, très mal en point, n’est déjà plus en état de faire valoir son point de vue…

Le film de Vigo va faire l’objet de nombreuses modifications : L’Atalante va ainsi devenir Le Chaland qui passe. Le nouveau titre du film est inspiré par une chanson très populaire en 1934. On remplace une partie des musiques de Jaubert par des extraits de cette chanson. De nombreuses coupes font passer la durée du film de près d’une heure et demie à un peu plus d’une heureLe Chaland qui passe est ainsi présenté en septembre 1934 sur les Champs-Elysées au Colisée. Malgré quelques réserves, la critique est assez favorable, mais le public boude le film (dont l’exploitation ne dépasse pas les trois semaines).

Parmi les modifications les plus évidentes, on peut noter le remplacement de la chanson des mariniers écoutée par Juliette dans la boutique (dans sa version à cappella, à deux voix) par la chanson qui a donné son nouveau titre au film. L’effet du changement est évident, une part de l’attraction quasi-magnétique qui commence à se faire sentir entre les deux amants dans le premier montage (puisqu’on entend en quelque sorte leur propre version de la chanson des mariniers, sans musique) disparaît inexorablement.

La chanson du camelot elle aussi a été modifiée d’une version à l’autre. Vigo avait choisi de garder au montage le second couplet de cette chanson, quand le camelot s’adresse directement à Juliette devant Jean en tentant de la séduire avec une certaine insolence. Dans Le Chaland qui passe, on a gardé le premier couplet : le camelot est au centre de la salle et ne s’adresse à personne en particulier. Une part de l’insolence (celle que l’on reprochait déjà au Vigo de Zéro de conduite) s’est incontestablement dissipée.

3. A la recherche du film perdu

A partir de 1940, la décision est prise (avec le nouveau distributeur) de redonner au film de Vigo ses lettres de noblesse en restaurant sa forme initiale. La musique de Jaubert est rétablie et le titre initial est redonné au film : Le Chaland qui passe redevient L’Atalante.

Toutefois, on est encore loin de la première version de 1934. De plus, le matériau sur lequel on travaille est d’une qualité médiocre, les différentes copies sont aussi mauvaises que le négatif lui-même. Des scènes qui avaient été supprimées restent en outre absolument introuvables. Ainsi, le départ du père Jules avec Raspoutine qui lui a apporté un disque et l’étreinte entre Juliette et Jean dans la cabine (quand ce dernier lui annonce son désir de voir son image apparaître dans l’eau et qu’elle lui applique un linge chaud sur le corps) ont disparu. Les plans qui montrent les retrouvailles des amants à la fin du film ont été raccourcis, ce qui enlève à la scène une part importante de son intensité (La résolution du drame reste convaincante, mais la lenteur qui nous faisait sentir le poids des corps réunis et attirés malgré tout l’un vers l’autre par un désir irrépressible a disparu). La projection du film au Studio des Ursulines cette même année 1940 se solde par un nouvel échec.

En 1950, de nouveaux éléments sont rassemblés. Henri Beauvais, devenu producteur indépendant et détenteur des droits du film, confie en effet un matériau très intéressant (de nouvelles chutes et d’autres rushes) à la Cinémathèque française d’Henri Langlois. Mais le négatif a disparu…

En 1985, Gaumont acquiert Franfilmdis (la société de Beauvais) et s’empare donc du film. Une nouvelle entreprise de reconstitution est envisagée notamment à partir des fragments de la cinémathèque, d’autant plus qu’est découverte en 1990 une copie intacte de 1934 laissé aux Archives britanniques du film. On consulte alors les anciens collaborateurs de Vigo (Dasté, Storck, Alphen, Goldblatt, Merle) pour constituer une version proche de l’originale de 1934 (proposée par Pierre Philippe et Jean-Louis Bonpoint). Des différences demeurent quand même (on peut remarquer par exemple que la chanson des mariniers entendue par Juliette au magasin de musique n’est pas la version à cappella, mais une version musicale chantée par d’autres).

En 2001, Bernard Eisenschitz (historien du cinéma) et Luce Vigo (fille du cinéaste) proposent en collaboration avec Gaumont une version de L’Atalante encore plus fidèle à l’originale et d’une qualité plastique bien supérieure aux précédentes avec des moyens techniques très performants (très proche cependant de la version décisive de 1991).

L’essentiel

Le dernier film de Jean Vigo a fait l’objet de nombreuses manipulations. Pour rendre compte de l’ensemble des étapes d’un tel parcours, on pourra retenir quatre moments essentiels. En 1934 L’Atalante est proposé aux distributeurs et aux propriétaires de salles. La même année, pour des raisons commerciales, le film est remonté, largement coupé, il a perdu son titre et une partie de sa musique : L’Atalante devient Le Chaland qui passe. En 1940, le film retrouve son titre et sa musique, mais il reste très lacunaire. En 1991, après la redécouverte d’un matériel important, une version proche de l’originale approuvée par Vigo est reconstituée.

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