1. La doctrine Truman
a. Une volonté d’arrêter la progression du
communisme
En janvier 1947, le général Marshall devient
secrétaire d’Etat à la place de Byrnes. Le
choix d’un personnage plus intransigeant que son
prédécesseur à l’égard de
l’Union soviétique marque de la part du
président Truman une volonté d’endiguer la
progression du communisme. Pourtant, depuis 1945, la donne a
changé. Les tentatives d’avances soviétiques
sont de plus en plus mal perçues.
L’attitude soviétique a de plus été
violemment dénoncée en mars 1946 par
Churchill, dans le cadre d’un discours prononcé
à Fulton, aux Etats-Unis. Il y énonce pour la
première fois la notion de rideau de fer coupant en deux
l’Europe et dénonce la mainmise de l’Union
soviétique sur une partie du continent européen.
Terminant son discours par un appel à l’ensemble des
Anglo-Saxons à s’unir contre cette mainmise,
Churchill voulait impressionner les esprits. Au début de
l’année suivante, les Etats-Unis semblent partager
sa vision de l’Union soviétique. En outre, les
responsables américains s’inquiètent de plus
en plus des conséquences politiques de la pauvreté
dans laquelle s’enfonce l’Europe.
b. La Grèce : première application de la
nouvelle volonté américaine
Les événements de Grèce constituent une
première application de la nouvelle volonté
américaine. Envahie par l’Allemagne, la Grèce
avait vu se développer divers mouvements de
résistance, soutenus par le Royaume-Uni qui
considérait ce pays comme une pièce maîtresse
pour le contrôle de la Méditerranée.
L’entrée en guerre de l’Union
soviétique, en juin 1941, avait été
l’occasion d’un développement d’une
résistance d’inspiration communiste. Au retour
à la paix, il était convenu entre Union
soviétique et Royaume-Uni que la Grèce resterait
dans l’aire d’influence britannique. Mais les
communistes grecs entreprirent assez rapidement de
s’affranchir de cette influence. Ils reçurent
bientôt le soutien de l’Union soviétique qui
échouait dans ses tentatives de déstabilisation de
la Turquie et voyait soudainement dans une possible mainmise sur
la Grèce un moyen de contrôler ses accès
à la mer Noire. Aussi, l’année 1946 et
le début de l’année 1947 virent se
développer une véritable guérilla communiste
commandée par le général Markos, soutenu par
l’Union soviétique, tandis que les Britanniques
soutenaient financièrement et militairement le
gouvernement grec.
Mais le Royaume-Uni est exsangue et ne peut plus, au
début de l’année 1947, poursuivre ses
efforts. Les Etats-Unis doivent alors s’engager
directement sous une forme ou une autre. C’est
l’occasion pour le président Truman de
définir la doctrine du containment ou
d’endiguement du communisme. Il s’agit pour les
Etats-Unis d’apporter leur aide – financière
tout particulièrement – à tout pays en
butte aux ambitions communistes. Il fait voter par le
congrès une aide de 250 millions de dollars en
faveur de la Grèce (plus 150 millions pour la
Turquie). Mais il faut finalement attendre
jusqu’en 1949 pour que la guérilla communiste
soit totalement éradiquée en Grèce.
2. Le plan Marshall
a. Un plan autant idéologique qu’économique
Inspiré par le diplomate George Kennan, qui avait
déjà élaboré la doctrine du
containment, George Marshall présente, en
juin 1947, un plan d’aide économique à
l’Europe : l’ERP (European Recovery Program),
plus connu sous le nom de plan Marshall. Il s’agit
d’apporter aux pays européens qui en feront la
demande une aide financière et matérielle
destinée à faciliter leur reconstruction.
Jusqu’alors, les Etats-Unis s’en étaient tenu
à des aides bilatérales, limitées uniquement
à la fourniture de produits de première
nécessité. Avec le plan Marshall, il s’agit
également de financer des infrastructures et du
matériel (tracteurs, machines-outils, etc.)
nécessaires au bon redémarrage de
l’économie européenne. Cette aide n’est
assortie d’aucune condition, hormis celle d’une
coordination entre les pays européens. Les
Soviétiques ne peuvent accepter cette situation, car elle
va totalement à l’encontre de la planification
centralisée qu’ils envisagent de mettre en place en
Europe orientale. Ce sont donc deux conceptions qui se trouvent
face à face : d’une part,
l’économie centralisée et planifiée
des Soviétiques, d’autre part
l’économie ouverte et libérale des
Etats-Unis. Ainsi, le plan Marshall force les pays
européens à choisir leur camp
idéologique.
Mais le plan Marshall est aussi un instrument économique
essentiel pour les Etats-Unis. En effet, ceux-ci réalisent
42 % de leurs exportations avec les Européens dont la
solvabilité – compte-tenu de leur ruine – est
de moins en moins assurée. C’est donc, avec le
déclin économique européen, l’ensemble
du système de commerce international des Etats-Unis qui
est menacé, d’où la nécessité
pour eux de solvabiliser leur principal client en lui permettant
de renouer avec la prospérité.
b. Le refus soviétique
Conscients des enjeux idéologiques, notamment, que porte
le plan Marshall, les responsables soviétiques le
refusent. La France avait d’ailleurs proposé que
l’aide s’applique également aux pays vaincus,
c’est-à-dire à l’Allemagne. Cela
signifiait pour l’Union soviétique d’accepter
que l’organisme qui serait créé pour
gérer l’aide américaine (l’OECE –
Organisation Européenne de Coopération Economique
– future OCDE), eût son mot à dire sur la
gestion de la zone d’occupation soviétique en
Allemagne.
Les responsables soviétiques font également
très vite pression sur les pays dans l’aire
d’influence soviétique. Certains d’entre eux
(la Hongrie par exemple) s’avouent clairement
intéressés par la proposition américaine et
envisagent de participer à la conférence de Paris
qui, en août 1947, doit réunir les futurs pays
bénéficiaires. Finalement, ne participent à
cette conférence que seize pays d’Europe
occidentale. Ainsi, si le plan Marshall est le moyen de
redressement économique de l’Europe, il marque aussi
la confirmation de la coupure de l’Europe en deux.
3. La riposte soviétique
a. La création du Kominform
La réaction soviétique ne se fait pas attendre.
Très vite la propagande communiste, notamment par
l’intermédiaire des partis communistes
d’Europe occidentale (Parti communiste français ou
parti communiste italien par exemple) présentent le plan
Marshall comme un produit de l’impérialisme
américain, destiné à établir la
domination économique et politique des Etats-Unis sur
l’Europe. A l’intérieur du monde communiste,
il est également présenté comme un moyen
d’isoler l’Union soviétique et de
préparer contre elle une guerre de conquête. Cette
présentation permet aux responsables soviétiques
d’affirmer la nécessité d’un
renforcement des liens entre les pays d’Europe orientale et
l’Union soviétique elle-même, et plus
généralement d’une coordination des
différents partis communistes européens.
C’est à cette fin qu’est créé,
en octobre 1947, sous l’inspiration du
Soviétique Jdanov, le Kominform, bureau
d’information des partis communistes. Y participent les
partis communistes russe, polonais, yougoslave, bulgare, roumain,
hongrois, tchécoslovaque, italien et français.
b. L’action révolutionnaire
L’affrontement entre ce qui constitue désormais deux
blocs antagonistes est devenu évident.
L’Union soviétique entreprend alors de soutenir
les partis d’inspiration révolutionnaire en Europe
occidentale. Il s’agit essentiellement des partis
communistes italien et français. Ceux-ci participent aux
gouvernements d’union nationale issus de la
Libération. Mais leur position devient de plus en plus
difficile à tenir entre les impératifs des
alliances gouvernementales et l’antagonisme naissant
entre les deux blocs. Finalement, en avril et en mai 1947,
le PCF puis le PCI quittent leurs gouvernements respectifs.
La conférence de Varsovie, en octobre 1947, et la
création du Kominform sont l’occasion pour eux
d’un rappel à l’action
révolutionnaire de la part du « grand
frère » soviétique. Le dernier
trimestre de l’année 1947 et le début
de l’année 1948 voient en Italie et en France
(mais également dans les autres pays d’Europe
occidentale) des mouvements de grèves insurrectionnelles
d’une rare violence.
Cela n’a d’autre effet que d’isoler les
partis communistes d’Europe occidentale sur la
scène politique de leurs pays respectifs.
L’essentiel
Après l’ère des premiers malentendus et de
la méfiance, l’année 1947 marque un
tournant dans les relations entre Union soviétique et
Etats-Unis. Ceux-ci prennent conscience des ambitions
soviétiques et surtout de la responsabilité que
leur confère leur statut de super-puissance. Dès
lors, les cadres de la Guerre froide se mettent en place.