Normes sociales, normes juridiques

Les normes sociales sont en quelque sorte la mise en application des valeurs d'une société. Elles précisent ce qui est juste, ce qui doit être fait, ce qui est indigne, etc. Les normes sociales orientent les actions des individus, en leur proposant des manières d'agir et de penser qu'ils ont acquises lors de la période de socialisation.

L'origine des normes communément admises est souvent difficile à établir. Le système de valeurs des sociétés repose en effet sur un ensemble de croyances, de traditions et d'institutions.

Cependant, la constitution des normes est souvent le fait d'« entrepreneurs de morale » qui indiquent les bonnes attitudes à adopter et réussissent à les généraliser. Parmi ces « entrepreneurs », il faut noter le poids des institutions comme l'Eglise, l'école, le corps politique, etc. La légitimité de ces institutions à dire la norme est attestée par la position sociale, par le diplôme ou par le mandat public de ses membres.
 

Ces institutions ne peuvent cependant pas stabiliser les normes et valeurs du groupe. Chacun conserve en effet une part d'interprétation des normes, du fait de marges d'autonomie importantes.

Ensuite, les mœurs et coutumes évoluent lentement mais régulièrement au cours de l'histoire. N. Elias a ainsi montré que la pudeur était un construit social datant seulement du 19^e siècle ou que l'usage d'une fourchette pour manger convenablement n'allait pas de soi au Moyen Age. Depuis ces dernières décennies, la société française s'est de même transformée, en adoptant des normes familiales nouvelles, en améliorant la place des jeunes, etc.

Enfin, les normes se modifient sous l'impulsion du progrès technique. Les progrès de la médecine, et notamment la généralisation de la pilule, sont ainsi à l'origine de la libéralisation des mœurs en matière sexuelle. L'ensemble de ces phénomènes fait que les normes évoluent en permanence : on parle alors de changement social.

Pour distinguer les termes de normes et de règles, il faut faire référence à la forme de la sanction. La sanction juridique est officiellement organisée par des institutions, au contraire de la norme sociale qui reste informelle dans la plupart des cas. De plus, la règle juridique est générale et impersonnelle : elle est donc essentiellement abstraite. Les règles juridiques résultent d'une écriture des normes sociales existantes. On peut ainsi distinguer trois origines possibles du droit : la coutume, la jurisprudence ou la loi.

Les effets de ces règles juridiques sont diversement interprétés : pour Weber, cela permet une prévisibilité synonyme d'efficacité et d'absence d'arbitraire. Pour Bourdieu, le droit est l'imposition d'un discours dominant, une forme de violence symbolique parmi d'autres.

Il semble évident que les normes juridiques découlent de l'existence des normes sociales. Le PACS (pacte de solidarité) ne fait ainsi que prendre en compte au plan juridique une réalité sociale nouvelle, celle de l'existence acceptée de couples homosexuels. Une norme juridique ne précède donc pas la norme sociale. La transposition des normes sociales en règles de droit ne va cependant pas de soi. Il s'agit avant tout d'une négociation entre les différents groupes sociaux concernés, donnant lieu à de vifs débats.

L'actualité nous fournit de nombreux exemples de la difficulté de mêler éthique, mœurs et droit. En matière bioéthique, notamment, quel statut accorder à l'embryon humain ? Quel encadrement proposer pour le clonage animal ? Ces questions ne sont pas encore tranchées juridiquement pour l'instant.