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Connaître un homme, est-ce connaître son esprit ?

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La question posée présuppose que l’homme est constitué d’une âme (c’est-à-dire d’un esprit) et d’un corps (c’est-à-dire d’une matière). En affirmant que c’est en connaissant son esprit que l’on connaît un homme, on affirme en même temps que l’autre partie de lui-même (le corps, la « matière ») est susceptible de ne pas être prise en compte.
C’est alors accréditer l’idée que notre corps n’est qu’une enveloppe, un simple accessoire. Un homme est ce qu’est son esprit. Le corps ne pense pas : seul l’esprit a la faculté de penser. C’est pourquoi la plupart des philosophes ne se sont pas intéressés au corps : un homme se définit essentiellement par sa pensée.

1. Idéalisme et dualisme
a. Susbstance pensante et substance étendue
Ont toujours été opposées une « substance pensante » et une « substance étendue » – ce que Descartes et Spinoza nommaient res cogitans et res extensa. Ont toujours été distinguées de la même manière la « sensibilité » et l’« intelligence ». Les passions, relevant de la sensibilité, étaient liées au corps, et pour Platon, elles empêchaient d’accéder à la vérité. Il fallait donc, se débarrasser des passions pour se délivrer du voile que la sensibilité pose sur les choses.

Peu importe, donc, qu’un homme soit petit ou grand, jeune ou vieux, beau ou laid. Si les caractéristiques physiques d’un individu nous renseignent sur ce qu’il est, elles n’ont finalement que peu d’importance. On ne juge pas un homme d’après le corps, mais d’après l’âme. L’âme en outre, aussi bien pour les Grecs anciens que pour les Chrétiens, a toujours été considérée comme « immortelle », tandis que le corps est corruptible et périssable. L’âme demeure quand le corps disparaît : cela lui donne une certaine prééminence sur le corps.
b. « Je pense donc je suis », la supériorité de l'âme sur le corps
Pour le courant « idéaliste », dont Descartes (1591-1650), chez les philosophes modernes, est le principal représentant, parler de l’esprit, ou parler de la « substance pensante », c’est parler de la conscience. Descartes découvre, avec le cogito (« je pense ») le premier principe de la métaphysique, en même temps que le premier principe de toute certitude. Le processus par lequel un sujet est capable de penser qu’il pense renvoie précisément à la notion de « conscience ».

Depuis Descartes, on parle, donc davantage de « conscience » que d’« âme », terme qui renvoie à un principe de nature plus métaphysique, ou plus religieuse. Par conséquent le « je » caractérise, depuis Descartes, ce qu’auparavant on nommait « âme » ou « esprit ». « Je trouve ici que la pensée est un attribut qui m’appartient : elle seule ne peut être détachée de moi ». Je suis, j’existe : « cela est certain, mais combien de temps ? À savoir, autant de temps que je pense, car peut-être se pourrait-il faire, si je cessais de penser, que je cesserais en même temps d’être ou d’exister » (Méditations métaphysiques, Seconde méditation). Sans nier que l’homme concret soit fait de l’union d’une âme et d’un corps, Descartes établit la prééminence incontestable de l’âme : si je cesse de penser, je cesse d’être. La connaissance de l’homme est donc essentiellement tributaire de la connaissance de sa conscience.
c. Le corps et l'esprit ont la même importance
Pour Spinoza (1632-1677), qui combat le dualisme (qui signifie que l’esprit et la matière, l’âme et le corps, sont deux substances distinctes), il n’existe au contraire qu’un seul être, ou qu’une seule substance (l’homme), laquelle se décline selon deux modes, le mode intellectuel ou le mode corporel. L’esprit et la matière (la pensée et l’étendue) sont donc des « attributs », selon le terme employé par Spinoza, c’est-à-dire des expressions différentes du corps et de l’âme.

Puisque l’âme et le corps représentent les deux aspects d’une même réalité, ce qu’exprime l’âme est forcément en relation avec ce qu’exprime le corps, et réciproquement. On parle, chez Spinoza, de « parallélisme ». En accordant à la matière ou au corps la même importance qu’à l’esprit, Spinoza semble davantage « matérialiste » qu’« idéaliste » ; mais le matérialisme pose au contraire que l’esprit se réduit à la matière. Que cela signifie-t-il ?

2. Le courant matérialiste
a. Qu'est ce que le matérialisme ?
La réflexion sur la matière et l’esprit a toujours été au centre des polémiques, dans l’histoire de la philosophie. Le débat est toujours aussi présent aujourd’hui, sous une forme différente.
Pour Épicure, au Ve siècle avant J.-C., la matière, constituée d’atomes, est l’élément premier, fondamental.
Aristote, presque au même moment, l’identifie à une puissance, ou à une virtualité en attente d’« information » par l’idée : l’idée est en effet ce qui va donner sa « forme » à la matière.
Démocrite (considéré comme un « présocratique », il est pourtant mort une trentaine d’années après Socrate) inscrit la matière au centre de sa conception du monde. Pour lui comme tous les philosophes matérialistes qui lui succèdent, tel Lucrèce, au Ier siècle avant J.-C., la seule réalité se résume donc aux atomes, dont la matière est constituée ; l’âme elle-même est constituée d’atomes.
b. L'atomisme
L’âme est donc essentiellement matérielle. Les matérialistes procèdent en outre à une inversion radicale, concernant l’« immortalité » de l’âme, à laquelle se réfèrent les tenants du courant idéaliste (le corps périt, mais l’âme est éternelle). L’âme disparaît en même temps que le corps, mais les atomes eux, demeurent. En ce sens, c’est bien la matière originelle qui est immortelle, matière à partir de laquelle se sont constitués les âmes et les corps. Les atomes, identifiés à de petits corpuscules élémentaires baignant dans l’« éther », se combinent entre eux pour former de la matière. Les individus sont les fruits du hasard de ces combinaisons ; ils peuvent exister, comme ne pas exister du tout. Ils ne sont pas, en tout cas, le fruit d’une volonté divine ou d’un dessein de la Nature ; la matière et les hommes sont donc contingents. Les combinaisons hasardeuses des atomes font qu’un homme existe ou n’existe pas.
c. La matérialisme cartésien
Connaître l’homme, c’est, par conséquent, connaître la matière et les corps. Pour Descartes, ensuite, dont le nom est toutefois associé au courant idéaliste (puisque ce sont les idées, et non les sens, qui sont à l’origine des connaissances vraies), la matière constituera la substance des corps connaissables par l’étendue géométrique. Les corps sont ainsi définis en termes d’espace et de mouvements. C’est en ce sens qu’il peut y avoir un « matérialisme » cartésien : pour connaître un corps, il faut le comparer à une machine.

Il faut se méfier, donc, de ces mots en « -isme » : s’ils sont très commodes pour comprendre dans quel courant de pensée un auteur s’inscrit, ils peuvent aussi se révéler déconcertants : comment comprendre en effet que Descartes soit à la fois partisan de « idéalisme » et du « matérialisme » ? Il est idéaliste, donc, dans la mesure où l’esprit (la capacité qu’a l’homme de penser, c’est-à-dire de former des idées) est plus important que le corps ; mais il est « matérialiste » au sens où il ne croit pas qu’un corps vivant soit davantage qu’une simple machine.

3. La connaissance de l'esprit et du corps
a. La notion d'« esprit » est ambigüe
Connaître un homme, c’est pour les uns connaître son esprit, et pour les autres connaître son corps. Mais nous répondons à la question posée (Connaître un homme, est-ce seulement connaître son esprit ?) en présentant les arguments « scientifiques » qu’invoquaient les philosophes pour y répondre. L’homme se résume-t-il à son corps, à son esprit, ou aux deux ? Le terme d’esprit, dans le sens que nous lui donnons aujourd’hui, modifie le sens de la question initiale.
b. La matérialité du corps : l'identité individuelle se construit autour de cette matérialité
Il convient de se demander finalement si la personnalité d’un individu se résume à sa pensée ou si au contraire son corps est, tout autant que son esprit, capable d’exprimer ce que cet individu est. À partir de quoi jugeons-nous un individu ? Son apparence physique n’est-elle pas, par exemple, tout aussi révélatrice de ce que cet homme est ? Ne nous en dit-elle pas davantage ?
Nous ne pouvons nous dissocier de notre corps. Il est le premier indice de notre existence d’un point vue spatial et temporel, ce par quoi nous sommes « dans le monde ». Notre corps nous fige dans un temps et dans un lieu donné. Il est impossible pour nous de nous dissocier de cette matérialité. Nous pouvons bien désirer être dans un autre lieu, ou remonter le temps, ou l’anticiper, la puissance de notre désir ou de notre volonté (de notre « esprit ») ne fera pas que nous rajeunirons, vieillirons, ou que nous serons physiquement dans l’endroit où nous aimerions être. Lorsque nous parlons de la « matérialité du corps », nous pensons aussi à la visibilité de ce corps. L'esprit est donc impuissant sur le corps directement.
Les autres ont immédiatement accès à ce que nous sommes par l’intermédiaire du corps, qu’il faudrait distinguer du visage : mais ce visage fait aussi partie de notre corps. « Reflet de l’âme », comme on l’a souvent dit, le visage transmet nos sentiments, nos émotions, voire nos pensées.

Le corps, en fait, dit qui nous sommes sans que nous ayons à parler de nous-même. Il révèle, à notre insu, une partie de notre identité. Mais il est aussi ce qui permet de l’exprimer, lorsque nous nous habillons de telle ou telle manière. Le corps fait bel et bien partie de nous-même : il est impossible de le négliger. Aujourd’hui, mépriser le corps, c’est un peu se mépriser soi-même, et prendre soin de soi, c’est prendre soin de son corps. Nous sommes sommés d’avoir « un esprit sain dans un corps sain » : mens sana in corpore sano, a dit Juvénal (fin du Ier, début du IIe siècle).
c. Le corps et la santé
Notre corps n’est pas seulement physique en effet, il est biologique. En tant que tel, il est susceptible d’être affecté par la maladie. La maladie nous prive le plus souvent d’être ce que nous sommes. Elle agit inévitablement sur l’esprit. Diminué, nous ne sommes plus totalement nous-même. C’est pourquoi la santé a une si grande importance.

Conclusion
Nous reconnaissons assez facilement aujourd’hui que connaître un homme, ce n’est pas seulement connaître son esprit. Le corps montre également ce que nous sommes, et nous y attachons davantage d’importance qu’auparavant. Le corps a été réhabilité. C’est peut-être d’ailleurs parce qu’il trahit ce que nous sommes que nous y accordons autant d’importance.

Nous avons conscience que nous sommes faits d’un corps et d’une âme, que nous ne pouvons pas dissocier. La distinction entre le corps et l’âme reste pourtant pertinente, alors que nous sommes tentés de ne plus y recourir. Nous ne sommes pas, tout entiers, notre corps et refusons un assujettissement complet à celui-ci. « Je suis dans cette main et je n’y suis pas », écrit Paul Valéry, « elle est moi et non moi ». Le corps, tout en étant nous-même, est en même temps un étranger.
En outre, l’âme peut être belle, et le corps peut être laid. La laideur de Socrate est légendaire : son crâne est chauve, son nez épaté, ses yeux globuleux. Alcibiade est très beau, mais ses pensées sont mauvaises : il n’a pas, contrairement à Socrate, une « belle âme ». Il n’y a pas, on le voit, pour finir, à travers cet exemple, de correspondance entre la beauté d’un corps et d’un visage et la beauté de l’âme.

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