Objectif : étudier les types d'images et les
motifs le plus souvent utilisés dans le recueil.
1. Les types d'images
Baudelaire utilise de nombreuses figures de rhétorique
appartenant à la catégorie des images. Parmi elles,
on trouve des comparaisons, des métaphores et des
allégories.
a. Les comparaisons
Les comparaisons mettent en relation un terme
comparé et un terme
comparant, par l'intermédiaire d'un
outil
de comparaison (
comme,
ainsi que,
avoir l'air de,
ressembler à,
etc.). Ainsi, le célèbre poème
« Le Serpent qui danse »
(« Spleen et idéal », XXVIII)
contient plusieurs comparaisons explicites :
– dans la première strophe, la peau de la femme
aimée est comparée à un tissu :
« Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe
vacillante,
Miroiter la peau ! »
– de la même façon, chacune des
strophes 3, 5, 6, 7, 8 et 9 du poème est
consacrée au développement d'une comparaison
(esprit du poète/bateau qui part ; démarche de
la femme/danse du serpent ; balancement de la
tête/mollesse de l'éléphant, etc.).
b. Les métaphores
La métaphore, comme la comparaison, établit une
relation entre un terme comparé
et un terme comparant, sans recourir
à un outil de comparaison. Dans le poème
cité ci-dessous, une métaphore associe la chevelure
de la femme à une mer pour son parfum, son mouvement et sa
teinte (2e strophe), tandis que les yeux sont
présentés comme des bijoux, pour le type de regard
qui en émane (4e strophe) :
« Sur ta chevelure
profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
[...]
Tes yeux, où rien ne se
révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se
mêle
L'or avec le fer. »
c. Les allégories
L'allégorie représente une idée
abstraite sous les traits d'un être animé. Elle
est souvent développée à travers plusieurs
termes et signalée par l'usage de la majuscule. On trouve
tous ces éléments dans cette strophe de
« Spleen » (« Spleen
et idéal », LXXVIII) :
« Quand la terre est changée en un cachot
humide,
Où l'Espérance, comme
une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds
pourris. »
D'une manière générale, le goût du
poète pour l'allégorie est perceptible dans l'usage
fréquent qu'il fait de la majuscule pour accompagner des
notions telles que la vie, la mort, le destin... (voir notamment
« Les Litanies de Satan »,
« Révolte », CXX et
« Le Voyage »,
« La Mort », CXXVI), mais aussi par le
choix de cette figure comme titre d'un poème :
« Allégorie », « Fleurs
du mal », CXIV.
2. Quelques images récurrentes
Dans Les Fleurs du mal, les images sont
omniprésentes, utilisées pour évoquer toutes
sortes de sujets (le poète, une femme, un paysage, un
état d'âme, etc.) et les termes comparants sont
choisis dans des domaines très divers. Certains motifs
paraissent tout de même privilégiés par le
poète.
a. La métaphore atmosphérique
Elle apparaît dans de très nombreux textes. Cette
métaphore est utilisée, par exemple, à
propos du poète lui-même
(« L'Ennemi ») ou pour évoquer la
femme aimée (« Ciel
brouillé ») :
«
Ma jeunesse ne fut
qu'
un ténébreux
orage,
Traversé çà et là par de brillants
soleils. »
(« L'Ennemi », « Spleen et
idéal », X.)
« Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et
voilés,
Qui font se fondre en pleurs les coeurs
ensorcelés,
[...]
O femme dangereuse, ô
séduisants
climats !
Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas. »
(« Ciel brouillé »,
« Spleen et idéal », L.)
Dans le recueil, de telles images sont souvent employées,
soit pour montrer la coïncidence entre le monde
extérieur et les états d'âme du poète,
soit pour évoquer des époques de la vie (depuis le
printemps, symboliquement associé à la jeunesse,
jusqu'à l'hiver, synonyme de vieillesse et de
décrépitude).
b. Le voyage
Le voyage est l'un des motifs les plus célèbres du
recueil. Il apparaît parfois dès le titre du
poème, de façon explicite ou implicite :
« Bohémiens en voyage »,
« Parfum exotique »,
« Le Beau navire »,
« L'Invitation au voyage »,
« A une dame créole »
(« Spleen et idéal », XIII,
XXII, LII, LIII, LXI), « Un voyage
à Cythère »,
« Le Voyage » (« Fleurs
du mal », CXVI, CXXVI).
Bien souvent le voyage est imaginaire et rendu possible par le
contact charnel avec la femme aimée. Ainsi,
« La Chevelure » possède un
pouvoir de suggestion tel qu'elle transporte le poète
dans des contrées exotiques :
« La langoureuse Asie et la brûlante
Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt
aromatique ! »
(« La Chevelure », « Spleen et
idéal », XXIII.)
Le voyage apparaît aussi comme le moyen d'accéder
à un ailleurs mythique, à un lieu idéal et
indéterminé :
« Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
[...]
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. »
(« L'Invitation au voyage »,
« Spleen et idéal », LIII.)
c. Les animaux
Parmi les images animales utilisées par Baudelaire
(l'éléphant, le vers, l'oiseau, etc.), le chat et
le serpent reviennent souvent. Le nom du premier est
présent dans trois titres, au singulier
(« Le Chat », « Spleen
et idéal », XXXIV et LI) ou au
pluriel (« Les Chats »,
« Spleen et idéal »,
LXVI) ; et il apparaît au sein d'autres textes, par
exemple « Confession » et
« Spleen » (« Spleen
et idéal », XLV et LXXV). Le premier
poème intitulé
« Le Chat » est l'occasion, pour
l'auteur, d'une comparaison entre cet animal et la femme
aimée :
« Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable
bête,
Profond et froid, coupe et fend
comme un dard. »
Le serpent est, lui aussi, souvent évoqué dans
Les Fleurs du mal, où il incarne par exemple
la grâce (« Le Serpent
qui danse ») ou encore la force d'une
étreinte (« Le Beau
Navire ») :
« A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton. »
(« Le Serpent qui danse »,
« Spleen et idéal », XXVIII.)
« Tes bras, qui se joueraient des précoces
hercules,
Sont des boas luisants les solides émules,
Faits pour serrer obstinément,
Comme pour l'imprimer dans ton coeur, ton
amant. »
(« Le Beau Navire »,
« Spleen et idéal », LII.)
Mais les comparaisons animales ne sont pas toujours
mélioratives. Ainsi, une « femme
impure » est appelée « vil
animal » (« Tu mettrais l'univers
entier dans ta ruelle », « Spleen
et idéal », XXV).
L'essentiel
Dans Les Fleurs du mal, les images sont nombreuses et
leurs significations variées. Ainsi, un même
comparant peut avoir, selon les poèmes, une valeur
positive (méliorative) ou négative
(péjorative).