Cassavetes - Maxicours
Objectif  : Mettre en évidence la spécificité du travail de John Cassavetes, présenter les projets qui ont encouragé sa vocation de cinéaste et mesurer toute l'importance du montage dans la réalisation de ces mêmes projets.

Etudiant à la très prestigieuse American Academy of Dramatic Arts de New York, John Cassavetes a commencé sa carrière artistique au théâtre, comme acteur, à une époque très marquée par la méthode de l'Actor's studio (méthode préconisée par Elia Kazan qui exige de l'acteur une totale identification à son personnage et dont Marlon Brando reste aujourd'hui la figure emblématique).
Mais il a très vite pris ses distances par rapport à cette technique, misant davantage sur l'invention personnelle, sur la spontanéité du jeu que sur l'imitation proprement dite. Il crée ainsi le Workshop, son propre atelier en 1956...

C'est aussi comme acteur qu'il intègre le milieu du cinéma, jouant notamment sous la direction de Don Siegel (Face au crime, 1956) et de Martin Ritt (L'Homme qui tua la peur, 1956). Il interprètera d'ailleurs toutes sortes de rôles très différents tout au long de sa carrière, non seulement dans certains de ses propres films (Husbands en 1970, Minnie and Moscowitz en 1971, Opening Night en 1978 et Love Streams en 1984), mais aussi pour d'autres cinéastes parmi lesquels Robert Aldrich (Les Douze salopards, 1967), Roman Polanski (Rosemary's baby, 1968) et Brian de Palma (Fury en 1978).
Cela lui permettra souvent de gagner de l'argent pour le réinvestir dans ses propres films et jouir ainsi d'une indépendance à laquelle il tient beaucoup.

1. Indépendance et liberté
Son premier film, Shadows, jouit en effet d'une liberté tout à fait exceptionnelle, ce qui lui vaut d'être remarqué par les cinéastes de la scène indépendante new-yorkaise, et notamment par Jonas Mekas.
Mais la première version du film, celle de 1958, est rapidement revue par Cassavetes, elle perd alors une part de sa dimension expérimentale, ce que le chef de file de l'Underground n'accepte pas. Il pense que Cassavetes a cédé aux pressions de ses producteurs et qu'il a remonté son film, en 1959, pour lui donner finalement un destin plus conventionnel, plus commercial. En réalité, Cassavetes avait éprouvé un tel plaisir dans la manipulation technique du dispositif cinéma (filmage, montage, etc.) qu'il avait, selon ses propres aveux, oublié l'essentiel : il avait sacrifié les acteurs à la technique.

Ainsi, si le cinéaste partageait avec les artistes de l'avant-garde et de l'expérimental américain certains désirs essentiels, notamment celui de filmer la vie telle qu'elle est, dans la rue, caméra à l'épaule, hors des conventions dictées par Hollywood, il s'en distinguait par d'autres aspects, et d'abord par l'importance qu'il accordait lui-même à la fiction et aux acteurs.

La priorité de Cassavetes n'était donc pas de faire du cinéma contre Hollywood, en dissident (il y réalisera d'ailleurs Gloria en 1980, longtemps après Un Enfant attend remonté en 1963 par son producteur, Stanley Kramer), mais de réaliser des films avec la liberté totale d'assouvir ses propres désirs de créateur (ce qui passait par des productions indépendantes)...

Par ailleurs, le fait que Shadows soit une fiction n'enlève absolument rien à l'énergie et au souffle étonnants qui en émanent et qui doivent beaucoup à ses propriétés formelles : les nombreux gros plans, les mouvements de caméra très audacieux et très spontanés (presque pulsionnels), le jeu très libre des acteurs (improvisé en partie) ainsi que son montage tout en ruptures donnent au film un rythme éblouissant. Un rythme qui accompagne et soutient on ne peut mieux l'énergie qui caractérise les personnages et l'intensité des relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres...

2. Le style
Le style de John Cassavetes sert donc un projet précis, il doit permettre en effet de révéler quelque chose des personnages, surtout l'espèce d'agitation intérieure et d'énergie vitale qui les habite.

Ainsi l'histoire devient seconde, elle naît des personnages eux-mêmes, de leurs états d'âme (visibles sur les visages ou dans les postures des corps) et non pas d'événements précis, ponctuels, qui feraient avancer l'intrigue (comme dans un montage narratif).
Cassavetes s'emploie plus à capter une émotion particulière dans chaque scène qu'à raconter quoi que ce soit. C'est pourquoi il se permet par exemple de supprimer au montage la première partie de certaines scènes en les coupant en leur milieu (montage in the middle), favorisant ainsi le surgissement des émotions des personnages en les imposant de façon très directe, presque brutale, à la sensibilité du spectateur (ému par ce surgissement même). Il opère alors un véritable prélèvement de l'émotion qui l'intéresse dans la matière première de la scène.
C'est ce qu'il a fait par exemple dans Faces (1968), autre film de gros plans.

Les moments-clés des oeuvres de Cassavetes ne sont donc pas ceux où le spectateur apprend quelque chose (même la fin, grâce à un montage ouvert, ne résout rien), ce sont bien au contraire les moments où le corps devient spectacle, ce sont les éclats de rire, les crises de larmes ou autres hurlements (moments tout à fait saisissants et qui doivent beaucoup à Gena Rowlands dans Une femme sous influence en 1975 et Opening night en 1978). La fonction principale du montage est alors de faire circuler de telles émotions... Et comme celles-ci procèdent de ruptures qui font sauter les masques, le montage cut est la plupart du temps le plus adapté.

Cela n'implique pas qu'il y ait toujours entre les plans, les personnages ou les scènes des écarts infranchissables. Certes, les raccords sont rares, mais le montage de Cassavetes donne plutôt l'impression au spectateur que tous ces plans, tous ces personnages ou toutes ces scènes sont traversées par la même intensité, la même énergie pulsionnelle, le même flux. C'est pourquoi les rapports entre les personnages sont rarement apaisés, c'est pourquoi les mouvements de caméra trahissent aussi certains troubles, c'est pourquoi enfin le spectateur les ressent profondément.
Dans cette perspective, les faux-raccords ne sont pas gênants. Le cinéaste ne recherche pas à respecter la continuité d'un geste ou l'homogénéité d'une image d'un plan à l'autre (un verre, une cigarette peuvent en effet disparaître ou apparaître subitement dans Faces, en un clin d'oeil), ni même à dissimuler tout le matériel de filmage (dans Husbands, on peut parfois apercevoir la perche du preneur de son), il ne cherche pas à donner l'illusion du monde. Il s'emploie au contraire à capter de vrais moments de vie, intenses, face auxquels de vaines conventions cinématographiques ne comptent guère...

L'essentiel

John Cassavetes a toujours accordé beaucoup d'importance au montage, il révisait d'ailleurs régulièrement celui de ses films, non pas pour trouver la version parfaite, mais parce qu'il a toujours privilégié dans l'oeuvre l'expérience elle-même, renouvelable, à la forme achevée. D'où sans aucun doute son intérêt pour les acteurs, l'émotion, l'énergie, son intérêt pour le vivant.

Le montage, avec d'autres procédés (mouvements de caméra, gros plans, flou, etc.), devait permettre de retrouver ce vivant en donnant aux films ce supplément de souffle étranger et inaccessible à toutes sortes de conventions trop policées.

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