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À la lumière d'hiver : Chants d'en bas, « Ecris vite... », page 64

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Objectif :
Proposer une lecture analytique du poème qui se confronte à un axe de lecture précis.
Les pages ou passages cités se réfèrent à l’ouvrage À La lumière d’hiver, prédédé de Leçons et de Chants d’en bas, et suivi de Pensées sous les nuages, Philippe Jaccottet, édition Poésie / Gallimard, Nrf.

Philippe Jaccottet né en 1925 est un auteur de la modernité. Sa poésie remet en question les mouvements littéraires antérieurs et s’interroge sur sa fonction, son pouvoir et son rôle dans un monde dévasté par la guerre ou les bouleversements sociaux.

Le recueil : revenant sur des écrits antérieurs comme Le Livre des Morts jugé trop audacieux parce qu’il prétendait « guider les mourants et les morts », Chants d'en bas est une variation sur le même thème mais le poète développe une méditation sur la parole confrontée à la mort, devant l’urgence du temps qui passe inexorablement.

Texte et axe de lecture : ce poème est une injonction du poète à lui-même l’invitant à « parler » dans l’urgence et dans l’espoir d’une communication apaisante avec le monde. Nous étudierons alors l’urgence d’une écriture en quête d’apaisement.
1. Dire l'urgence d'une écriture
Le poème s’ouvre sur le mode injonctif
L'utilisation de l'impératif invite à l’écriture : « Écris », il s'agit d'une écriture qui se rapproche d’un métalangage presque réflexif : langage qui s’explique, qui se définit lui-même. Ici écrire, c’est « combler la page ». L’écriture est une nécessité concrète au moment même où le poète écrit. D’où l’ancrage dans la situation d’énonciation correspondant au moment de l’écriture (« aujourd’hui ») avec des déterminants démonstratifs dont le référent est immédiat (« ce livre-ce poème » sont ceux que l’instance lyrique écrit de manière simultanée et, ceux que de manière différée, le lecteur lit).

L’expression de l’urgence se lit dans :

- L’abondance des notations temporelles :
« vite » est repris parallèlement dans les phrases impératives ; avec la mention du projet à réaliser et le fantasme de sa réalisation à court terme « écris vite… achève vite aujourd’hui ».

La mention d’un terme à brève échéance est mis en évidence par les trois propositions temporelles introduites par « avant que… ». L’imminence est suggérée par le complément de temps « quelque temps encore » dont l’indétermination laisse deviner la brièveté du délai.

Il y a la connotation d’une course contre le temps que suggère le verbe « rattrape » au présent du subjonctif, témoignant de l’issue improbable de la lutte des mots contre la condition de l’homme. L’enjambement au cœur de la structure métrique mime ce temps qui court et déborde du cadre fixe, comme si rien ne le contenait…
Le début de la deuxième strophe poursuit sur cette métaphore entre l’écriture et la course : « cours au bout de la ligne », jouant sur l’ambigüité sémantique du mot ligne et la plaçant comme l’objectif à atteindre, le but ultime.
L’écriture est acte d’existence en fuite, comme un signe tournant presque à vide, mais toujours en lutte contre le temps. Il ya un désir de continuité dans l’acte d’écriture pour lutter contre la finitude, de la ligne à la page, de la page au livre.

Doc. Allégorie du temps qui passe, gravure du 19e siècle

- L’expression de l’angoisse existentielle du sujet écrivant :
La menace de ne plus être (« le doute de toi ») : le poète se sent menacé dans son existence, comme face à un risque de dissolution dans l’inconsistance de « la nuée des questions ». La métaphore suggère tant le risque de se perdre que celui de la porosité du sujet qui se perd lui-même au cœur de son identité.
Contre le doute et l’égarement, la seule issue possible pour se recentrer reste donc l’écriture programmatique « comble ta page » qui revient à dire son existence tant qu’il est encore temps.

La peur fantasmée et non dite, latente dans le verbe euphémistique « broncher » suggérant bien au-delà du simple fait de maugréer puisqu’il est développé dans le vers suivant « ou pire que cela » ; peur contenue dans un démonstratif très indéfini « cela », suggérant l’innommable ; peur contenue dans les points de suspension et le blanc typographique.

La conscience de sa faiblesse : le risque de la page blanche lié à la peur paralysante. En effet, le sujet est réduit de manière métonymique à son angoisse et ses mains « tremblantes  ». Il anticipe la manifestation de l’angoisse existentielle « avant que ne fasse trembler tes mains la peur ». La structure grammaticale désarticulée de la phrase qui se poursuit en enjambements successifs mime l’angoisse déstructurante du sujet lyrique.

La conscience de sa finitude : Le reste de vie est suggéré par le manque d’air imminent « avant que l’air ne cède » ; le complément de temps « pour quelque temps encore » dont l’indéfini souligne l’infime quantité ; la fragilité d’une posture défaillante et risquée « adossé… contre ce beau mur bleu  » aussi fragile que l’air, aussi idéal qu’un fantasme de ciel et d’élévation…

- La puissance d'une métaphore : Il y a un contraste choc avec les vers suivants qui miment le déclin physique avec une métaphore architecturale. L’image métaphorise la peur de la maladie (dérèglement du corps) et surtout de la mort violente. L’expression « la cloche se dérègle » euphémise l’arrêt cardiaque mais lui rend l’intensité d’une fin qui ancre la finitude de l’homme en évoquant le squelette sans chair par le « beffroi d’os » et sa souffrance intense « à en fendre les murs ».
 
Le mécanisme de la conversion de la peur en mots fonctionne-t-il dans ce texte, dans un jeu de cache-cache entre le poète et la finitude de sa vie?
2. L'écriture en quête d'apaisement
L’écriture est dénuée de toute fonction éthique 
L'écriture n'a pas une fonction morale prétendant « guider mourants et morts » (Leçons, p. 11). L’allusion d’une écriture à « l’ange de l’église de Laodicée » destitue l’écriture poétique de toute mission autre que celle d’une fuite comme simple principe vital. (Référence à une citation du Livre de l’Apocalypse, dans lequel Jean reçoit un ordre l’intimant à l’écriture qui transmet la volonté divine aux sept églises dont celle de Laodicée, mettant en avant la fonction de guide spirituel et de modèle éthique de l’écriture sainte). L’écriture est remplissage, fuite, peu importe le destinataire ce que marque l’adversative « mais sans savoir à qui, dans l’air ».

L’écriture est transcription d’une hésitation et d’une alarme

La structure du vers avançant avec des compléments successifs de manière traduit la progression aveuglée et inconsistante, « sans savoir » ou « dans l’air », comme la densité de l’alarme « des signes hésitants, inquiets ».
La langue est animale, transcription de l’inhumanité que symbolise l’animal étrange de la nuit « la chauve-souris ».

L’écriture permet un passage

Un passage vers autre chose, dans la répétition du geste « franchis encore cette distance ». L’écriture ouvre sur le renouveau et l’oubli de la finitude, par une résistance au temps qui s’écoule et menace de l’immobilisme.

- Elle devient la suture, la réparation du dispersé, thématique chère à la poétique de Jaccottet. Les verbes à l’impératif participent tous du champ lexical vestimentaire ou plus exactement de la couture et de l’enveloppement : « relie-tisse-habille-couvre ». Elle est la liaison entre la finitude d’une vie et l’espoir d’une continuité marquée par la répétition de l’adverbe « encore », comme si par le ressassement, elle exorcisait le pouvoir de la mort gagnant du terrain et offrait une résistance au temps, dans l’instant d’écriture.

- L’écriture tente de dépasser l’angoisse existentielle
du sujet lyrique ouvrant la voie d’une communauté inscrite dans un glissement du « tu » au « nous ». Il y a réparation d’une angoisse individuelle dans une vision générale et rassurante, d’où l’image du vêtement et couverture commune, uniformisant la condition humaine.
Ainsi, les hommes animalisés dans leur fragilité « bêtes frileuses » ou reliées indéfectiblement à la terre et à l’aveuglement « taupes maladroites » (utilisation d’un bestiaire empreint de mépris : « chauve-souris ; bêtes ; taupes ») échappent à la prégnance de la mort dans l’espoir d’un rêve de lumière.

- L’écriture ouvre sur l’habitation poétique du monde ivre de lumière, presque sacralisé du « dernier pan doré de lumière », du bas vers l’observation en surplomb d’un monde inondé de la lumière du couchant, englobé dans un instant suspendu, sans lien avec l’angoisse du temps qui passe.
Il y a dans les derniers mots du texte une échappée, une expérience sacrée vécue dans et par l’écriture d’une conjonction entre le matériel, l’existence liée au temps et l’abstraction vers la nature simplement désignée par les arbres, les montagnes et le soleil, grâce la poésie ancrée dans le réel perçu par les sens.

Du Memento Mori, (citation latine qui signifie « souviens-toi que tu mourras ») le poète ouvre sur une habitation poétique du monde par la lumière, vers un sentiment de plénitude. La coulée des deux derniers vers mime l’avancée au-delà du seuil obsédant du début du poème.
L'essentiel
Ce poème surprenant par son énonciation parce qu’il montre le poète lyrique dans sa fragilité et son doute offre une expérience initiatique de l’écriture. Le sujet dépasse son angoisse propre et s’ouvre au monde, dans un instant suspendu, échappant à sa finitude.
C’est comme « une tremblante façon de n’être pas tout à fait vaincu. » (Article de Jaccottet sur A. Lubin)

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