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Les supplications à la porte, thème traditionnel de la poésie alexandrine, dans l'élégie 2

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Dans les vers 5 à 14 de l'élégie 2, Tibulle s'adresse à la porte de Délie, ce qui peut étonner notre sensibilité moderne.
Mais cette mise en scène littéraire est un motif traditionnel de l'élégie alexandrine, portant le nom de « paraclausithuron », c'est-à-dire « la prière à la porte close ».
Ce motif est pour le poète un prétexte à exercer sa virtuosité : ne pouvant s'adresser directement à elle, il compose un poème à l'intention de la femme qu'il aime.
Il est à noter que dans l'élégie précédente, Tibulle se glorifiait d'être le gardien de la porte de Délie : « et sedeo duras janitor ante fores » (v. 56). Il semble bien qu'à présent les rôles soient inversés !
1. La supplication à la porte
L'élégie commence in medias res avec cet ordre : « Adde merum » (v. 1). Le poète s'enferme à l'intérieur de chez lui pour noyer son chagrin dans le vin (v. 1-4). Puis, par un retour en arrière, il explique la raison de son dépit (v. 5-14) : c'est à l'extérieur qu'il s'est heurté à la porte close de sa maîtresse.
Ne pouvant s'adresser à sa maîtresse, le poète apostrophe à défaut sa porte au moyen d'une personnification poétique. C'est ainsi qu'il reporte sur la porte les traits de caractère de Délie ou de son mari, comme l'atteste les hypallages « dura janua firma sera » (v. 6) et « janua difficilis domini » (v. 7). Dans ce dernier, l'adjectif qualificatif « difficilis » peut aussi bien s'accorder avec le nom « janua » que le nom « domini », provoquant la confusion, la superposition de l'un et de l'autre.
L'apostrophe se traduit d'abord par l'anaphore de « Janua » située deux fois en début d'hexamètre (v. 7 et 9) et scandant les supplications du poète. D'ailleurs, « janua » est un mot pied qui correspond à un dactyle. Ensuite l'omniprésence du pronom personnel de la deuxième personne du singulier (« te », v. 7 ; « te » v. 8 ; « tibi », v. 11 ; « te », v. 13).
Aux menaces comminatoires au subjonctif présent (« verberet », v. 7 ; « petant », v. 8) succèdent les prières et les appels à la bienveillance, toujours au subjonctif présent (« pateas uni mihi », v. 9 « neu sones », v. 10), puis finalement les excuses où le poète s'avance hésitant (« dementia nostra », v. 11 ; « meo », v. 12 ; « peregi », v. 13 ; « darem », v. 14) dans l'attente d'un pardon improbable (« ignoscas » v. 12).
La fin de l'apostrophe est un appel aux souvenirs communs (« te meminisse » v. 13) où se fait jour la complicité d'autrefois avec la porte. Une offrande propitiatoire aux jambages de la porte clôt la supplication : « cum posti florida serta darem » (v. 14).
2. Le symbolisme de la porte
La porte (« janua ») est pleine de symboles. Comme Janus, le dieu aux deux visages, auquel elle est liée par l'étymologie, la porte est à la fois tournée vers l'extérieur et l'intérieur. Elle est une frontière infranchissable. Ici, le poète adopte le point de vue interne : presque pas de références à l'intérieur de la demeure où le poète n'a pas accès, à l'exception de la barre qui ferme la porte (« fixo dente », v. 18) et du lit (« molli... lecto », v. 19), objet du désir de l'amant. Le poète est essentiellement confronté à un environnement extérieur hostile (« imber », v. 7 ; « fulmina », v. 8 ; «  hibernae frigora noctis », v. 31 ; « imber » v. 32).

La porte est également le gardien farouche de l'enfermement de Délie (« custodia saeva », v. 5). Toute l'incertitude pour le poète est de savoir si cette claustration est volontaire ou non. Il interprète d'ailleurs le silence de la jeune femme non pas comme l'expression d'un refus, mais d'une crainte : Tibulle veut croire que Délie l'aime toujours.
La porte est priée de s'ouvrir au poète, et à lui seul : les coupes de l'hexamètre isolent « uni » (v. 9). Les outils de prédilection du poète élégiaque restent ses plaintes (« querellis », v. 9) et sa voix (« voce », v. 13).

3. Le poète élégiaque et la société romaine
Cette élégie légère résonne comme un appel à l'adultère, ainsi qu'en témoignent tous les éléments qui renvoient au vol ou à la fraude (« neu furtim... sones », v. 10 ; « falle », v. 15 ; « nullo... sono », v. 20 ; « nutus », v. 21 ; « abdere », v. 22). Le mari est ridiculisé et la porte doit jouer le rôle de complice. Le poète affirme péremptoirement que Vénus protège les hommes et les femmes adultères, mais il faut garder à l'esprit qu'il vit à une époque de restauration religieuse et morale. Auguste est sur le point de faire promulguer des lois sévères punissant l'adultère. Or Délie est certainement une femme mariée (élégie 6), même si elle est de condition inférieure. Dans ce contexte, son amour avec Tibulle apparaît comme un amour impossible.

De plus, dans cette supplication à la porte, il y a quelque chose d'humiliant pour le poète. Les rôles sociaux se renversent, la femme l'emporte sur l'homme qui perd ici toute dignité dans le sacrifice amoureux, même si, comme la femme, il doit manifester une certaine audace et un certain courage (« audendum est » et « fortes », v. 7).

Le poète élégiaque est définitivement en marge de la société romaine, de ses conventions et de ses lois. Tibulle se distingue ici d'autres poètes élégiaques de sa génération, qui voient dans la supplication à la porte l'image du siège amoureux, image plus virile et plus guerrière :

« J'ai beau t'adresser mes prières, portier ; restes-tu de fer en les écoutant. Ta porte renforcée de chêne dur, demeure insensible. Quand une cité est assiégée, on ferme les portes de la ville et leur protection est utile : en pleine paix, quelles armes crains-tu ? »
(Ovide, Les Amours, 1, 6, 27-30.)

L'essentiel

Face à cette figure imposée, le paraclausithuron, Tibulle reste somme toute assez conventionnel et ne se distingue guère des autres poètes élégiaques. Le paraclausithuron est parfois parodié dans la comédie (Plaute, Stichus, 2, 1) ou dans la satire (Juvénal, Satires, 9).
Mais, là où les poètes comiques ou satiriques ne voient que passion ridicule et artifice littéraire, les poètes élégiaques trouvent dans la porte close un symbole de la souffrance amoureuse.
Ovide rappelle le mythe tragique d'Iphis, amoureux éconduit qui se donne la mort sur le seuil de la cruelle Anaxarète (Métamorphoses, XIV, 698-764). On trouve d'autres exemples du motif du paraclausithuron chez Catulle (Carmina, 67) ou Properce (Elégies, 1, 16).

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