La métamorphose, Franz Kafka
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Tout en travaillant dans une compagnie d'assurance dans laquelle il s'ennuie et développe une véritable haine du monde bureaucratique, il commence à rédiger (en allemand toujours) son Journal, dans lequel il relate le moindre événement du quotidien et compose aussi quelques brèves fictions.
Ce journal, ainsi que son abondante correspondance (notamment à Felice Bauer, son ancienne compagne), nous informent beaucoup sur le personnage brimé qu'est Kafka. Il déplore la misère intellectuelle dans laquelle le jette son travail, au détriment de ses velléités littéraires. Obligé d'écrire la nuit seulement, il peut parfois rester jusqu'au matin installé à sa table d'écriture!
Kafka peine à terminer ses textes. Après des nouvelles avortées (excepté Le Verdict, 1912), son roman, L'Oublié, est interrompu à son tour, et seul le premier chapitre est publié sous le titre Le Soutier, en mai 1913.
Ce texte est divisé en trois chapitres, séparés par un temps indéterminé mais qui obéissent à un schéma récurrent : d'abord seul, le personnage principal, Gregor Samsa, essaie de renouer le contact avec les siens, son père surtout, mais il ne reçoit que mépris et violence, et finit à chaque fois par perdre conscience.
Lorsque le récit débute, la transformation de Gregor en cafard a déjà commencé. C'est un début in medias res, qui nous plonge directement dans les conséquences psychologiques de cette transformation, sans s'appesantir sur la transformation physique et son aspect fantastique. Gregor analyse notamment l'évolution de ses relations avec ses proches : ils se désintéressent très vite de leur fils en qui ils ne voient plus que l'insecte, probablement dépourvu d'humanité, de sensibilité, et du don de parole. Gregor reçoit ce rejet comme châtiment ultime, lui qui ne peut plus leur dire à quel point il les aime et a besoin d'eux.
Voilà quelle récompense reçoivent les héros de Kafka, toujours incompris, méprisés et maltraités physiquement : Joseph K. meurt « comme un chien » à la fin du Procès ; le cadavre du jeûneur professionnel d'Un artiste de la faimest enlevé à coups de balai. Gregor Samsa est exterminé sur ordre de la sœur de Gregor, Grete, par la bonne qui est aussitôt après licenciée. Et le texte de se terminer sur le bien-être retrouvé des parents et de leur fille, tous disposés à réaliser « ces rêves nouveaux et ces bonnes intentions » qui les attendent désormais.
Franz Kafka, comme dans Le Verdict, profite de la plume pour régler des comptes avec son père qu'il déteste, celui-là même qui contraria toujours sa vocation d'écrivain, allant jusqu'à qualifier les artistes de « vermines », et qui aima davantage le petit frère disparu, Georg, curieusement anagrammatique de Gregor !
C'est à travers cette histoire « excessivement répugnante » selon son auteur, que Kafka se métamorphosa réellement en écrivain. Et pourtant, il publia peu par la suite. Ses plus grandes œuvres, comme Le Château, Le Procès, furent en fait publiées à titre posthume, après 1924, l'année de sa mort.
Les dieux, et surtout Jupiter / Zeus, excellaient dans l'art de la métamorphose, notamment lorsqu'il s'agissait d'aller séduire une jeune mortelle. On se souvient par exemple de Jupiter se changeant en taureau pour aller conquérir Europe.
Dans L'Ane d'Or, d'Apulée, le personnage principal, Lucius, se transforme en âne après s'être enduit d'une pommade magique.
Homère, dans L'Odyssée, offre quelques magnifiques exemples de métamorphoses : il suffit de penser à Circée changeant les compagnons d'Ulysse en porcs.
Et l'on pourrait aussi évoquer les métamorphoses subies par Alice et d'autres personnages, dans Alice aux pays des merveilles, de Lewis Carroll (1865).
L'essentiel ici n'est pas tant de retenir qu'il s'agit d'un texte fantastique, mais plutôt que le thème de la métamorphose, déjà traditionnel dans la littérature, est ici réinventé par Franz Kafka dans le cadre d'une réflexion sur l'absurde et la violence des relations humaines. L'homme devenu insecte est l'objet du mépris et de l'exclusion. La différence n'engendre que la haine des autres.
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