Les enjeux de la décolonisation française
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La volonté de maintenir l’Empire comme gage de puissance se heurte aux pressions internationales et aux revendications nationalistes.
Un élément de puissance
Depuis le XIXe siècle, la République défend l’idée du progrès apportée par la colonisation et affirme l’évidente supériorité des valeurs françaises. En 1944, à Brazzaville, de Gaulle rappelle la puissance et la mission universelle de la France. Au lendemain de la guerre, la France compte sur l’empire colonial pour retrouver son rang. En 1957, François Mitterrand écrit : « Sans l’Afrique, il n’y aura pas d’histoire de France au XXIe siècle ».
En 1946, la Constitution de la IVe République instaure l’Union française qui associe la France et ses possessions sur la base de « l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race et de religion ». Dans les faits, la domination de la métropole et ses intérêts sont préservés.
L’intransigeance française est ébranlée par …
… les nationalismes :
La
France, affaiblie par la guerre, montre qu’elle
n’est pas invincible. Les revendications nationalistes
nées avant la guerre se durcissent, soutenues par les
Japonais ou les Grands. Ainsi, en 1943, Fehrat Abbas lance un
manifeste du peuple algérien pour réclamer un
Etat autonome. Au Maroc, dès 1944, les nationalistes
s’unissent dans le parti de l’Istiqlal
(« Indépendance ») tandis que
l’audience du Néo-Destour algérien
progresse en Algérie.
… la communauté
internationale :
La France se heurte aussi à l’anticolonialisme de
l’URSS et des Etats-Unis, au nom du principe de
l’émancipation des peuples colonisés.
L’ONU, dans sa Charte, pose
« l'égalité des droits des peuples et
leur droit à disposer
d’eux-mêmes ».
La décolonisation n’est donc pas un
problème strictement français. Elle devient une
question internationale.
La France est prête à des concessions : en 1944, la conférence de Brazzaville, réunie par le général de Gaulle, a préconisé des mesures pour améliorer le sort des peuples colonisés. Mais les Français excluent toute idée d’indépendance.
La guerre d’Algérie emporte la IVe République
A partir de 1955, les gouvernements successifs
de la IVe République se
révèlent impuissants à
résoudre la question algérienne. La
France s’enfonce dans une guerre coûteuse, qui
soulève de plus en plus de critiques. Le régime
est discrédité.
Le 13 mai 1958, les partisans de l’Algérie
française s’emparent du pouvoir à Alger,
sonnant le glas de la IVe République. Le
général de Gaulle est rappelé au pouvoir
et le 1er juin,est investi des pleins pouvoirs pour
six mois. Il s’attelle à sa nouvelle
tâche : la rédaction d’une nouvelle
constitution.
La guerre
d’Algérie renforce le régime
présidentiel de la Ve République
L’Algérie
s’engage progressivement dans la voie de
l’indépendance, mais une
indépendance douloureuse. Les
accords d’Evian signés
(18 mars 1962), le problème
algérien pèse encore sur la vie politique
française. Profitant d’un attentat
perpétué par l’OAS au Petit-Clamart (22
août 1962), de Gaulle propose une réforme de la
Constitution pour renforcer le pouvoir du président de
la République : le chef de l’exécutif
est désormais élu au suffrage universel direct.
La réforme constitutionnelle de 1962 est un des derniers
avatars de la guerre d’Algérie.
La place des colonies dans les échanges extérieurs français est très prépondérante
La quasi-totalité des importations agricoles en provient tandis que les colonies absorbent 40% des produits manufacturés. Le débouché colonial est essentiel pour certaines branches comme l’industrie cotonnière, l’industrie automobile ou l’industrie huilière. Depuis 1892, le tarif Méline protège ce marché par une loi douanière qui assimile les colonies et la métropole.
Les colonies, réservoirs de matières premières et de main d’œuvre : produire pour la France
L’industrialisation est réduite voire inexistante. La mise en valeur est orientée vers la production des denrées tropicales et des matières premières que la France consomme en quantités croissantes (thé, coton, caco, café, caoutchouc …) et vers l’exploitation minière.
Les cultures d’exportation et l’exploitation des matières premières minières ont été développées au détriment des cultures vivrières dont vivent les paysans des pays colonisés. Les colonisateurs français ont souvent eu recours à la spoliation des terres, comme en Algérie, voire au travail forcé, surtout en Afrique noire.
Une véritable division internationale du travail s’est mise en place, en faveur de la métropole. On comprend donc mieux l’enjeu économique que représentent les colonies au lendemain de la guerre.
En colonisant, les Français ont le sentiment d’apporter les « bienfaits de la civilisation ». Mettre fin aux guerres locales, développer l’enseignement, ouvrir des dispensaires et des maternités, autant de progrès qui justifient, selon eux leur domination et leur maintien.
La puissance, le prestige et le fait colonial ne sont pas réellement menacés au lendemain de la guerre en France.
Une idée battue en brèche
Dans la métropole, André Gide, dans Voyage au
Congo, en 1927, dénonce les méfaits des
Européens en Afrique noire.
Le regard posé par les Français et plus
généralement les Européens sur les mondes
dominés évolue aussi. La vogue de
l’art nègre dans les
années 1920 en avait apporté une preuve : il
inspire de nombreux artistes comme
Picasso.
Le Sénégalais Léopold Sédar
Senghor invente alors le concept de
négritude, volonté de retrouver
les sources originelles de son identité et de refuser
les normes de la société occidentale.
Une fois les décolonisations achevées, la seule
issue de la France est d’ouvrir une politique de
coopération pour maintenir son influence dans son ancien
empire colonial.
La France, acteur majeur de la mise en œuvre d’un nouvel ordre économique international
Forte de son passé colonial, la France revendique un rôle moteur dans les relations Nord-Sud. Elle obtient que ses anciennes colonies bénéficient d’un régime en faveur de la CEE (accords et Yaoundé en 1963 puis de Lomé). Elle tente de jouer un rôle actif dans le dialogue Nord-Sud lors des conférences de Paris (1975), de Cancun (1981) et en enfin de Cotonou (2000). Ces accords établissent des relations privilégies entre les pays de la zone ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) et l’Union Européenne.
Elle apporte son soutien économique : en 2003, la France se place au 3e rang mondial pour les sommes distribuées au titre de l’Aide Publique au Développement (ADP) ; plus de la moitié de cette aide est destinée à ses anciennes colonies d’Afrique. Elle prône également l’allègement de la dette des pays pauvres.
Une politique de coopération aux multiples visages mais parfois ambiguë
Les anciennes colonies sont également liées à l’ex-métropole par des accords signés au moment des indépendances. La coopération revêt plusieurs aspects : présence de bases militaires, envoi de conseillers techniques et d’enseignants, aide au développement. Pendant longtemps, la France a garanti à 14 pays d’Afrique une monnaie alignée sur le franc français ; en 1994, elle a imposé une dévaluation du franc CFA. Mais le Trésor français garantit encore aujourd’hui cette monnaie.
Ces relations peuvent parfois sembler ambiguës, notamment en Afrique. Si de nombreuses interventions armées ont permis de limiter les ambitions de la Libye du colonel Kadhafi (au Tchad), d’autres sont apparues comme un soutien à des régimes autoritaires préservant les intérêts français, ceux des sociétés pétrolières françaises, au Gabon par exemple.
Le combat de la francophonie contre l’anglais est aussi celui de l’exception culturelle, enjeu des négociations internationales, tout comme la lutte pour la diversité culturelle, menée aux côtés de l’UNESCO.
L’essentiel
La décolonisation est un
enjeu politique qui se traduit tout d’abord par la
volonté de maintenir l’empire colonial comme gage
de puissance. La politique coloniale de la France qui repose
sur l’universalisme et la restauration de sa puissance
dans le monde se heurte, au lendemain de la guerre, aux
pressions internationales et aux revendications
nationalistes.
Les indépendances, devenues inéluctables, ont des répercussions graves sur les institutions françaises (chute de la IVe République, renforcement de la Ve) et sur la politique intérieure. L’enjeu économique est tout aussi important puisque qu’une véritable division du travail s’est instaurée entre les colonies et leur métropole. Une fois la vague des décolonisations achevée, la France n’a plus qu’une solution : coopérer avec ses anciennes colonies.
La décolonisation difficilement
réalisée a laissé des
traces durables. Mais elle a permis
d’établir une nouvelle idée de la puissance
française sous la forme de la coopération.
Puissance moyenne, la France entend demeurer une puissance
mondiale. Même si l’Europe est aujourd’hui le
vecteur principal de sa puissance, elle prétend jouer un
rôle mondial, à la mesure de son passé de
grande puissance coloniale.
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