L'essentiel
126 millions d'habitants, 372 000 km2 et 337
hab./km2 sont trois données qui
édulcorent trop souvent la réalité d'un
pays envisagé sous le seul spectre de l'engorgement et
de la réussite forcée. La réalité
est plus subtile et les contraintes naturelles ont
été érigées en piliers culturels
d'un succès volontaire.
1. Le « miracle » japonais ?
La réussite japonaise est fondée sur
l'épanouissement culturel de l'univers japonais, tout en
gardant un respect de la tradition.
a. L'originalité de la puissance nipponne
La puissance nipponne repose sur la culture shintoïste et
sur la mise en place d'un système de valeurs à
hiérarchie verticale où l'individu – le
citoyen – s'identifie à un groupe – la Nation
– dans la quête de l'harmonie. Cet ordre social
spécifique est le garant d'une sécurité
réciproque.
Au Japon, l'insularité doit être comprise comme le
gage de la réussite ; en effet l'ouverture
décidée par le pouvoir impérial en 1868
se traduit désormais par la souplesse d'adaptation de la
société et par sa grande curiosité. Dans ces
conditions, un dirigisme étatique était possible,
accommodé à la culture locale et fondé sur
la concertation.
Dans un autre ordre d'idées, les contraintes
imposées par la nature ont toujours été une
source d'inspiration vers la modernité : là
où les Alpes, voire les modestes Pennines (Angleterre)
constituent des obstacles à contourner, les Alpes
japonaises ont été l'occasion pour un peuple de
briller et de démontrer sa science de l'espace (shinkasen,
ponts et tunnels inter-îles, etc.).
b. Les dividendes de la réussite
Ils tiennent au consensus social et relèvent d'un
mélange de savoir-être pétri du sens du
devoir et d'une haute qualification et de savoir-faire empreint
du rôle incitateur de l'Etat. Ce dernier oriente la
politique des zaibatsus dans le sens de
l'intérêt du pays, tandis que les
Sôgô Shôshas prospectent la
planète à la recherche de nouveaux marchés.
La souplesse des conventions collectives devant les directives de
l'Etat et la rigidité du marché intérieur
face aux exportations sont encore deux conditions favorables
à la perception d'une croissance maintenue.
2. Le Japon face à son destin
Depuis le début des années 1990, les fondements
économiques et sociaux du modèle japonais sont mis
à mal tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur du pays.
a. L'évolution sociale
Sur un plan social, les jeunes Japonais acceptent de moins en
moins l'autorité hiérarchique d'une culture qui
semble leur échapper : le temps de travail diminue
régulièrement (de 2 450 h/an en 1965
à moins de 1 900 actuellement), l'obligatoire
dévouement à l'entreprise s'effiloche, le
chômage augmente, tandis que les marginaux sont exclus de
la société.
En contrepartie, les Japonais consacrent de plus en plus de temps
aux loisirs ; la nouveauté des congés de plus
d'une semaine est un nouvel atout pour un Etat
décidé à réorienter
l'aménagement de son territoire de sorte que le Japon
constitue désormais une attraction touristique pour les
Japonais eux-mêmes et... pour les consommateurs
étrangers !
b. Une cosmogonie variable
Quelle que soit la difficulté, structurelle, culturelle ou
conjoncturelle, le Japon sait répondre à ses
propres crises même si celles des années 1990
ont fâcheusement terni la réputation de sa classe
politique. Reste que ce pays, qui n'est à l'abri d'aucune
catastrophe naturelle (séisme, typhon, tsunami) ou
économique (choc pétrolier ou crise
boursière), parvient toujours à rebondir sur ses
propres faiblesses : si l'inefficacité des secours
apportés aux victimes du séisme de Kobe en 1995 a
été grande, la systématisation des normes de
constructions parasismiques a depuis été
adoptée.
Longtemps critiqué pour son protectionnisme, le Japon a
profité des capitaux amassés durant les
périodes de la Haute Croissance, de la Nouvelle
Politique et de la « Bulle » (1955-1992)
pour investir à l'étranger soit par des OPA soit
par la délocalisation de ses propres activités
économiques, relançant ainsi sa
prospérité.