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Scorsese, Lynch, Jarmusch

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Objectif  : Mettre en évidence, malgré des différences très nettes, quelques points communs entre Jim Jarmusch, David Lynch et Martin Scorsese, notamment leur goût de la marginalité. Evaluer ensuite la fonction du montage dans leur traitement du personnage exclu.

Entretenant des rapports très différents avec les grands studios, Jarmusch, Lynch et Scorsese ont toujours su conserver malgré tout un style très personnel et identifiable en quelques plans seulement. En ce sens, ces cinéastes américains ont très vite revendiqué une indépendance artistique déterminante au sein même de la plus grande industrie cinématographique mondiale (Jarmusch préférant même financer ses films en dehors des circuits de production des grands studios). Cette situation particulière est probablement en mesure d'expliquer en partie au moins (car il en est d'autres plus profondes) leur intérêt manifeste pour les personnages marginaux qui évoluent hors des chemins balisés de leurs propres films, en souvenir peut-être des figures emblématiques de l'Underground américain.

1. Leurs influences
Les trois cinéastes se sont fait remarquer dans le cinéma des années 70 ou 80 par des oeuvres qui ne s'inscrivaient pas dans la droite lignée des films classiques américains, par des oeuvres plus souterraines.

- Scorsese est très sensible en effet au cinéma de Cassavetes ; les deux hommes sont d'ailleurs assez proches, le premier bénéficiant des conseils et de l'expérience du second). Son film Mean streets (1973), loin de reposer sur une structure linéaire et fluide, accepte toutes sortes de ruptures qui lui donnent un rythme très intense.

- Lynch a de son côté une formation artistique picturale susceptible d'expliquer, dans ses premiers courts-métrages et dans Eraserhead (1976), d'énormes distances prises par rapport à la narration classique et une originalité plastique qui ne se démentira jamais.

- Quant à Jarmusch, sa vocation de cinéaste est née d'une année passée à Paris dans les cinémathèques où il a notamment découvert et admiré les grands réalisateurs européens et japonais. Son oeuvre conservera la trace de cette influence, notamment celle de Wim Wenders dont il fut l'assistant pour Nick's movie (1980) et qui a produit une partie de son film, Stranger than paradise (1984) : le travail sur la durée, sur la dilatation du temps, sur l'immobilité, très important dans ce film n'est pas sans évoquer d'ailleurs certaines oeuvres maîtresses du cinéaste allemand, Alice dans les villes (1973) par exemple.
On retrouve en outre chez les deux hommes le même intérêt pour les road movies, sortes de parcours initiatiques où le cheminement, beaucoup plus important que la destination, révèle à un personnage isolé, marginalisé (il n'appartient plus à aucun lieu, il n'est plus qu'un improbable entre-deux), ce qu'il était parti chercher ailleurs...

Ni Scorsese, ni Lynch ne sont des spécialistes du road movie, néanmoins on retrouve dans certaines de leurs oeuvres, sous des formes très différentes, quelques unes des propriétés fondatrices de cet exercice.

2. La narration en boucle
Dans le système de narration en boucle, le parcours des personnages, souvent isolés, nous renseigne sur leurs motivations : retrouver le frère perdu de vue depuis longtemps dans The Straight story en 1998, seul véritable road movie de David Lynch, ou échapper à des chasseurs de prime dans Dead man de Jim Jarmusch en 1995. Mais ce système de narration permet surtout de dévoiler leur propre rapport au monde.
a. Taxi driver de Scorsese
La circularité du parcours d'un personnage, celle-là même qui condamne à la répétition, peut exprimer un rapport au monde fondé sur l'angoisse, la souffrance intérieure.

Le personnage de chauffeur de taxi est particulièrement éloquent dans ce cas : il va où on lui demande d'aller, n'a lui-même plus aucun désir et ne fait plus que tourner en rond, traversant les mêmes rues d'une ville ou d'un quartier souvent assez hostile.

Un film de Jarmusch, Night on earth (1990), fait référence au taxi, mais la situation la plus pertinente en ce qui nous concerne est celle de Travis dans Taxi driver (1976) de Martin Scorsese. Le personnage interprété par Robert De Niro a perdu tout lien avec le monde, avec les images du monde. La seule figure qu'il trouve désirable, une jeune femme qu'il parvient à séduire, lui est rapidement refusée.

La plupart du temps, les plans sur Travis derrière son volant et ceux des rues qu'il traverse sont montés en alternance, mais la connexion est lâche ; le regard, quand il se retourne (ce qui est finalement assez rare, car Travis perd même ce désir-là), reste indifférent. Et lorsqu'une fillette (Iris interprétée par Jodie Foster) lui demande de prendre la fuite, il attend... puis le souteneur arrive, récupère la prostituée et lui donne un billet pour qu'il oublie tout...

Un rapport intense avec les images ne sera retrouvé qu'avec la crise de violence du personnage, violence qui redéfinit précisément son rapport au monde, l'arme à feu devenant le prolongement de son regard (la tuerie finale repose d'ailleurs sur un montage beaucoup plus rapide). Pour un moment, Travis parvient alors à sortir du cycle de son quotidien, cycle qui a pu être exprimé, à l'occasion, par un montage en boucle (un travelling sur un feu rouge répété plusieurs fois d'affilée, faisant bégayer le film pendant quelques secondes, l'a exprimé en effet de la plus claire des façons).

b. David Lynch
La boucle peut aussi troubler la structure dramatique d'un film, comme c'est le cas dans Lost Highway de David Lynch (1997). Le début nous projette dans une histoire qui a manifestement déjà commencé : une sonnette retentit, une voix annonce à Fred Madison la mort de Dick Laurent. A la fin du film, Fred va sonner chez lui et annonce la mort de Dick Laurent... Le début est la fin, la fin est le début, et entre temps des personnages ont changé d'identité, littéralement, Fred s'est métamorphosé, il est devenu Pete, il a rencontré toutes sortes de personnages mystérieux, oniriques (personnages proprement lynchiens), etc.

Le film est un parcours certes, ainsi que l'indiquent très clairement son titre et certaines scènes, mais il s'agit d'un parcours intérieur, non plus initiatique, mais largement schizophrène qui autorise toutes sortes d'incohérences et de courts-circuits dans le récit.

Le montage reste narratif, mais la fluidité laisse place à des écarts, des décharges d'intensité, grésillements et autres lumières incandescentes qui remplacent les raccords. On pense à certains plans d'allumettes ou de cigarettes dans Sailor et Lula (1990), d'ampoules électriques suralimentées dans Eraserhead ou Mulholland Drive (2001). On pense aussi à certains plans commencés trop tôt, quelques secondes avant que n'apparaissent les personnages dans un lieu, même banal : l'attente qui se crée alors donne à ces personnages un caractère très mystérieux...

Grâce à son montage, Lynch parvient ainsi à envelopper ses images d'une espèce d'inquiétante étrangeté tout à fait caractéristique de son cinéma.

3. Ruptures et sutures
L'étrange transparaît donc chez Lynch au sein même d'un montage narratif, soit parce que celui-ci observe un mouvement circulaire (qui ruine les interprétations, laisse triompher le non-sens et tout ce qu'il suscite comme angoisse, à la manière d'un rêve), soit parce qu'il ne parvient pas à faire disparaître les raccords dans l'ensemble (il y a toujours une intensité irréductible, un trop plein d'énergie qui ne parvient pas à se dépenser dans le récit).

Quelque chose de comparable se passe dans les films de Jarmusch, à ceci près qu'il ne s'agit plus de lumière, de grésillements, mais de noir et de silence.

Dans Stranger than paradise, il y a un fondu noir entre chaque plan.
Dans Dead man, sans être aussi systématiques, les fondus au noir restent très fréquents. Ils ne marquent pas forcément une ellipse, ne sont plus au service du récit. N'étant plus des signes de ponctuation, ils acquièrent une profonde autonomie. Ils font écho aux pertes de conscience de William Blake, ils sont les temps morts dans lesquels il plonge progressivement, mais de façon irréversible (une balle l'a touché près du coeur, il est donc déjà mort en quelque sorte, ainsi que l'indique le titre du film). Les fondus au noir suspendent le temps, ils aspirent Blake dans l'autre monde, avant de l'engloutir une fois pour toutes : le dernière image du film montre le personnage mourant dans une barque, sur la mer - passage hautement symbolique de la vie à la mort -, au loin, puis disparaître dans un dernier fondu.

Chez Scorsese, il n'y a pas de ruptures aussi évidentes, sauf peut-être dans les premiers films. Avec les années, le récit a gagné en fluidité, celle-ci étant renforcée par l'omniprésence des voix-off en mesure d'emporter l'ensemble des images et des plans dans le même grand mouvement de la narration.
Les personnages racontent leur histoire commune, leurs voix-off se relaient pour décrire les habitudes du clan, du système mafieux (celles de Sam Ace Rothstein et de Nick Santoro dans Casino en 1995, celles de Henry Hill et de quelques autres dans Les Affranchis en 1990). Les personnages ont établi leurs propres codes, ils occupent des fonctions précises dans leurs propres systèmes, ils ne sont donc plus tout à fait en marge de quoi que ce soit... La voix-off présente les gestes et attitudes que nous voyons comme des rites nécessaires au bon fonctionnement et à la survie du clan.
Le montage gagne en fluidité en respectant certains codes (le plan-séquence est l'expression la plus aboutie de cette fluidité) exactement comme le système le fait lui-même... Mais si une scène fait taire la voix-off, si elle interrompt son flux, on peut penser qu'elle pourra aussi interrompre la machine mafieuse. Les démonstrations de violence de Santoro (Joe Pesci) et l'arrivée de Ginger (Sharon Stone) qui arrêtent les voix-off dans Casino seront effectivement responsables de la fin de l'Empire décrit dans le film... Ensuite, c'est une autre machine qui se met en marche, inexorablement, celle de la chute et de la déchéance.

L'essentiel

Jim Jarmusch, David Lynch et Martin Scorsese sont des cinéastes très différents mais qui se sont tous intéressés d'une façon ou d'une autre à la position trouble et ambiguë de l'individu par rapport au groupe ou à la loi, c'est-à-dire à son errance (sociale, mentale, peu importe).
Cette position a été prise en charge par un montage qui a toujours su ménager au sein même de certaines narrations bien articulées des phases de ruptures essentielles (au niveau du rythme, de la signification ou de la forme du récit), qui se sont elles-mêmes imposées avec une certaine souplesse comme l'envers des choses (l'envers de la raison, de la vie ou du groupe).

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