Le Joueur d'échecs : structure de la nouvelle
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Toutes les références renvoient à l'édition du Livre de Poche n° 7309.
La nouvelle juxtapose trois récits différents, à la fois autonomes et totalement complémentaires.
Le récit narré au passé par le narrateur, qui ouvre la nouvelle et relate le départ du paquebot qui se dirige vers Buenos Aires, constitue le récit cadre. Ce début se fait in medias res (le lecteur est directement transporté au cœur de l’action). Le narrateur parle à la première personne et se présente comme le témoin de cette scène d’embarquement relatée sur le mode réaliste.
Un certain nombre d’informations sont délivrées dans cet incipit, parmi lesquelles la présence à bord du navire « d’un oiseau rare : Czentovic » (p. 10). La conversation entre le narrateur et celui qu’il nomme « son compagnon » de voyage plonge le lecteur, dès le début, dans le récit de la vie de cette célébrité.
La biographie des vingt premières années de la vie du champion du monde des échecs, Mirko Czentovic, commentée par le narrateur et son compagnon de voyage, représente le premier récit enchâssé de la nouvelle.
Son enfance obscure près du Danube, son statut d’enfant attardé, la révélation de son don hors du commun pour les échecs, découvert par hasard, son ascension fulgurante dans le monde des échecs jusqu’à l’obtention du titre suprême et surtout l’indéniable mais paradoxale bêtise et la grande médiocrité du personnage, tout est relaté en une dizaine de pages.
Ce grand retour en arrière explicatif permet de faire le portrait du personnage et de poser d’emblée le caractère extraordinaire du joueur avant qu’il n’intervienne dans l’histoire.
Retour au présent de la narration : on retrouve le narrateur, plein de curiosité pour cet étrange champion du monde des échecs, Mirko Czentovic, à bord du paquebot.
Une première partie est mise sur pied entre Czentovic -attiré uniquement par l’appât du gain- et un passager écossais fortuné, MacConnor. L’intervention aussi opportune qu’inattendue d’un autre passager permet à l’Ecossais de faire jeu égal avec le champion du monde.
Ce récit permet donc d’introduire un nouveau personnage, le mystérieux docteur B…, dont l’extraordinaire aptitude aux échecs constitue une énigme que le second récit enchâssé élucide.
Le mystérieux docteur B… raconte son histoire au narrateur. Ce récit est composé de deux moments. Tout d’abord (jusqu’à la page 61), le docteur B… dévoile son identité et précise, notamment, qu’il travaillait au service de la famille impériale d’Autriche. Cette activité secrète lui vaut d’être arrêté et séquestré par la Gestapo en 1938.
Le lecteur apprend donc les conditions de détention très éprouvantes qui détruisent le docteur B… Le prisonnier explique ensuite qu’il ne doit sa survie qu’au vol d’un manuel d’échecs. En effet, la pratique du jeu d’échecs, guidée par ce manuel dérobé à l’un des gardiens, est tout d’abord intensive ; elle devient vite obsessionnelle puis compulsive et destructrice, empêche le détenu de prendre conscience de son isolement et de sa souffrance physique et morale. Obnubilé par les échecs, le docteur B… ne livre pas, à ceux qui l’interrogent, les réponses qu’ils attendent mais le jeu le conduit à une crise de folie paranoïaque qui le mène dans un hôpital et le délivre donc des soldats de la Gestapo.
Ce récit constitue lui aussi un retour en arrière sur la vie d’un des personnages présents à bord de ce paquebot et permet de poser une énigme : le docteur B… est–il devenu plus fort que le champion du monde en pratiquant seul et de manière compulsive ce jeu ?
Les deux récits enchâssés constituent en fait deux analepses (texte ou extrait de texte qui constitue un retour en arrière). Il est intéressant de noter que dans la nouvelle de Zweig, elles sont très différentes l’une de l’autre ; mais leur diversité enrichit le sens de la nouvelle.
L’examen de la structure de la nouvelle de Zweig permet de mettre en évidence la variété des procédés narratifs ainsi que l’intelligence qui préside à chacune des options de l’auteur. Le parallèle entre la rédaction d’une telle nouvelle et une partie d’échecs s’impose alors tout naturellement à l’esprit du lecteur.
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