Objectif : situer l'œuvre dans son contexte
ainsi que dans l'ensemble de l'œuvre de l'auteur et en
connaître les principales caractéristiques.
1. L'exilé
La figure du
poète exilé, debout sur la
grève, est la première image qu'offre Victor Hugo
dans son recueil poétique
Les Châtiments
(1853). Evoquant son exil hors de France, l'auteur se
représente comme un
banni. Dès le premier
poème du livre I, « France !
à l'heure où tu te prosternes », se
dessine la silhouette de ce réprouvé :
« Le banni, debout sur la grève,
Contemplant l'étoile et le flot,
Comme ceux qu'on entend en rêve,
Parlera dans l'ombre tout haut. »
Cet exil qui est pour lui source de souffrance puisqu'il
est privé de sa terre et des siens – la
tonalité élégiaque des dernières
strophes de « Ultima Verba » le
montre – est la preuve aussi de sa
détermination, de son inflexibilité sans
cesse réaffirmée tout au long du recueil :
il restera loin de France tant que Napoléon III est
au pouvoir. Cet exil physique est aussi moral ; le banni
est solitaire, seul à lutter contre une foule de
courtisans, contre un peuple passif :
« Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en
suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor
Sylla ;
S'il en demeure dix, je serai le
dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai
celui-là ! »
(« Ultima Verba »,
livre VII, 17.)
2. Le poète combattant
Le poète se présente comme un
adversaire,
ardent combattant de Napoléon III et de son
régime, inspiré par la Muse Indignation. Il
apparaît donc comme une sorte de résistant et de
combattant engagé dans une
lutte sans merci,
artisan de la
vengeance de la « pauvre France
abattue » (livre III, 9). Plusieurs images
contribuent à la naissance de cette figure : la plus
significative est celle du « belluaire »
– gladiateur solitaire et courageux – qui
est renforcée par la métaphore filée de
« la parole qui tue »
(livre III, 9) : Hugo parle de façon
récurrente d'une « meute de
strophes » (livre VI, 11) et des
« fouets de strophes furieuses »
(livre VII, 16), outils du châtiment de
l'empereur. La poésie devient donc une
arme,
instrument de libération :
« L'art, c'est la pensée humaine
Qui va brisant toute
chaîne. »
(« L'art et le peuple »,
livre I, 9.)
et le poète un combattant vengeant la France de
ses outrages.
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Doc. 1. Victor Hugo foudroyant Napoléon III
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3. Le poète pensif
Victor Hugo présente le poète comme un
penseur, un être marginal : il est un
« esprit d'une autre sphère » dont
le « rôle est d'avertir et de rester
pensif » (livre IV, 2). Il a le pouvoir de
percevoir ce qui appartient à une autre
réalité, il est une bouche qui annonce
l'avènement de la République universelle :
c'est une sorte de prophète, messager de Dieu,
intermédiaire entre les hommes et la volonté
divine ; c'est ce que traduisent les derniers vers du
poème « Force des choses »
(livre VII, 13) :
« Le monde, réclamant l'essor que Dieu lui
doit,
Vibre, et dès à présent, grave, attentif, le
doigt
Sur la bouche, incliné sur les choses futures,
Sur la création et sur les créatures,
Une vague lueur dans son œil éclatant,
Le voyant, le savant, le philosophe entend
Dans l'avenir, déjà vivant sous ses prunelles,
La palpitation de ces millions d'ailes ! »
L'essentiel
Trois figures du poète dominent dans le recueil :
la figure du poète exilé
– solitaire et inflexible –, celle du
poète combattant – armé de ses
strophes pour venger la France de l'affront de
Napoléon III –, et enfin celle du
poète penseur – visionnaire
annonçant la venue de la République.