Les historiens s'accordent pour dire que, jusqu'au
18e siècle, les niveaux de vie sont
à peu près équivalents dans toutes les
régions du monde. Le processus de croissance touchant
l'Occident va creuser les écarts et transformer les
économies et les sociétés. Les travaux
d'Angus Maddison offrent une périodisation sur laquelle on
peut s'appuyer.
1. Les étapes de la croissance
a. 1820-1870 : la 1re révolution
industrielle
Cette période inaugure deux siècles de croissance
inégale. Si la croissance reste plus lente que
l'idée de révolution industrielle ne le laisse
entendre, les écarts se creusent. Pendant que le
PIB/habitant progresse à un rythme de 1 % par an sur
la période 1820-1870, l'Afrique et l'Asie voient leur PIB
par tête stagner. La croissance plus dynamique qui
accompagne la mise en place d'un capitalisme industriel
et de marché en Occident lui permet
d'améliorer le niveau d'une population pourtant plus
dynamique avec la chute de la mortalité qui s'amorce en
Europe. Les famines disparaissent progressivement de l'univers
européen. La croissance reste toutefois largement
extensive en Occident même.
b. 1870-1913 : la 2e révolution
industrielle
C'est une période d'accélération de
la croissance et de la croissance démographique
à l'échelle mondiale. Comme la croissance de la
production est supérieure à la croissance de la
population, il s'ensuit une accélération
de la croissance du produit par habitant. Pour autant, des
disparités subsistent et les écarts continuent de
se creuser, notamment avec l'Afrique. Quand le PIB/habitant de
l'Europe occidentale progresse de 1,3 % par an en moyenne
sur cette période, celui de l'Afrique et de l'Asie ne
progresse respectivement que de 0,6 % et 0,4 % par
an.
La seconde révolution industrielle repose sur
l'électricité et les nouveaux secteurs
moteurs : automobile, mécanique, chimie et
aéronautique. La croissance s'appuie alors davantage sur
des gains de productivité.
c. 1913-1950 : guerres mondiales et grande dépression
C'est une période marquée par la guerre, la
crise économique et les politiques
protectionnistes.
La dépression de la fin des années 1920 et des
années 1930 marque un changement des conceptions et
des pratiques économiques. La Théorie
générale de l'emploi, de l'intérêt et
de la monnaie de J.-M. Keynes bouleverse la
théorie économique. Les applications des nouvelles
idées dans le cadre de politiques économiques plus
actives comme le New Deal aux Etats-Unis
ébauchent l'Etat providence.
Néanmoins, les tendances amorcées
précédemment se poursuivent.
d. 1950-1973 : les Trente Glorieuses
La forte croissance des Trente Glorieuses profite à toutes
les régions du monde. Pourtant, les écarts
continuent de se creuser : le PIB/habitant de l'Europe
occidentale progresse de 3,9 %/an. Seule l'Europe du Sud et
certains pays asiatiques – les quatre
Dragons – profitent de cette période pour
réduire les écarts. Le PIB/habitant ne
progresse « que » de 2 % par an en
Afrique et de 2,5 % par an en Amérique du Sud.
La croissance occidentale s'appuie sur des gains de
productivité exceptionnels : la productivité
horaire progresse de 7,69 % par an au Japon, de 5,99 %
par an en Allemagne ou de 5,11 % par an en France.
e. 1973-1992 : vers une nouvelle économie ?
Le premier choc pétrolier marque symboliquement la fin des
Trente Glorieuses. La croissance mondiale ralentit tandis que la
mondialisation s'approfondit.
Les années 1970 et le début des
années 1980 voient la stagflation en
Europe et aux États-Unis : croissance faible,
inflation galopante et montée du chômage en sont les
ingrédients. Les gains de productivité
ralentissent. Les États-Unis retrouvent le chemin de la
croissance à partir de 1993. D'aucuns croient pouvoir
annoncer une nouvelle économie.
Seule l'Asie (poussée par le Japon et les Quatre Dragons)
tire son épingle du jeu avec une progression de 3,2 %
par an de son PIB/habitant. Mais l'Afrique et l'Europe de l'Est
connaissent une régression dramatique avec une baisse de
0,1 % et de 1,1 % par an de leur PIB/habitant sur cette
période.
2. La croissance a transformé les économies et les
sociétés
a. La croissance transforme les économies
La croissance qui s'appuie sur des gains de productivité
transforme les systèmes productifs. Ainsi constate-t-on
à long terme la tertiairisation des
économies. Dans les pays riches, le secteur
primaire ne pèse plus que 2 à 3 % du PIB
et de l'emploi et le secteur des services représente au
minimum 60 % du PIB et de l'emploi.
La structure socioprofessionnelle est
transformée. Le salariat s'impose et les
catégories les plus qualifiées (cadres, professions
intermédiaires) voient leurs effectifs progresser
rapidement. Les effectifs d'employés dépassent
désormais les effectifs d'ouvriers en France.
b. Croissance du niveau de vie et mode de vie
Les gains de productivité au cœur de la croissance,
notamment pendant les Trente Glorieuses, alimentent
l'augmentation du pouvoir d'achat. Cela se
traduit par une augmentation du niveau de vie.
Les famines disparaissent de l'univers occidental.
L'enrichissement général permet aux ménages
de consacrer une part moins importante de leur budget aux
dépenses alimentaires et de dépenser davantage pour
leur santé, leurs loisirs et leur logement. Les
ménages s'équipent en téléviseurs,
réfrigérateurs, machines à laver,
automobiles.... L'Occident entre dans la consommation de
masse.
Le confort du logement progresse : eau
courante, WC intérieurs, salle de bains, chauffage central
équipent aujourd'hui la plupart des logements. La machine
à laver ou le réfrigérateur libèrent
les populations de certaines tâches domestiques. La baisse
du temps de travail libère du temps. Ce sont autant de
manifestations des transformations du mode de vie dues à
la croissance.
L'essentiel
Deux siècles de croissance ont creusé
les écarts entre l'Occident riche et le reste du monde. Si
certains pays semblent bien partis pour rejoindre les pays riches
comme les NPI asiatiques, d'autres tels les pays africains
semblent dans l'impasse et s'appauvrissent, leur croissance
étant insuffisante pour faire face à l'augmentation
de leur population.
Ces deux siècles de croissance ont
profondément transformé les pays riches et leur
système productif. La croissance a augmenté le
niveau de vie de leurs habitants et par voie de
conséquence bouleversé leur mode de vie.