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Entre perte de mémoire et mémoire officielle (1962-1999)

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Objectif
  •  Comprendre l'enjeu de la mémoire dans la continuité de la guerre d'Algérie.
Points clés
  • La violence et la complexité des affrontements, la différence de significations des événements des deux côtés de la Méditerranée, le traumatisme de la perte d'une colonie de peuplement où vivaient près d'un million de français sont autant d'éléments qui peuvent expliquer que, de 1962 à 1999, la guerre d'Algérie a fait l'objet d'un traitement particulier et que sa mémoire a été longtemps occultée ou maquillée.
  • La génération des combattants de 1962 arrive en 1999 à l'âge mûr. Certains acteurs ont disparu parmi le personnel politique de l'époque, comme François Mitterrand. La génération des enfants de harkis, de soldats engagés ou appelés, de combattants algériens s'emparent à ce moment-là de la question pour lever le tabou de la mémoire de la guerre d'Algérie.
  • Longtemps cachée, honteuse, la mémoire de la guerre d'Algérie fait son grand retour au début des années 2000, ouvrant le temps des procès, ouvrant aussi le temps d'un « trop plein » de mémoires qui rend difficile le travail de l'historien.

« L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie » est un sujet qui crée d’emblée une tension entre deux concepts : le concept d’« histoire » et le concept de « mémoires » :

  • L’histoire implique une démarche intellectuelle et scientifique reposant sur l’analyse critique, le recoupement des sources, la mise à distance des faits, pour établir une chronologie et une explication « objective » du déroulement d’un fait.
  • Les mémoires individuelles ou collectives ne sont pas du même ordre. Elles reposent sur le souvenir vécu ou transmis et sont soumises à la sélection, à la subjectivité ou à l’oubli.

Les mémoires de la guerre d’Algérie sont un sujet de réflexion historique original. Ce qui en fait l’originalité par rapport au même sujet sur la Seconde Guerre mondiale tient au fait qu’il n’y a pas eu de reconnaissance du statut de guerre. Pendant plusieurs décennies, on a parlé des « événements » d’Algérie et un tabou a entouré leur déroulement et l'implication des populations françaises et algériennes.
La guerre d’Algérie constitue encore aujourd’hui un enjeu politique : la polémique récente autour du « rôle bénéfique de la colonisation » montre là aussi que « le passé ne passe pas ». C’est donc un sujet sensible dont nous allons voir les enjeux.

Pendant plusieurs décennies, la guerre d’Algérie reste en France une « guerre sans nom ». On en parle en termes d’ « événements » pour éviter d’en désigner la réalité militaire. De fait, elle ne devient pas un objet d’étude pour l’historien. En revanche, en Algérie, la commémoration de la guerre est omniprésente dès la fin de la guerre et est soumise à un encadrement strict de la mémoire.

1. La liquidation
a. Une guerre « sans nom »

Officiellement, la guerre d’Algérie reste une « opération de maintien de l’ordre » sur le territoire français (l’Algérie étant divisée jusqu’en 1962 en trois départements français).

On a célébré les poilus de la guerre de 1914-1918 et les résistants à l’occupation allemande (à travers le mythe résistancialiste construit dans les années 1950-1960 par les gaullistes et les communistes) après les Première et Seconde Guerres mondiales. La guerre d’Algérie n’offre en revanche aucune lecture positive et ne donne aucune occasion de renforcer le sentiment national.

La mémoire nationale est elle-même écartelée entre différents groupes : les militaires de carrière, les pieds-noirs (rapatriés d’Afrique du Nord), les appelés, les harkis, les militants anticolonialistes, la population française résignée à la perte de l’Algérie. Certains continuent de militer activement pour l’Algérie française après la signature des accords d’Évian comme l’OAS (organisation armée secrète).

En Algérie, cette mémoire est fondatrice du régime et destinée à renforcer le sentiment national au point de devenir une mémoire officielle : en Algérie, la guerre de libération nationale est fondatrice de la nation algérienne. Elle légitime la constitution de l’État, la nature du régime et les dirigeants. Dès l’origine, et plus encore depuis 1972, l’État algérien a organisé des commémorations systématiques par tous les biais possibles : discours commémoratifs pour les grands anniversaires (8 mai 1945, 1er novembre 1954, 20 août 1955, 19 mars et 5 juillet 1962), témoignages, romans, nouvelles et poèmes, monuments aux morts, musées et réalisation de films. Cette commémoration célèbre le « sacrifice des martyrs » (chouhada).

b. Amnistier

D’où la volonté de promulguer des lois d’amnistie pour liquider les responsabilités de cette guerre et dans cette guerre, aussi bien du côté français (les circonstances de la naissance de la Ve République ne font rien pour la gloire du pays) que du côté algérien (le régime tente de faire croire à l’unité du peuple algérien alors que les divisions étaient réelles).

Ces lois d’amnistie promulguées entre 1962 et 1968 sont la conséquence directe des termes du cessez-le-feu du 19 mars 1962 : celui-ci impliquait en effet l’amnistie réciproque des actes de violence commis par les deux camps.

Les lois d’amnistie :

  • évacuent la responsabilité des militaires français ;
  • évacuent la responsabilité des groupes hostiles à la décolonisation (notamment les partisans de l’Algérie française) ;
  • interdisent de rappeler les responsabilités condamnés ou pas condamnés pour des actes répréhensibles.

La loi d’amnistie de décembre 1982 réintègre même dans l'armée les officiers généraux putschistes et permet même le réexamen des carrières nécessaires à la perception de l'intégralité des retraites de ces soldats.

2. L'amnésie
a. Une perte de mémoire
  • L'État français ne reconnait pas officiellement les massacres perpétrés

En Algérie, à Sétif, Guelma et Kherrata, les massacres perpétrés ne font l'objet d'aucune reconnaissance officielle.
Le souvenir des événements et de leurs conséquences est occulté, même sur le territoire national.

La répression de la manifestation de la fédération française du FLN à Paris le 17 octobre 1961 fait longtemps l'objet d'un véritable « travail d'oubli ».
Certes, Paulette Péju écrit un récit des évènements d'octobre publié par François Maspero dès novembre 1961. Mais Ratonnades à Paris est rapidement interdit à la vente. Jacques Panijel, tourne Octobre à Paris dès 1961. Il n'obtient son visa d'exploitation qu'en 1973 et sort dans les salles en octobre 2011.

En 1984, Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx évoque les événements et plus précisément Maurice Papon, chef de la police parisienne à l'époque.

Le premier livre important sur le sujet date de 1985 : Les Ratonnades d'octobre : un meurtre collectif à Paris en 1961 de Michel Levine passe inaperçu auprès de la critique et du public.

  • La mémoire algérienne est aussi oublieuse ou sélective

La mémoire algérienne est oublieuse en ce qui concerne le 17 octobre 1961. Les incidents ne font pas partie des priorités du gouvernement provisoire de la République algérienne, qui souhaite surtout à ce moment-là ne pas faire échouer les négociations. La loi d'amnistie, qui absout les forces de police, met un terme à toute revendication pour des décennies.

La mémoire algérienne est aussi sélective lorsque l'État algérien entretient la défiance ou le rejet des Français en annonçant régulièrement des chiffres que les historiens les plus maximalistes ne peuvent confirmer, comme les 45 000 morts du « génocide » de mai 1945 à Sétif, et les 1 500 000 martyrs de 1954 à 1962 (150 000 tués selon le ministère des Anciens Moudjahidine) ou lorsqu'il occulte le rôle des dirigeants écartés du pouvoir ou des autres mouvements de libération. D'une certaine façon, le mythe « résistancialiste » français a déteint sur le gouvernement algérien.

D'autres faits sont généralement occultés par les deux camps, comme le rôle et le poids des français musulmans enrôlés dans l'armée française en tant que soldats (engagés et appelés) ou en tant que supplétifs (harkis, moghaznis) :

  • leur poids : il a toujours dépassé en nombre celui des moudjahidine, pour atteindre un rapport de 6 contre 1 au début de 1961 (210 000 contre 33 000, selon les archives militaires françaises). Même si on les nuance, ces chiffres remettent en question à eux seuls le mythe d’une unanimité nationale autour du FLN-ALN.
  • leur devenir : abandonnés à leur sort et pour beaucoup massacrés après l'indépendance (entre 60 000 et 70 000 selon les études les plus récentes), les harkis ont été rejetés par la France (l'armée française reçut l'ordre en 1962 de rester passive lors des massacres et la métropole n'en accueillit que 42 000, officiellement).

Algériens et Français avaient dans ce cas précis tout intérêt à cultiver un oubli réciproque, au détriment d'un 3e groupe.

b. Le rôle des États

L'État a, en France, créé les conditions de la perpétuation de l’amnésie : ainsi, dans un premier temps, en dépit d’une production abondante de livres de souvenirs, de témoignages, d’enquêtes journalistiques (Yves Courrière, Claude Paillat) ou de livres partisans (notamment pro-Algérie française dans les années 1960), l’histoire de la guerre d’Algérie a été absente des programmes scolaires.

  • L'État et la censure

Beaucoup d'archives sont longtemps restées inaccessibles, ce qui est normal, car la loi de 1979 prévoit un délai de 30 ans avant leur divulgation.

En revanche, l'État a usé de la censure en ce qui concerne les œuvres cinématographiques : l'usage de la torture par l'armée française contre le FLN et les communistes est dénoncé dans le film La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo dès 1965. Ce film a été censuré jusqu’en 1971, puis jusqu’en 2004. De même, Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier, tourné en 1972, a été censuré 2 ans.

  • Le statut de l'historien en Algérie

À cause de leur caractère sensible, les recherches des historiens algériens sont placées sous le double contrôle du gouvernement et de l’association des anciens moudjahidine. Dès le début des années 1970, le président Boumedienne proclame que l’histoire de l’Algérie doit être écrite par des algériens et crée des institutions ayant pour vocation de rassembler des archives, des documents et des témoignages oraux pour raconter la guerre de Libération et répondre au succès des livres d'Yves Courrière en France.

En 1989, les contraintes sur le travail de l'historien se sont relâchées avec la reconnaissance de la liberté d’expression par la nouvelle constitution. Mais la guerre civile, qui éclate en 1992, fait de nouveau du travail de l'historien un enjeu politique de premier plan pour les groupes islamistes et le nouveau pouvoir militaire.

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