Objectif : étudier un genre narratif
court.
1. Observer
a. Identifier le narrateur
La nouvelle est un texte narratif. Il faut donc s'interroger sur
le statut du narrateur dans le texte
: est-ce un
personnage de l'histoire ? un personnage extérieur
à l'histoire ? le récit est-il fait à
la première ou à la troisième
personne ?
Dans Ce jour-là, le récit est fait
à la troisième personne :
« Le petit garçon mit sa petite main dans
celle de son père sans s'étonner. »
(Première phrase.)
b. Repérer les personnages
A la différence du roman, la nouvelle comporte un nombre
de personnages limité, ce qui lui confère une
grande intensité dramatique.
Dans Ce jour-là, on peut distinguer les
personnages qui sont présents dans l'histoire (le petit
garçon, son père, Mme Bufferand, une autre dame)
et ceux dont il est question (la mère, un
« ils » énigmatique).
c. Relever les indices spatio-temporels
En général, dans une nouvelle
(caractérisée par sa brièveté),
l'action se déroule dans un seul lieu et occupe une
durée assez limitée (souvent un jour, voire
quelques heures). Là encore, on cherche à donner au
récit une intensité dramatique.
La nouvelle Ce jour-là se déroule dans un
paysage verdoyant de montagne qui domine l'Isère.
La description de la végétation permet de
comprendre que l'histoire a lieu au printemps (« La
route s'engageait sous les arbres. La plupart étaient
encore sans feuilles. Quelques-uns verdoyaient un peu, des
petites feuilles d'un vert très propre et très
clair. »).
Il n'y a aucune date précise, mais la date de
publication du texte, 1943, nous permet de comprendre que
l'histoire se situe pendant la Deuxième Guerre
mondiale, sous l'Occupation allemande. L'action se
déroule sur deux journées distinctes : le
jour de la promenade et « Le lendemain »
(début du dernier paragraphe de la nouvelle).
d. Etudier le rythme du récit
Le récit peut être mené plus ou moins
rapidement ou lentement. Les nouvelles adoptent souvent le rythme
de la scène, c'est-à-dire que le temps du
récit équivaut au temps de l'histoire (on met
autant de temps à raconter qu'il n'en faudrait pour que la
scène ait lieu).
La nouvelle Ce jour-là comporte deux principales
scènes : la promenade du père et de
l'enfant, ponctuée de phrases de dialogue et la
scène du lendemain, chez Mme Bufferand, lorsque le petit
garçon écoute en cachette la conversation des
deux dames. Sur le plan du rythme du récit, on
relève également une ellipse narrative, juste
avant le dernier paragraphe de l'histoire : entre les
adieux du père le soir et l'enfant qui joue le
lendemain, on ne sait pas ce qui s'est passé. Le
dialogue entre les deux dames va nous l'apprendre, mais
l'ellipse a permis de retarder cette explication et de lui
donner du même coup une force toute particulière.
2. Résumer
Une nouvelle est construite selon un schéma narratif qu'il
faut retrouver pour pouvoir résumer l'histoire. En effet,
réduire un texte à son schéma narratif
permet de sélectionner les actions les plus importantes.
Le schéma narratif comporte les étapes
suivantes :
a. La situation initiale
C'est la situation des personnages au début de l'histoire.
Elle s'inscrit dans un lieu et dans une époque. Dans Ce
jour-là, on comprend qu'il est question d'une famille
(père, mère et enfant).
b. L'élément perturbateur
C'est l'action qui vient bouleverser la situation des personnages
et enclenche le récit. Dans la nouvelle de Vercors, la
promenade inhabituelle du père et du fils permet à
l'action de démarrer.
c. L'action
C'est l'ensemble des péripéties qui
succèdent à l'élément perturbateur.
Dans Ce jour-là, les différentes
étapes de la promenade sont autant de sujets
d'étonnement pour le petit garçon, car elles
rompent avec les habitudes. Ensuite, le retour à la
maison, puis la fuite chez Mme Bufferand et les adieux du
père à son fils constituent les principales
péripéties de l'histoire.
d. La résolution
C'est la dernière action importante de l'histoire, le
dénouement. Dans le texte de Vercors, le moment où
l'enfant entend les dames raconter l'arrestation de son
père constitue la résolution.
e. La situation finale
C'est la situation à laquelle les personnages sont
parvenus au terme de l'histoire. Il est souvent
intéressant de comparer la situation finale à la
situation initiale pour voir quelle a été
l'évolution des personnages. Ici, la situation de l'enfant
s'est considérablement dégradée par rapport
au début de l'histoire, puisqu'il est désormais
seul au monde, orphelin.
3. Interpréter
a. Les discours rapportés
Les nouvelles ont souvent recours au dialogue (discours direct)
caractéristique de la scène (voir ci-dessus I, 4,
« le rythme du récit »). C'est le
cas dans la nouvelle de Vercors qui comporte un dialogue entre le
père et le fils pendant la promenade. De même, il y
a une conversation entre Mme Bufferand et l'autre dame
(écoutée par l'enfant), rapportée au
discours direct et indirect libre. Dans ces deux cas, le discours
rapporté joue un rôle fondamental. Le premier montre
au lecteur l'intimité des liens entre le petit
garçon et son père, de même qu'il traduit
l'émotion du père et le caractère dramatique
de la situation. Le second permet à l'enfant (et au
lecteur en même temps que lui) de deviner ce qui s'est
passé : son père a été
arrêté, tout comme sa mère l'avait
été la veille (« Oui, disait-elle, oui,
lui aussi : il cherchait à apercevoir sa femme dans
un compartiment, ils l'ont reconnu. ») On suppose que
les parents de l'enfant, résistants, ont été
arrêtés pour être déportés.
b. Le point de vue (ou focalisation)
L'étude du point de vue est également fondamentale
pour comprendre toute la portée de la nouvelle. Le point
de vue peut être celui d'un personnage de l'histoire (on
parle alors de
focalisation interne) : des verbes de
perception, des indications concernant les sentiments ou les
pensées du personnage qui observe en seront les indices.
Le point de vue peut être totalement extérieur
à l'histoire racontée, enregistrant les lieux et
les faits de façon neutre et objective (il s'agit dans ce
cas d'une
focalisation externe). Enfin, le point de vue
peut être celui d'un narrateur omniscient, qui
possède une perception illimitée de tout ce qui se
passe, connaît le passé et l'avenir des personnages
(on parle dans ce cas de
focalisation zéro).
Dans Ce jour-là, le point de vue est celui de
l'enfant, comme le montrent certains détails :
« Papa ne disait rien »,
l'énumération des habitudes de promenade, la
description des sentiments de l'enfant (« Le petit
garçon trouva ça drôle »...).
Cela rend l'histoire particulièrement bouleversante pour
le lecteur, qui découvre en même temps que
l'enfant le tragique de sa situation.
c. Le registre dominant
La nouvelle, du fait de sa brièveté, est souvent
dominée par un registre (comique, pathétique,
fantastique, etc.).
Dans la nouvelle de Vercors, les procédés
d'écriture étudiés ci-dessus concourent
à inscrire le texte dans un registre
pathétique. En effet, l'incompréhension de
l'enfant face au comportement inhabituel de son père
évolue progressivement vers la souffrance, la tristesse.
Cette douleur paraît d'autant plus insupportable au
lecteur qu'elle est racontée à travers le
personnage de l'enfant, qu'elle est exprimée par le
biais de son regard et de sa sensibilité d'enfant.
L'essentiel
Pour étudier une nouvelle, il faut observer ses
principales caractéristiques (personnages, cadre
spatio-temporel, narration), résumer l'histoire à
l'aide du schéma narratif, puis donner une
interprétation au texte en s'appuyant sur les aspects
dominants de son style.