1. L'évolution de la croissance économique
a. L'âge d'or de la croissance française : les
années 1960
Entre 1952 et 1974, la France connaît une croissance
économique spectaculaire, c'est pourquoi on appelle ces
années les « Trente Glorieuses »,
selon l'expression de Jean Fourastié. Le taux moyen annuel
de croissance de la production est supérieur à
5 %. Cette croissance est relativement
régulière sur toute la période. Cette forte
croissance s'explique par un environnement international
favorable, mais elle a aussi des causes nationales, comme le
dynamisme démographique, et l'importance de l'intervention
de l'Etat dans l'économie.
Cependant, cette croissance s'accompagne d'une inflation
permanente (155 % de 1949 à 1968). Cela constitue
l'un des revers de la croissance : si l'inflation permet de
financer à moindre coût la modernisation de
l'économie française, elle a un impact très
négatif sur les échanges extérieurs. Pour
remédier à cela, le franc est dévalué
huit fois entre 1944 et 1969.
b. La crise
A partir du début des années 1970, la France
affronte un nouveau contexte économique : celui de la
crise. Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 creusent le
déficit et ralentissent brutalement la croissance. La
production industrielle chute de 10 % en 1975. Comme les
autres pays occidentaux, la France est menacée par
l'inflation et le chômage. A partir de 1974, la France
connaît une inflation à deux chiffres,
c'est-à-dire supérieure à 10 %. Le
nombre de chômeurs est en hausse continue :
420 000 en 1974, un million en 1977, un million et demi en
1980.
2. Les mutations sociales
La croissance économique en France a très
profondément transformé la société,
en modifiant les structures socioprofessionnelles. Trois
phénomènes marquent cette évolution :
la diminution des effectifs du patronat et de la paysannerie, la
relative stagnation du nombre des ouvriers après une
période de forte croissance après 1945 et la forte
croissance de la classe moyenne salariée.
a. Les vaincus de la croissance
Deux groupes sociaux semblent être les victimes de la
croissance : les petits patrons et les paysans. Tout
d'abord, le patronat de l'industrie et du commerce voit sa part
dans la population active tomber de 12 % en 1954 à
7,9 % en 1975. Cette forte diminution est due à la
disparition de nombreuses petites et moyennes entreprises, et au
phénomène de concentration des grandes
entreprises.
D'autre part, la paysannerie ne représente plus que
9,2 % de la population active en 1975 contre
26,7 % en 1954. Cette disparition d'un très grand
nombre d'agriculteurs est très frappante, dans la mesure
où la France de l'après-guerre était encore
très rurale. Dans les années 1960 et 1970,
elle perd peu à peu cette caractéristique.
b. Le monde ouvrier
Depuis 1945, les ouvriers sont devenus le groupe
socioprofessionnel le plus nombreux de la population
française. Leur nombre continue à augmenter entre
1945 et 1962, de façon assez rapide. A partir de 1962,
leur proportion tend à se stabiliser autour de 37,5 %
de la population active. Au sein de cette catégorie, il
faut remarquer la naissance d'une « nouvelle classe
ouvrière », formée d'ouvriers
qualifiés, chargés de tâches d'encadrement.
Ils connaissent une élévation rapide de leur niveau
de vie, et s'intègrent parfaitement dans la
société de consommation.
c. L'âge d'or des classes moyennes
La croissance des Trente Glorieuses eut pour conséquence
la forte augmentation d'une classe moyenne salariée,
formée de groupes socioprofessionnels divers :
employés, cadres moyens ou supérieurs... Leur
cohérence vient de leur sentiment commun d'appartenir
à la société de consommation, d'aspirer
à la promotion sociale, mais aussi de leur crainte de voir
les difficultés économiques menacer leur emploi ou
leur niveau de vie.
3. L'évolution des moeurs et de la vie quotidienne
a. L'amélioration du niveau de vie
Le revenu des Français s'est accru de 24 % entre 1949
et 1954, de 18 % entre 1954 et 1959 et a doublé entre
1960 et 1978. Les années 1960-1970 sont donc celles
où le niveau de vie a le plus augmenté. La vie
quotidienne en a été littéralement
bouleversée. Les progrès matériels sont
considérables et la plupart des Français peuvent
acheter des biens et services autrefois réservés
à des privilégiés. Les
années 1960-1970 représentent une
période nouvelle : celle de l'entrée dans la
société de consommation.
Ces changements se traduisent d'abord par l'amélioration
de l'alimentation, et l'accès de la plupart des
Français à des produits comme la viande, les
légumes et les fruits frais. D'autre part, les
Français consacrent plus d'argent à leur logement.
Les années 1960-1970 sont des années
marquées par la construction de nombreux logements
modernes, la plupart en habitat collectif : ce sont les
grands ensembles érigés dans les banlieues.
Les foyers sont de mieux en mieux équipés :
machine à laver, lave-vaisselle,
téléviseur, réfrigérateur. Il faut
ajouter l'achat d'automobiles : 65,3 % des foyers
possèdent une voiture en 1976, contre 21 %
en 1957.
Enfin, l'augmentation du niveau de vie permet un meilleur
accès aux soins, et une ouverture vers le monde des
loisirs et de la culture. La croissance du nombre
d'élèves dans l'enseignement secondaire et
supérieur montre la démocratisation de
l'enseignement.
Pourtant, ces progrès ne doivent pas masquer les fortes
inégalités sociales qui existent durant ces
années. L'accès aux loisirs, aux vacances et
à la culture demeure limité dans les milieux
modestes.
b. Les remises en cause des valeurs traditionnelles
Ces transformations profondes de la vie quotidienne ont une
profonde influence sur l'évolution des moeurs. La
croissance de la consommation, l'accès à la culture
de masse et l'urbanisation bouleversent les structures
traditionnelles. La famille subit ainsi des modifications
profondes. Les jeunes jouent dans la société un
rôle beaucoup plus important. C'est aussi le cas des femmes
qui aspirent à une plus grande reconnaissance de leurs
droits. Le droit à l'avortement est ainsi
légalisé en 1975.
La libéralisation des moeurs se développe et les
valeurs traditionnelles traversent une crise. La fin des
années 1960 s'accompagne d'une remise en cause de la
société de consommation. La crise de mai 1968
traduit ces aspirations nouvelles : rejet de
l'autorité et des valeurs bourgeoises, quête du
bien-être et du bonheur.
L'essentiel
Les années 1960-1970 sont marquées par une
très forte croissance économique, suivie de la
crise, qui survient en 1974. Pendant ces années, la
société française se transforme et
enregistre des modifications de ses structures
socioprofessionnelles. Le niveau de vie des Français
s'améliore, permettant l'entrée dans la
société de consommation. Les valeurs
traditionnelles sont remises en cause au profit d'aspirations
nouvelles.