L'essentiel
La puissance commerciale japonaise se fonde sur un
système original associant production, investissement et
commerce. Les sogo shosha permettent à l'économie
nationale de pratiquer une politique financière active
s'appuyant sur des investissements massifs dans les
économies des autres pays industrialisés. La
capacité de production est mise au service de
l'exportation.
Toutefois, le « miracle économique
japonais » longtemps vanté par les
économistes a subi une récession importante
pendant les années 1990. A cette occasion encore,
le Japon a montré son extraordinaire capacité
d'adaptation.
1. Une activité commerciale internationale et offensive
a. Une grande nation commerçante
Le Japon a rompu depuis bien longtemps avec la logique
d'isolement. Sa situation asiatique et pacifique lui
confère une importance stratégique autant
qu'économique. Depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale, l'économie japonaise a besoin de multiplier les
échanges. L'importation de matières
premières, insuffisantes dans le pays (nourriture et
hydrocarbures, minerais de tout type), coûte cher. Elle
suppose en retour une production élevée et le
recours à l'exportation massive de produits
manufacturés à forte valeur ajoutée
(automobiles, produits électroniques...). Elle impose une
stratégie commerciale offensive, ouverte sur le monde.
b. Une stratégie mondiale
La puissance commerciale japonaise repose sur plusieurs
principes :
– protéger le marché intérieur en
s'appuyant sur 126 millions de consommateurs
(barrières douanières, incitation à
consommer nippon) ;
– exporter grâce à la connaissance des
besoins des marchés mondiaux afin de fournir une offre
directement adaptée à une demande importante.
La stratégie actuelle vise à privilégier
les échanges entre le Japon et les pays
industrialisés (Amérique du Nord, Union
européenne, et dans une moindre mesure l'Amérique
du Sud, notamment le Brésil) tout en jouant le jeu de la
complémentarité des échanges asiatiques.
L'Afrique est quasiment délaissée.
Les produits manufacturés représentent
l'essentiel des exportations (97 % du total). Depuis
plusieurs années, la balance commerciale est
excédentaire. En 1992, les exportations japonaises
atteignaient 160 milliards de dollars.
2. Les fondements du succès commercial
a. Une politique d'investissement au profit du dynamisme
économique
La création de filiales à l'étranger par les
grandes entreprises japonaises (Europe, Asie, Etats-Unis) a
favorisé les investissements dans certains secteurs
d'activités. L'investissement est orienté vers les
industries de haute technologie, la finance, l'assurance et les
placements immobiliers. Les entreprises disposent d'une
capacité d'investissement énorme en raison du taux
d'épargne élevé des Japonais (17 %
en 1996). Les investissements doivent constituer plusieurs
types de capitalisation (éducation, retraite, logement,
impôt) pour pallier l'absence de couverture sociale. Les
banques disposent ainsi de sommes gigantesques disponibles pour
leurs investissements. L'importance financière du pays est
perceptible par l'attention que les économistes et les
politiques accordent à la bourse de Tokyo et à
l'évolution de l'indice Nikkei. Avec le ralentissement des
activités dans les années 1990, les
investissements à l'étranger ont fortement
fluctué (67 milliards de $ en 1989, 36
en 1993, 40 milliards en 1994). La hausse du yen a
également doté le pays d'un instrument puissant de
domination financière à l'échelle mondiale.
b. Une structure commerciale efficace autour des sogo shosha
fortifiée par ses capacités d'adaptation
Les sogo shosha sont des sociétés dont
l'activité repose sur le commerce. Chargées de
recueillir des informations économiques, elles placent les
produits au moment opportun sur les marchés. Ces
sociétés s'inscrivent dans une structure
d'entreprise complexe et représentent un pôle
important du système économique avec les
entreprises et les banques. Elles contribuent à la
souplesse et à l'efficacité d'un mode de production
et d'échanges qui concentre en permanence ses
activités sur les secteurs les plus dynamiques et les plus
rentables. Pour maintenir cette adaptabilité aux
conditions du marché international, elles utilisent
largement le système de la sous-traitance.
3. Les fragilités japonaises maîtrisées par
ses capacités d'adaptation
a. Le déséquilibre des échanges
dominé par la dépendance énergétique
Le problème principal est lié à la double
dépendance énergétique et de matières
premières (60 % du total des importations pour le
pétrole [27 %], les autres produits
énergétiques [16 %] et les matières
premières) et alimentaires (12 %) du Japon. En
dépit de cette dépendance en approvisionnement
énergétique, en minerais et en produits
alimentaires, le Japon présente un solde extérieur
largement positif en 1996 (plus de 60 milliards de
dollars). Ce solde a toutefois diminué sensiblement par
rapport à la période 1993-1995 où il
dépassait les 100 milliards de dollars.
b. Le coût humain de l'adaptation nippone aux conditions
économiques internationales
Les conditions propres au dynamisme économique et
commercial du Japon (hausse du yen, investissements massifs,
spéculations foncière et boursières)
créèrent une « bulle
monétaire ». Les pratiques spéculatives
incontrôlées entraînèrent un
mécanisme provoquant l'éclatement de la
« bulle ». La crise bancaire et la
récession économique qui suivirent pendant la
décennie 1990 entraînèrent des
faillites, des licenciements, la réorganisation et la
restructuration de l'appareil productif. Si certains ont
été laissés pour compte, l'économie
japonaise a montré sa capacité d'adaptation en
créant plusieurs centaines de milliers d'emplois au milieu
de la décennie 1990.