Étudiant les différentes formes de discordes
possibles, G. Simmel constate que la fonction des conflits
est unique : il s'agit de rétablir à terme
l'unité du groupe, qui
a été rompue provisoirement. De la sorte, le
conflit assure tout à la fois la cohésion du
groupe et le changement social. Les conflits se
manifestent aujourd'hui principalement par des mouvements
sociaux.
1. L'émergence des mouvements sociaux
a. De nouvelles formes de conflits
Le travail était la source essentielle des
conflits dans la société industrielle. Dans
une société
« post-industrielle » en revanche,
les mouvements sociaux
sont en lutte non pas contre un groupe dominant ou pour
défendre une position économique, mais pour
contrôler les orientations sociales de la
société ou proposer de nouvelles valeurs
culturelles. Il peut s'agir par exemple de
défendre ou d'améliorer la place des jeunes
et des étudiants dans la société, en
promouvant de nouveaux droits
spécifiques.
L'économie et le travail passent donc au second
plan dans ces nouvelles formes de conflits.
Par extension, on parlera de mouvements sociaux pour
qualifier toute action collective
revendicative en faveur d'une cause
matérielle ou immatérielle.
b. De nouveaux modes d'organisation collective
Les luttes sociales apparues dans les années 1960-1980
reflètent bien cette évolution : elles
tendaient à changer la société
dans son ensemble, et n'étaient pas de simples
mouvements de mécontentements. Quatre mouvements
sociaux sont souvent répertoriés : les
luttes étudiantes,
régionalistes, antinucléaires et
féministes. Leurs
caractéristiques étaient de rassembler des
groupes sociaux divers de manière assez
discontinue, sans être véritablement
institutionnalisés dans une organisation solide ou
un parti.
Les mouvements féministes ont par exemple eu un
double objectif : faire progresser les droits des
femmes, notamment dans l'accès au travail et le
choix libre de la procréation, mais aussi et
surtout modifier les rapports entre les deux sexes, vers
plus d'égalité, sans domination des uns sur
les autres. Le projet était donc bien la
transformation en profondeur de la
société.
2. L'action collective en question
a. Mobilisation collective et groupes de pression
Pour autant, une ambiguïté persiste
aujourd'hui : les nouveaux mouvements sociaux
sont-ils véritablement en lutte pour faire
évoluer la société ? Il peut
tout aussi bien s'agir de groupes de pression,
plus soucieux de préserver une position sociale
acquise ou plus intéressés par la
préservation d'une qualité de vie
menacée, que de transformer véritablement
la société. Combien de personnes se
découvrent ainsi écologistes quand elles
apprennent qu'une centrale nucléaire s'installera
à proximité de leur habitat ?
En outre, l'importance réelle de ces mouvements
sociaux pose parfois problème. Certains
disparaissent rapidement une fois le problème
réglé ou moins médiatisé.
D'autres deviennent moins populaires (c'est le cas de la
lutte contre le racisme qui était plus fort dans
les années 1980-1990).
b. Les stratégies de « passager
clandestin »
L'autre question récurrente reste celle de
l'investissement réel des individus dans de
tels mouvements sociaux. M. Olson a montré que
l'existence objective d'un groupe d'individus aux
intérêts communs n'entraîne pas
automatiquement l'apparition d'actions collectives. Par ailleurs,
à mesure que la taille du groupe augmente, la
probabilité d'action commune décline. Une
analyse coût/avantage justifie souvent
l'intérêt de la non-participation
individuelle. En effet, l'individu profite alors des
actions d'autrui, sans avoir lui-même à
s'engager. La stratégie la plus efficace du point
de vue individuel est donc bien celle du passager
clandestin. Seul problème : lorsque chacun
raisonne de la sorte, il n'y a pas d'action collective
possible.
Pour lutter contre ces phénomènes on peut
alors :
- Proposer une action dont le coût est faible (par
exemple faire signer une pétition).
- N'octroyer les bénéfices de l'action
collective qu'à ceux qui y ont participé
(c'est le cas pour les syndicats en Suède).
- Stigmatiser les personnes qui ne participent pas (ce
qui est plus facile dans un groupe restreint où
les relations sont proches entre les individus).