L'opinion publique existe-t-elle ?
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Cependant, la question des rapports entre démocratie et opinion publique n’est pas sans poser problème. En effet, le concept d’opinion publique pose de nombreuses questions de définitions, et en particulier l’impossibilité de définir scientifiquement cet objet. Plus encore, sont importantes les interrogations portant sur la prise en compte de l’opinion publique pour gouverner dans une démocratie. Peut-on repérer et mesurer l’opinion publique ? Comment l’opinion publique intervient dans les choix politiques ? L’omniprésence aujourd’hui des sondages et enquêtes d’opinion sensés saisir cette opinion publique suscitent de nombreuses critiques. L’analyse de l’opinion publique a conduit certains sociologues et « politistes » à démontrer que dans une large mesure celle-ci n’existe pas, et qu’elle peut être construite et instrumentalisée comme un moyen politique de manipulation ou de conquête du pouvoir.
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Doc. 1. Niccolo di Bernardo dei
Machiavelli (Nicolas Machiavel, 1469-1527), homme politique et philosophe italien. Peinture de Santi di Tito (1536-1603), Florence |
Doc. 2. Nicolas Machiavel : Frontispice de l'édition du Prince de 1584 dédié à Laurent de Médicis, le Magnifique |
Sous Louis XV, la nécessité de lever des milices et le versement des impôts imposent de connaître l’état de l’opinion. Les intendants des provinces se voient confier par le contrôleur général du Royaume en 1745 la mission de connaître l’état des richesses et de semer la rumeur d’une éventuelle augmentation des impôts et la levée d’une future milice afin de connaître les réactions de la population. Les cahiers de doléances de 1789, pour la tenue des Etats généraux, constituent eux aussi un moyen déterminant pour le pouvoir de connaître l’état de l’opinion, même si les effets de ces cahiers se retourneront contre la monarchie.
Dès la Révolution française, et encore plus sous le premier Empire, les préfets et la police est chargée d’étudier l’état de l’opinion et d’anticiper les agitations publiques éventuelles. Le développement concomitant des sciences sociales et des outils statistiques au 19esiècle offrent des opportunités considérables de mesurer l’opinion et l’état de la population. Le développement de la question sociale avec l’apparition de la classe ouvrière, perçue comme une classe dangereuse, suscite de nombreuses interrogations et conduit à des études des conditions de vie et d’opinion des populations. L’observation statistique fournit ainsi les moyens d’étudier les faits sociaux, comme le fait Durkheim dans son étude sur le suicide (1897).
Ces études ne portent cependant pas encore sur les comportements politiques et les opinions subjectives des individus. La première expérience pour mesurer, anticiper, et éventuellement faire évoluer l’état de l’opinion et les résultats électoraux, a lieu aux États-Unis avec les simulations de vote organisées par des journaux. Ces « votes de paille » cherchent en apparence à déterminer les intentions de vote des électeurs en simulant l’élection, mais servent surtout d’outil commercial pour assurer les ventes des journaux ou promouvoir les idées politiques de leurs propriétaires.
Les votes de paille cèdent la place à la fin du 19e siècle à une nouvelle méthode reposant sur la technique de l’échantillon. À partir de cette époque, les chercheurs en science politique, en sociologie et en géographie, développent des analyses détaillées des comportements électoraux. En France en 1913, André Siegfried construit une analyse cartographique de la géographie électorale. Les techniques de sondage s’améliorent grâce aux outils mathématiques et leur capacité prédictive leur confère une légitimité qui ne sera sans doute pas étrangère à leur importance aujourd’hui.
C’est en 1935 aux États-Unis, que le premier institut de sondage, est créé George Horace Gallup. Sa réussite pour prévoir le résultat de l’élection présidentielle de 1936 avec la victoire de Roosevelt lui confère une très forte notoriété qui se diffuse en France. Jean Stoetzel, après son voyage aux États-Unis et sa rencontre avec Gallup, fonde le premier institut français, l’IFOP (Institut français d’opinion publique). Les premiers sondages portent sur diverses questions mais prennent rapidement une tournure politique en interrogeant les français sur leur position concernant les accords de Munich en 1938, négociés en France par Daladier, et qui mettent en évidence que l’opinion ne partage pas aussi unanimement l’opinion des députés qui ratifient ces accords.
Le véritable lancement des sondages d’opinion politique en France a lieu avec l’élection du Président de la République au suffrage universel direct en 1965, avec un des tous premiers sondages réalisés à la sortie des urnes.
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Doc. 3. George Gallup (1901-1984), statisticien et sociologue américain à l'institut de sondages Doxa en 1951 |
De plus, les instituts de sondages diversifient leurs offres au-delà du champ des intentions de votes. En effet, de très nombreux sujets peuvent faire l’objet d’un sondage ou d’une enquête d’opinion. Connaître l’opinion des consommateurs pour une marque ou un produit, mesurer le degré de satisfaction des services publics proposés par une ville, prendre connaissances des préoccupations de la population concernant un problème de société pour un groupe de pression, un syndicat ou un parti politique, sont autant d’occasions de vendre un service à ces organisations.
Les sondages d’opinion sont donc un produit qui permet à des entreprises privées de réaliser des profits, par conséquent cela introduit des biais non négligeables dans la volonté de mesurer l’opinion publique. Si le client d'un institut souhaite obtenir certains résultats, rien n'interdit (ou presque) celui-ci à orienter son sondage ou enquête dans le sens voulu.
Le développement des sondages est associé à la sur-médiatisation de l’opinion publique et à la volonté des organes médiatiques de coller avec cette opinion. Les médias ont tout intérêt à suivre l’état de l’opinion afin de capter les esprits et de vendre ainsi de l’espace publicitaire à prix élevé. En 2007, le chiffre d’affaires mondial du marché des sondages est estimé à presque 17 milliards d’euros. En France, se sont pas moins de 450 sociétés qui se partagent un marché proche du milliard d’euros.
De plus, les sondages d’opinion agrègent des opinions individuelles en supposant que cela détermine une opinion collective. Hors, la conscience collective pour reprendre l’analyse ancienne de Durkheim ne résulte pas de l’addition des consciences individuelles. Les autres critiques formulées contre cette mesure de l’opinion portent ainsi sur l’idée que toutes les opinions ne se valent pas, et que l’agrégation des opinions conduit à construire un « artefact dépourvus de sens », selon les termes mêmes de Pierre Bourdieu. Le corps social dispose de ses propres mécanismes et exerce une prégnance sur les comportements individuels. Par conséquent, les sondages favorisent et construisent une opinion collective fictive, qui en revanche exerce une influence bien réelle sur les comportements individuels marqués par le mimétisme, et le conformisme. Un individu, à qui on explique que la majorité de ses concitoyens pensent de telle ou telle façon, sera forcément influencé par le soi-disant état de cette opinion.
Pour reprendre l'exemple des premiers sondages réalisés en France, l’IFOP a posé en 1939 la question aux français de savoir si une nouvelle guerre pouvait avoir lieu. 45% d’entre eux ne croyaient pas qu’elle pouvait avoir lieu. Comment interpréter ce résultat ? Est-ce un pronostic sur le futur, ou l’expression d’un souhait de la part de la population ? Bien évidemment les capacités prédictives de ce type de sondage semblent particulièrement réduites.
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Doc. 4. Emile Durkheim (1858 - 1917),
sociologue français
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Mais l’idée que les sondages et enquêtes d’opinion puissent être efficaces pour mesurer l’opinion est une croyance sans fondement scientifique. Le développement des sondages est lié à celui de la communication politique et des acteurs qui se chargent de conseillers les candidats. Faire de la politique consiste davantage à construire une communication efficace, afin de faire en sorte de se situer le plus haut possible en termes de popularité, que de participer seulement à la vie politique dans les institutions. Les analyses de sondages et d’enquêtes par les sondeurs eux-mêmes deviennent des instruments politiques.
Les techniques de mise à l’agenda utilisent cette fonction politique des sondages. Un responsable politique qui souhaitent faire parler de lui à tout intérêt à solliciter un institut de sondage afin de connaître sa popularité, et de faire publier le résultat, quitte à ce que les questions qui sont posées, soient formulées plutôt en sa faveur. Il en est de même des questions de sociétés qui apparaissent comme par « enchantement » dans les médias. Bien souvent, les responsables politiques par stratégie politique, ont tout intérêt à susciter un débat qui permettra de distraire l’attention de la population sur un thème plutôt que sur un autre, ou à utiliser ce débat pour anticiper d’éventuelles difficultés politiques ou sociales. La hiérarchie des sujets présentés par les médias est souvent étroitement liée à celles des préoccupations politiques de ceux qui exercent le pouvoir.
L'omniprésence actuelle des sondages et des enquêtes d'opinion résultent d'une demande de la part des responsables politiques, syndicaux et autres personnes intéressées par l'opinion publique. L'opinion publique constitue aujourd'hui un point de référence pour les médias qui construisent leur offre d'informations en fonction de attentes supposées de l'opinion.
Mais l'opinion publique demeure avant toute chose une construction sociale et politique, et nombreuses sont les raisons pour lesquelles il est possible de penser qu'elle n'existe pas car les sondages posent des questions qui sont davantage le résultat des préoccupations de ceux qui les demandent aux instituts. Elle n'existe pas aussi parce qu'ils agrègent des opinions qui n'ont pas toutes la même valeur.
Il s'avère ainsi possible de construire l'opinion publique en utilisant ces enquêtes et sondage afin d'établir l'agenda médiatique et de capter ainsi l'attention de l'opinion publique, en établissant une hiérarchie des sujets selon les intérêts des décideurs publics.
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