1. La prise de conscience des dangers de la croissance
a. Le problème de la surexploitation des ressources
naturelles
La croissance des Trente Glorieuses doit être
appréhendée à travers la multiplication des
biens de production et de consommation. C'est l'avènement
de la société de consommation, véritable
ère de l'abondance. Mais cette abondance a provoqué
une surexploitation des ressources naturelles, sans aucun souci
d'économie. Il faut savoir que sur la base des chiffres de
croissance des PIB enregistrés au cours des
années 1950-1960 et sans effort de réduction
de la consommation énergétique, cette croissance
aurait conduit le monde à extraire et consommer de l'ordre
de 20 milliards de tonnes de pétrole à la fin
du XX
e siècle.
Ce chiffre aurait été le double,
40 milliards, si les PVD avaient entrepris, même
partiellement, d'imiter les pays avancés. Or,
en 1992, la production et la consommation mondiale
s'élevaient à 3,169 milliards de tonnes
seulement, soit sept fois moins que les prévisions
faites à la fin des années 1960. On comprend
mieux les limites de la croissance, mais aussi
l'impossibilité d'un décollage massif des PVD.
b. Une véritable remise en cause de la croissance
En regard des prévisions pessimistes sur
l'épuisement des matières premières, on a
assisté, à la fin des années 1960,
à une remise en cause de la croissance, au nom des
nuisances et de la pollution qu'elle générait.
Cette prise de conscience du déséquilibre
écologique dû à la croissance date notamment
de 1972, lorsque se tient, à Stockholm, la
première conférence mondiale sur l'environnement. A
la même période, le Club de Rome et le MIT
(Massachusetts Institute of Technology) publient des rapports
prônant un ralentissement de la croissance, voire
«
la croissance zéro » dans
la crainte des désordres qu'elle entraîne, notamment
dans le domaine urbain.
En 1971, les experts du club de Rome publient ainsi un
rapport intitulé « Limits of
growth ». C'est également le moment où
débutent les interrogations sur les effets de la
croissance sur l'environnement : entre 1945
et 1963, on a créé plus de 200 produits
différents (sans compter les dérivés) pour
tuer les insectes et les mauvaises herbes, c'est-à-dire
un par mois. On commence donc à réfléchir
sur les dangers du productivisme à outrance.
2. L'essoufflement du système fordiste
a. La fin d'un modèle de développement ?
Pour certains, la crise actuelle, loin d'être un accident,
serait une sorte de « grande panne »
traduisant la fin d'un modèle de développement. La
fin des années 1960 est marquée par
l'épuisement des gains de productivité qui avaient
fondé, grâce à la baisse
régulière des prix des biens consommation qui en
résultait, la croissance des Trente Glorieuses. Dans le
même temps, l'apparition et le développement de
nouvelles technologies (nucléaire, informatique, industrie
spatiale, etc.) ouvrent la voie à de possibles
réductions de main-d'œuvre grâce à des
changements radicaux dans la façon de produire. Ainsi, le
traitement de texte va permettre la disparition des pools de
dactylographes dans les grandes entreprises tertiaires. On a vu
également que c'est le moment où l'on assiste
à une remise en question du modèle de croissance
à travers notamment le développement des tensions
sociales. Un véritable malaise ouvrier naît dans les
années 1960 et se développe dans les
années 1970 : le travail manuel qui avait perdu
peu à peu sa force attractive avec l'émiettement du
processus productif (taylorisation) devient même
répulsif.
b. Un certain essoufflement de la consommation de masse
Il existe plusieurs raisons à cet essoufflement. Tout
d'abord, le taux d'équipement des ménages en
appareils électroménagers, en radio,
télévision, et en automobiles connaît un
tassement. On arrive, pour la plupart de ces
éléments de confort, à des taux voisins de
la saturation. Ainsi, les taux d'équipement en
réfrigérateur ou téléviseur des
ménages français atteignent 100 %. On
dépasse les 80 % pour les lave-linge, l'automobile ou
encore la télévision couleur. Or le marché
du renouvellement ne peut être aussi important que celui du
premier équipement, notamment en raison de
l'amélioration de la qualité des produits. Ainsi,
la construction automobile, qui avait tiré la croissance
du XX
e siècle, comme le chemin de fer
avait tiré celle du XIX
e siècle, ne
peut plus assumer cette fonction.
Par ailleurs, l'essoufflement du dynamisme démographique
des pays à haut niveau de vie prive les industries de
masse de débouchés importants.
Dès 1964, les sociétés
industrialisées adoptent un nouveau comportement
démographique. On assiste en effet, à un recul
sensible de la fécondité aussi bien aux
Etats-Unis qu'en Europe. En France, le nombre moyen d'enfant
par femme, qui était de 2,9 en 1964, tombe
à 2,3 en 1969. Or cette diminution de la
natalité, commune aussi bien aux sociétés
industrialisées libérales que socialistes, a des
conséquences importantes : la croissance
économique semble en effet peu compatible avec le
malthusianisme démographique.
L'essentiel
La fin des années 1960 voit naître un certain
nombre d'interrogations sur la croissance économique que
vivent les pays industrialisés. On assiste à une
prise de conscience des dangers liés à la
surexploitation des ressources naturelles mais également
à des interrogations sur les limites du système
productif industriel, fondé avant tout sur la
consommation de masse.