La problématique de l'intégration se manifeste
dès l'apparition de la sociologie, mais
l'intégration sociale, avec son contraire, l'exclusion, est vraiment au cœur
des débats depuis les années 1980-1990. La
question est de savoir si la « fracture
sociale » ne va pas avoir raison de notre
société.
1. L'intégration et sa définition chez E.
Durkheim
a. L'origine de l'intégration dans les
sociétés modernes
Chez Émile
Durkheim, l'analyse des sociétés
passe par la notion de solidarité. Les
sociétés ont longtemps été
organisées autour de la solidarité
mécanique, qui assurait l'intégration de la
société car les individus étaient
tous semblables et la conscience collective était
forte. Puis, la solidarité est devenue
organique avec la division sociale du
travail ; les individus exercent des fonctions
différentes et sont dépendants les uns des
autres. La division du travail peut créer de la
solidarité et de l'intégration.
b. La solidarité organique et le risque
d'anomie
Toutefois, Durkheim doute de la force intégratrice
de la solidarité organique. La conscience
collective s'amoindrit et la conscience
individuelle est de plus en plus forte. La
montée de l'individualisme et de
l'anomie (absence de règles) peut
entraîner l'insuffisance de l'intégration,
si aucun lien nouveau ne vient combler la distance qui
existe entre l'individu et la société
globale, distance qui peut conduire au suicide
« anomique »,
caractéristique des personnes qui souffrent de ce
que la vie sociale est déréglée.
Pour Durkheim, il est donc nécessaire de
renforcer les groupes professionnels (les
corporations dans le langage de Durkheim) afin que les
individus retrouvent la nécessité de vivre
ensemble, de s'intéresser à la vie
citoyenne et politique.
2. Les facteurs de l'intégration sociale
A. Sayad dans son article « Qu'est-ce que
l'intégration ? » insiste sur le
fait que l'intégration est un processus
inconscient, quasi invisible, de socialisation. C'est un
phénomène qui a lieu dans le temps, mais
dont on ne peut parler qu'après coup, pour dire
s'il a réussi ou échoué. C'est un
processus de changement de substance, mais qui ne se fait
pas de façon brutale et peut prendre plusieurs
générations. L'auteur doute de la
possibilité d'orienter ce processus et va
même jusqu'à considérer que
l'intégration est « l'effet secondaire
d'actions entreprises à d'autres
fins... », ce qui ne signifie pas qu'il doute
des capacités d'intégration des individus,
ni des capacités intégratrices des
sociétés.
a. Le travail
On peut considérer que le travail est aujourd'hui
le facteur primordial de l'intégration car :
- il permet d'avoir un revenu est d'accéder
à la consommation. Celle-ci est un facteur
d'intégration dans nos sociétés
basées en partie sur la consommation
ostentatoire.
- il ouvre des droits à une protection
sociale. Les revenus de transfert sont basés
en grande partie sur une cotisation préalable.
- Il permet de donner une identité aux
individus et de leur construire des relations
sociales.
- Le statut social est en grande partie
déterminée par le travail et cela explique
la vision négative qu'a notre
société vis à vis des sans emploi de
plus en plus stigmatisés comme des «
assistés ».
b. La famille et l'école
La solidarité familiale reste très
importante. C'est encore la famille qui socialise et qui
va soutenir l'individu lorsqu'il rencontrera des
difficultés. Toutefois, les formes familiales ont
beaucoup évolué et il n'est pas certain que
ce rôle pourra être joué avec autant
de succès à l'avenir. Il apparaît
toutefois qu'avec la crise économique, la famille
continue de jouer son rôle de solidarité
financière et morale.
L'école publique a, depuis les années 1880,
joué un rôle considérable dans
l'intégration de la société
française. Les républicains voulaient
fabriquer des Français instruits, valoriser la
raison, dépasser les particularismes, favoriser la
mobilité sociale (en donnant une chance à
tous : méritocratie).
L'école est un agent de socialisation
important et les individus y passent relativement plus de
temps. Elle est le seule à fournir des
diplômes qui sont un sésame pour
l'entrée sur le marché du travail notamment
en France.
Les efforts de l'école étaient poursuivis
par ceux de l'armée, qui véhiculait les
valeurs de la Nation et le patriotisme. Il ne faut
pas négliger le rôle de l'État dans
son ensemble, comme employeur ou comme protecteur
(État providence). La solidarité nationale, par
l'intermédiaire d'un système de protection
sociale, est un vecteur de lien social vertical entre les
individus.
c. D'autres instances d'intégration
Certaines instances ont un rôle de plus en plus
important comme les associations ou les groupes
de pairs que l'on retrouve chez les jeunes mais aussi
de plus en plus au troisième âge. Les
nouvelles technologies permettent d'établir des
liens plus nombreux (réseaux sociaux sur internet
par exemple).
D'autres instances sont moins mises en avant
désormais comme l'église, l'armée ou
encore les syndicats et les partis politiques. Leur
rôle est déclinant du fait de leur moindre
fréquentation par les individus.