Le mythe de l'âge d'or dans élégie 3 |
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L'île même où Tibulle se trouve retenu, Corcyre, est évoquée ici par son nom épique de Phéacie (« Phaeacia », v. 3), la terre des Phéaciens, la première que reconnaît le héros Ulysse de retour à Ithaque après vingt et un ans d'absence : « Il est près de toucher aux rives phéaciennes, où le destin l'enlève au comble des misères qui lui venaient dessus » (Homère, Odyssée, chant V, 288-89). La terre de Phéacie est d'ailleurs décrite dans l'Odyssée comme une terre heureuse et bénie des dieux, comme l'affirme la princesse Nausicaa : « Il n'est pas encore né, jamais il ne naîtra, le foudre qui viendrait apporter le désastre en pays phéacien : les dieux nous aiment tant ! Nous vivons à l'écart et les derniers des peuples, en cette mer des houles, si loin que nul mortel n'a commerce avec nous. » (Odyssée, chant V, 201-205). Tibulle semble se souvenir de cette évocation, mais en termes négatifs (« ignotis terris », v. 3).
Protégé comme Ulysse par une déesse (« Nunc dea, nunc succure mihi », v.27), il espère lui aussi revoir sa patrie : « Quant à moi, puissé-je encore fêter les Pénates de mes pères et offrir au Lare antique l'encens qui lui est dû chaque mois. » (v. 33-34). L'élégie se termine sur la même prière. Le souhait d'un retour impromptu, tout comme l'appel à la fidélité de Délie, n'est pas sans rappeler le retour inattendu d'Ulysse ou la fidélité héroïque de Pénélope, même si le poète apprendra à ses dépens que Délie n'est pas Pénélope (élégie 5).
Mais ce thème du retour appelle en écho un autre retour, évoqué au centre de l'élégie (v. 35-48), celui de l'aurea aetas « l'âge d'or ».