L'esprit du capitalisme et l'éthique protestante

Weber part de l’observation que le capitalisme s’est principalement développé dans des régions marquées par l’apparition du protestantisme. Cette hypothèse sera contestée par son collègue Werner Sombart dans les années 20. Il va ainsi chercher à déterminer ce qui caractérise l’ethos protestant.

• Le protestantisme marque une rupture importante dans le fait religieux par rapport au catholicisme. Il résume les valeurs de l’éthique protestante autour de cinq propositions liées les unes aux autres. Premièrement, il existe un Dieu transcendant qui dirige le monde. Ce Dieu a prédestiné chacun au salut ou à la damnation. Le monde a été créé à sa propre gloire. L'homme doit donc travailler en développant les activités humaines qui renforcent la gloire de Dieu. Les choses terrestres, le plaisir en particulier, constitue un péché.

• Cette croyance dans la prédestination, la récompense que constitue le devoir du travail accompli, le behruf, conduit le protestant idéal typique a cherché en permanence toutes les manifestations de son élection par Dieu. Afin de confirmer cette élection, il adopte ainsi un comportement marqué par le calcul et l’ascèse.
Le puritanisme qui caractérise l’ethos protestant correspond au besoin d’exercer une activité professionnelle comme moyen de construire la gloire de dieu sur terre. Les comportements dispendieux et la consommation ostentatoire sont autant de comportements bannis de l’ethos protestant. En étudiant les comportements des sectes puritaines, Weber met en évidence que la réussite professionnelle est un signe de l’élection divine. Seul face à Dieu, en situation de désenchantement du monde qui l’entoure, marqué par l’angoisse de sa non élection par Dieu, le protestant n’a pas d’autre choix que de travailler à la gloire de Dieu. Le comportement ascétique ne va pas se limiter uniquement aux protestants, sinon qu’il va aussi se diffuser au sein de la société sous la forme d’un processus de sécularisation.

Le capitalisme pour Weber est fondé sur l’utilisation rationnelle des moyens de production, et en particulier du travail libre. Le protestantisme en faisant émerger de nouvelles valeurs, va libérer le capitalisme des contraintes qui empêchaient son développement. Weber met en évidence les affinités électives qui peuvent exister entre ces valeurs et l’esprit du capitalisme.

• L’ascétisme protestant en interdisant l’utilisation des richesses de façon ostentatoire, favorise l’émergence des comportements d’épargne et d’accumulation du capital. Le processus de rationalisation de l’activité économique consiste par exemple à considérer la terre comme un capital, ou bien encore pour le marchand à contrôler ses salariés artisans, et à mettre en place une politique commerciale en direction de ses clients. S’enrichir à la gloire de Dieu ne constitue plus un pêché véniel (= sans gravité). Weber met ainsi en évidence que le protestantisme et ses valeurs marquent une rupture fondamentale dans les sociétés occidentales.

• Selon une certaine probabilité, avec l’éthique protestante se sont les rapports à l’argent, le prêt avec intérêt était interdit par la religion catholique, la relation au temps, mais aussi les principes comptables nécessaires au capitalisme, qui évoluent. Le temps devient argent selon le discours de Benjamin Franklin.
L’élection divine permet de lever le tabou de l’argent. Dans la mesure où le protestant cherche à confirmer en permanence son élection par Dieu, il comptabilise en permanence les bonnes et mauvaises choses selon le principe de la partie double. Le calcul rationnel du profit va profiter de ce schéma de pensée en faisant émerger les principes d’une comptabilité financière.
Le protestantisme rend possible la mise en œuvre d’une rationalité de l’action orientée vers la réussite économique comme expression de l’élection par Dieu. Le protestantisme procure les valeurs nécessaires au capitalisme en accordant au profit une valeur morale. Le capitalisme comme le protestant peut alors s’engager dans l’activité de production ayant pour finalité les profits. Il évalue la valeur des investissements réalisés et le retour sur investissement constitué par les profits réalisés. « Ce qui compte, c'est qu'une estimation du capital soit faite en argent ; peu importe que ce soit par les méthodes de la comptabilité moderne ou de toute autre manière, si primitive et rudimentaire soit-elle. Tout se fait par bilans. Au début de l'entreprise : bilan initial; avant chaque affaire : estimation du profit probable; à la fin : bilan définitif visant à établir le montant du profit ». Comme l’affirme Weber, les valeurs protestantes rendent moralement possibles les opérations d’accumulation du capital.