L'art est-il le fruit du travail ou du génie ?
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Savoir si l'art est le fruit du travail ou du génie
- L'art ne peut être produit que par l'homme et dans un but récréatif : l'art est le fruit du génie et n'est pas un travail.
 - Cependant, une oeuvre d'art nécessite aussi un travail, avec ses contraintes.
 - Les oeuvres d'art sont une richesse spirituelle et culturelle.
 
Nous distinguons habituellement l’artiste de l’artisan, même si l’un et l’autre disposent d’une technique ; mais on dit du premier qu’il produit des objets, souvent associés à une fonction, à une utilité, tandis que le second crée, davantage qu’il ne produit, une « œuvre ». On peut de cette manière penser que l’un travaille, et l’autre non. Le critère essentiel demeure celui de l’utilité : ce qui est utile n’a pas pour fonction première d’être beau. On n’attend pas de l’artisan qu’il soit « génial » ; mais on cherche les traces du génie chez le peintre, le sculpteur, le musicien ou l’écrivain.
Kant (1724-1804), dans la Critique de la faculté de juger (1790), s’interroge sur ce qui différencie, d’une part, les productions naturelles des productions humaines, et d’autre part l’activité de l’artiste de celle de l’artisan.
Pour Kant, en droit, on ne devrait appeler art que la production par liberté, qui met la raison au fondement de l’action. On se plaît à nommer une œuvre d’art le produit des abeilles (les gâteaux de cire régulièrement construits), mais ce n’est qu’en raison d’une analogie avec l’art (§ 43). Le gâteau de cire n’est donc pas une œuvre d’art : « Les abeilles ne fondent leur travail sur aucune réflexion proprement rationnelle ». C’est l’instinct, et non l’intelligence ou la volonté de fabriquer quelque chose de beau, qui les incite à produire la cire de cette manière. On ne peut donc, dans un premier moment, comparer le travail de l’homme au travail de l’animal, au regard des beaux objets. L’œuvre d’art est toujours l’œuvre de l’homme. Une belle montagne n’est donc pas davantage une œuvre d’art que les gâteaux de cire des abeilles.
            Kant montre que l’art est également
            distinct du métier de
            l’artisanat : l’art est dit
            « libéral », le
            métier est dit
            « mercenaire », ou mercantile. On
            considère le premier comme s’il ne pouvait
            obtenir de la finalité qu’en tant que
            jeu, c’est-à-dire comme une
            activité en elle-même
            agréable ; on considère le second
            comme un travail, c’est-à-dire
            comme une activité, qui est en elle-même
            pénible, et qui n’est attirante que par
            son effet (par exemple le salaire), et qui par
            conséquent peut être imposée de
            manière contraignante. L’art relève
            davantage d’un jeu ou d’un plaisir que
            d’un travail à proprement parler : on
            travaille pour gagner de l’argent, et c’est
            parce que le produit de notre travail va nous permettre
            de gagner de l’argent que nous acceptons le
            travail et que nous acceptons de fournir l’effort
            qui lui est associé.
            Même si l’art est une activité
            productrice, cette production peut être
            appelée « libre ».
            C’est pourquoi les arts
            « libéraux » incluent la
            dimension de la liberté. Les sept arts
            libéraux, au siècle de Kant, sont :
          
- la peinture ;
 - la sculpture ;
 - la musique ;
 - la poésie ;
 - le théâtre ;
 - la danse ;
 - l’éloquence.
 
Cela ne signifie pas que les beaux-arts n’impliquent pas de contrainte. L’artiste doit nécessairement tenir compte de certaines règles ; il ne peut pas faire n’importe quoi. Par exemple, explique Kant, dans la poésie, l’artiste doit prendre en considération l’exactitude et la richesse de la langue ainsi que la prosodie et la métrique.
            Kant distingue ensuite le talent et le
            génie : « Le
            génie, écrit Kant, est le talent
            (don naturel) qui donne les règles à
            l’art » (§ 46). Le génie
            consiste donc essentiellement à produire la
            règle, et non simplement à
            l’appliquer. La distinction établie par
            Kant entre le talent et le génie reste
            pertinente : si Picasso, par exemple,
            au XXe siècle, est
            unanimement considéré comme un
            « génie », c’est
            parce qu’il invente de nouvelles règles -
            tout en connaissant parfaitement celles des
            écoles de dessin et de peinture de son
            époque. Il s’inspire notamment des lignes
            et des formes des sculptures ou des peintures de ce que
            nous nommons aujourd’hui les « arts
            premiers », ce qu’aucun peintre
            n’avait encore fait avant lui.
            
            Kant estime en outre que la qualité essentielle
            du génie est l’originalité.
            Son œuvre ne peut être imitée. Et il
            ne faut pas confondre, ajoute Kant, originalité
            et absurdité, ou excentricité :
            certes une œuvre absurde est originale, mais elle
            ne peut pas servir de modèle ou d’exemple,
            contrairement à une œuvre originale, dont
            peuvent s’inspirer les autres artistes.
            L’absurde demeure stérile, et c’est
            probablement à tort que l’on compare le
            génie à la folie, en citant par exemple
            Van Gogh ou Nietzsche. Enfin, les œuvres de
            génie ne sont pas explicables ; on
            ne peut en rendre compte de manière
            scientifique. L’artiste ignore, pour le dire
            autrement, les mécanismes qui président
            à la production de son œuvre ; la
            genèse de cette œuvre reste
            mystérieuse, « naturelle »
            en quelque sorte : le génie est doté
            d’un don naturel. C’est pourquoi,
            sans doute, le génie donne une impression de
            facilité, de spontanéité, et non
            d’effort et de contrainte.
          
            Les Grecs de l'Antiquité ne distinguaient pas
            l'activité de l'artiste et celle de l'artisan.
            Toutes les deux exigent un savoir-faire qui
            s'acquiert durant un temps de formation et qui ne cesse
            de se perfectionner ensuite. On ne s'improvise pas
            artiste. « C'est un métier de faire
            un livre, écrit La Bruyère, comme de
            faire une pendule ». Il est donc possible de
            s’opposer à la conception selon laquelle
            les activités de l’artiste seraient
            totalement opposées à celles de
            l’artisan. Certains
            « produits » artisanaux sont
            aujourd’hui élevés à la
            dignité d’œuvres d’art. Parce
            que l’artisan a toujours la possibilité de
            s’exprimer dans ce qu’il conçoit, il
            est à ce titre un artiste.
            De plus, chaque objet créé est
            unique, non reproductible. Il reste authentique,
            contrairement aux objets produits de façon
            industrielle. C’est d’ailleurs pourquoi,
            aujourd’hui, la lithographie a moins de valeur
            que l’œuvre peinte : celle-ci demeure
            originale, et la lithographie peut être
            reproduite en de multiples exemplaires. Plus on produit
            d’exemplaires, moins l’œuvre a de
            valeur marchande. L’activité de
            l’artisan reste individuelle et
            créative, contrairement à celle de
            l’ouvrier, qui produit en masse des objets
            identiques en vue de satisfaire la demande et les
            besoins du consommateur. C’est toutefois
            négliger l’apparition et le succès
            du design - devenu un art -, puisque
            les musées l’y accueille désormais.
            Un pèse-personne, une cuillère, une
            casserole, deviennent des objets d’art.
            L’idée est de faire en sorte que les
            objets les plus courants, les plus immédiatement
            utilitaires, soient beaux. La beauté
            pénètre donc dans un domaine
            d’où elle semblait exclue.
          
            On estime habituellement que l’œuvre
            d’art est le fruit de l’inspiration
            de l’artiste ; la création
            elle-même est directement liée à
            cette « inspiration »,
            qualifiée souvent de
            « divine ». Platon (428–348
            avant J.-C.) la définit d’ailleurs de
            cette manière : « Le
            poète est chose légère,
            ailée et sainte, et il est incapable de
            créer avant que le dieu le pénètre
            et le mette hors de lui » (Ion,
            534 b). Le poète dont parle Platon est en
            quelque sorte étranger à son pouvoir de
            création ; il lui vient d’un souffle
            divin, tout extérieur. Très souvent,
            l’inspiration ne vient pas, et l’artiste la
            cherche et l’attend
            désespérément. Apparaît par
            exemple le syndrome de la page blanche :
            l’écrivain s’installe à sa
            table de travail, et rien ne vient. Au contraire
            l’inspiration déborde, et l’artiste
            doit se lever tôt ou se coucher tard pour
            écrire ou pour peindre ce qu’il
            conçoit dans un élan qu’il ne peut
            réprimer. La Muse ne le laisse pas en paix.
            
            L’inspiration de l’artiste, en tant
            qu’un pouvoir étranger en lui, est comme
            une passion sans liberté ; la
            production a en elle-même la forme d’une
            immédiateté naturelle, qui
            survient au génie comme à ce sujet
            particulier - et ne fait en même temps
            qu’un avec l’entendement technique et les
            mécanismes extérieurs d’un
            travail acharné (Hegel, 1770-1831,
            Encyclopédie, § 560-1817). Aux yeux
            de Hegel, l’inspiration et le travail sont
            complémentaires. L’un ne va pas
            sans l’autre. Hegel parle même de
            « travail acharné », et
            conteste ainsi que la création d’une
            œuvre soit facile ou spontanée.
            L’art n’exclut donc pas la
            contrainte, et il n’est pas non plus,
            comme le disait Kant, assimilable à un
            « simple jeu ».
            Si l’œuvre d’art semble parfaite,
            c’est surtout parce que nous ne la
            découvrons qu’achevée :
          
Nietzsche, Humain, trop humain (I, chapitre IV, aphorisme 162-1878 et 1886)
Il est convaincu que « tous les grands hommes sont de grands travailleurs ». Le génie ne fait rien que d’apprendre à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme. Nietzsche ne croit pas davantage que l’« intuition » soit une qualité propre à l’artiste ; nous pensons ainsi parce que cela nous arrange. C’est plus agréable pour nous en effet de penser que la création se fait sans effort, et nous pouvons ainsi continuer de croire que parce qu’ils sont particulièrement doués, parce qu’ils sont « géniaux », les artistes ne peuvent être nos rivaux. Cela nous évite, à nous, de faire des efforts. Le grand artiste peut par conséquent être un tâcheron, toute création peut être laborieuse ; Flaubert écrit ainsi à Amélie Bosquet, de Choisset (en 1865-1866) : « Plus je vais, moins j’ai de facilité. J’ai passé hier dix heures consécutives pour faire trois lignes, et qui ne sont pas faites ! ».
            Sans doute jugeons-nous que l’œuvre
            d’art est dissociée d’un travail
            parce que qu’elle n’est pas à
            proprement parler « utile ». Nous
            estimons pourtant que l’art est
            indispensable ; la fréquentation des
            musées a, par exemple, considérablement
            augmenté. Si l’art ne correspond pas
            à un besoin économique et social, il
            correspond néanmoins à un besoin
            spirituel et culturel, même si elle
            est également rentrée dans
            l’ère du divertissement. Selon
            l’expression restée célèbre
            de Marcel Proust dans Le temps retrouvé
            (1927), l’œuvre d’art, et
            spécialement la littérature,
            représentent « la vraie
            vie », ce qu’avait également
            exprimé Nietzsche; la littérature nous
            donne à voir cette réalité que
            sans elle, nous n’aurions pas vue.
            
            Il reste difficile de définir ce qu’est le
            « génie » et nous
            n’employons plus aujourd’hui ce terme sans
            le mettre entre guillemets, sachant qu’il ne
            s’exprime finalement que par la
            médiation du travail, et qu’il ne
            suffit pas de posséder l’inspiration,
            l’imagination ou le talent pour créer ou
            produire une œuvre d’art exceptionnelle.
          

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